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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6811#0186
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LE GRELOT

LA SEMAINE

Mesdames et Messieurs,
La pièce.que nous allons avoir l'honneur de
représenter devant vous, s'appelle :
L'HIVER.

Ç'est une repris», mais son succès depuis
longtemps affirmé par son nombre de repré-
sentations nous permet d'espérer qu'elle fera
cette année encore de fructueuses recettes,

Elle a cinq mois et, un nombre infini de
tableaux, dont quelques-uns des plus intéres-
sants.

Le prologue se passe en 1876.

Lâ première scène, qui nous montre la ren-
trée des-députés est vive et animée.

L'interpellation y est développée avec un
art infini ;

Nous vous recommanderons particulière-
ment un dialogué émâillé dé.gauloiseries plus
ou moins délicates, entre MM. Gambettà, dit
Vopportuniste des salons et M. Naquet, sur-
nommé le tombeur de la Camargue, athlète des
plùs vigoureux.

La seconde scène s'ouvre par un chœur de
rajnoneurs, dont la musique est confiée à
Saïeey, et qui acquerra certainement une
popularité égalé à celle de son fameux chœur
des conspirateurs.

Les ramoneurs s'engagent à ramoner au
plus juste prix les consciences douteuses et
les convictions obscurcies par un long ser-
vice.

JC'est d'un effet charmant.

.Quant au trio des marchands de marrons
qui suit ce morceau, c'est tout simplement
un chef-d'œuvre.

Le prologue se termine par une course de
Turcs, de Serb«s et de Russes armés dé serin-
gues d'un effet irrésistible.

Nous ne voulons pas vous déflorer davan-
tage la pièce, mais nous pouvons votis assurer
que vous ne regretterez pas votre argent.

Pour le public, il est toujours le même :

Aux avant-scènes les cocottes maquillées
quî continuent à être le plus bel ornement de
notre société républicaine ;

Aux fauteuils d'orchestre les gommeux tou-
jours aussi spirituels;

Au parterre, qui, par une attention délicate
de l'administration n'est pas chauffé, les pau-
vres diables qui se contentent d'avoir de
l'esprit, mais qui n'ont que cela;

A la galerie et aux premières loges
classes dirigeantes, parfaitement couvertes et
l'estomac convenablement garni;

Aux petites p.aces et au paradis, les classes
dirigées, qui ont faim t\ froid plus souvent
qu'à leur tour, mais que ie spectacle inlérèsse
entièrement.
.Enfin, un peu partout, les journalistes.

Entrez donc, mesdames et messieurs!...
entrez 1

'.ÎEt si vous n'êtes pas conùnts... on ne vous
rendra pas votre argent.

.'* ~ - «i» "rr-*---tfjl~i ;>'-îf' *

.1 <t •

Connaissez-vous la femme Prsfst?

N'en riez pas?

Eh bien, entre nous, je vous en félicite sin-
cèrement.

. Cette estimable créature, après avoir retiré
de pension sa fille âgée de douze ans, n'a rien
trouvé de mieux, pour lui faire apprécier les
douceurs de la famille, que de la rouer ûe
coups de bâton, de l'assommer à coups de
chenets, et de lui faire préparer le pot-au-feu
de son Alphonse.

Les gifl"S qUe cette coquine administrait à
sa progéniture ont fait tant de bruit que le
parquet s'en est ému.

On a pincé la femme Prost;

On l'a amenée devant le tribunal,

Lequel tribunal l'a condamnée à...

Voms ne devineriez jamais?,..

A deux mois de prison.

De sorte qu'au bout de soixante jours, la
dite femme Prost va retrouver son monsieur et
la malheureuse enfant ses coups de chenets...
avec les intérêts composés naturellement.

Et voilà tout ce que la loi, dans son inépui-
sable justice, trouve à infliger à cette gre-
dine I

Allons, messieurs les législateurs, au lieu
de perdre votre temps à vous dire des injures
et à distribuer des plates à vos âjxfis, révisez-
moi uq peu ce- code ridicule et impuissant
contre de semblables infamies.

Autre exemple à méditer.

Un monsieur a un fils... naturel.

Ce monsieur reconnaît l'enfant.

Puis, l'enfant reconnu, le monsieur s'em-
presse de le lâcher pendant vingt ans avec un
enthousiasme bien digne de louanges... puis
il se marie avec une veuve ornée déjà d'un re-
jeton.

Le pauvre garçon, livré à lui-même, est
heureusement recueilli par une famille de
braves gens qui l'élèvent tant bien que mal à
leurs frais, puis il rentre à Saint-Cyr, où il
rencontre le beau-fils de son père, comblé,
choyé, adulé, couvert de Sucreries ef chargé
de poi 'te-monnaie.

Quant à lui, personne ne s'en occupe, ne
lui tient, ne lui donne un sou.

Désespéré de cet inqualifiable abandon, il
perd la tête et commet une série de vols qui
l'amènent devant la justice militaire, Jaquètîe,
malgré la pitié qu'il lui inspire, ne peut faire
Éffltrernent que &6 lui infliger deux ans de
prison.

Bien.

11 a commis une faute, il la paye, nous n'a-
vons rien à dire.
Mais le père?

Le père qui a menti à ses engagements vis-
à-vis d un être qui ne lui avait pas demandé à
naître, ce père qui a renié sa chair et son
sang, qui a livré cette jeune âme à toutes les
tentations, dont la présence, par son affec-
tion et ses conseils contre les sollicitations de
l'isolement et du désespoir?

Le père?... ou du moins celui que la loi re-
connaît comme tèlî...

Est-ce que vous croyez qu'il ne.mériterait
pis* la moitié du châtiment q-ue stfh malheu-
reux fils a encouru?

Mais la loi ne dit rien à ce sujet.

Donc les juges ent la bouche close et la
main fermée,

Eh liiefi, est-ce qu'il ne vous semble pas
qu'il y a encore quelque chose à faire de ce
côté-là?

La devise des sergents de ville, sous le règne
a jamais béni de Napoléon III, était :

— Circulons, messieurs, circulons!

■[Il me semble que nos députés, en présence
de pareils faits, pourraient prendre celle-ci :

— Révisons, messieurs, révisonsI

On dira que je rabâche, peut-être.

Tant pis pour qui le dirai... mais je né me
lasserai jamais rie réclamer à cette place, si
humble qu'elle solit, la destruction aussi com-
plète que possible, des abus et des sottises
humaines.

NICOLAS FLAMMÈCHE.

Le froid fait une concurrence sérieuse à la
question d'Orient sur le terrain de l'actua-
lité.

Autrefois, l'or! ne s'abordait qu'en se di-
sant :

— « Tiens, bonjour, Cornuchet, ça va bien,
mon vieux. Mieux que les Serbes, hein?... »

— « Oh, tu sais, ma vieille, pour moi, les
Serbes sont mieux portants que Nom-à-cou-
cher-à-la-porte-Pacha ne pense. J'ai eu der-
nièrement une fluxion de poitrine, et j'ai bien
cru que je lâcherais la rampe, ce qui me fe-
rait descendre mon escalier les pieds devant.
Mais Tchernaïeff est plus solide qu'on ne
croit ; il a des retranchements... des redou-
tes... des montagnes... avec cela que les com-
munications sont difficiles... »

— « Eh... ehl... on ne sait pas trop ce qui
se passe là-bas. Depuis huit jours, pas de
nouvelles. Toi, qui lis vingt journaux par
jour, en connais-tu d'importantes?... »

— « Non. Ahl... si, tiens, j'oubliais. Mais,
tu sais, cela n'a aucun rapport avec ces ques-
tions intéressantes : ma femme est morte. »

Aujourd'hui, tout est changé. On s'occupe
encore de la question d'Orient, mais seule-
ment à huis-clos, auprès d'un bon feu.

On n'en parle plus dans la rue, qui est ré-
servée à la température. Les traités à sensa-
tion i les dépôciit'S diplomaliques les plus
inquiétantes, les complications les plus inat-
tendues, les changements d'alliance, les revi-
rements politiques font moins d'effet que les
Variations thennomûtriqiies.

Bismarck, Gorlschakotf, Andrassy, lord
Derby sont battus, enfoncés, coulés, dépas-
sés, planés, finis, ratiboisés par l'ingénieur
Chevalier. '\

Ce n'est plus l'épée qui décide du sort du
monde, c'est Je thermomètre.

Et, si cela continue, je ne désespère pas de
voir un jëur deux bourgeois se rencontrer
dans la rue, et l'un dire à l'autre :

— « Dites donc, vous ne savez pas la grande
nouvelle?... La Russie, l'Allemagne, la Itou-
manie, l'Italie et la Grèce viennent de décla-
rer la guerre à la Turquie, soutenus par l'An-
gleterre et l'Autriche. La Bourse baisse énor-
mément. »

Et l'autre répondre ;

— « Bah, mon cher, ça n'a pas d'impor-

tance. Le thermomètre a encore baissé de
cinq degrés 1... »

—o—

Je découpe cet alinéa dans l'Univers :

— n Si le pape se transportait à Florence,
la dépopulation, qui désole la cité des Flo-
rentins, cesserait aussitôt. »

Voyons, M. Roussel, on n'est pas grivois et
rabelaisien à ce point. Vous vous rappelez la
vieille grivoiserie de nos pères :

Vite en carrosse,
Vite à I» noce.

Alléluia,
Le pape est marié!...

Et franchement, le Saint-Père est d'un âge
et d'un caractère qui ne permettent pas qu'dn
se livre à d'aussi mauvaises plaisanteries sur
son compte.

Il m'arrive rarement de lire ce diable. d'Unir
vers, mais, une fois que j'ai mis le nez dedans, je
ne puis plus en sortir. Je l'épluche, j'en pèse,
j'en* défalque 'iliaque phrase, enfin je l'examine
avec autant d'attention que j'en mettrais pour
une huître dans laquelle je chercherais des
perles.

J'y trouve encore celle-ci :

— « Victor-Emmanuel est le Nabuchodono-

sor modem?. «

Pas encore, Loth 1... Il n'y a que six ans
qU'il est à Rome, au milieu des vôtres, et vous
savez bien que Nabuchodonosor est resté sept
ans parmi Us bêtes.

Je lis dans une feuille badingouine ;

— « DHB Carlos était hier au Skating-Palais.
Son officier d'ordonnance, Saballs, qui patine
admirablement, (sic) étant tombé, le préten-
dant s'est baissé, et a ramassé.., sabatle. »

Comment, il a ramassé Saball?
Mais alors, il fait concurrence au petit Ba-
dinguet 1...

Il y a cinquante ans, comme aujourd'hui,
le parti conservateur abusait à son profit du
quai ficatif : « honnêtes gins. »

A chaque instant, à tout bout de champ, à
chaque bas de page, à tout bout de ligue,
Messieurs les conservateurs s'écriaient :

« ftp» sommes les honnêtes gens!... Il n'y a
qui nous d'honnêtes/... Tous les autres sont des
voleurs.'.,. »

Un jour, à la chambre des députés, un
membre de la droite, M. Dudon, dit que, si la
devise des républicains était « Liberté, Egalité,
Fraternité, «..c'est-à-dire ce qu'on peut trou-
ver de plus vil, de plus inique, de plus infâme,
çel.le des royalistes était ce qu'il y a de plus
beau, d s plus grand, de plus noble : « Le roi,
là charte et les honnêtes gm<! .. d

— Faites-nous grâce'lies Honnêtes gens t...
cria quelqu'un à la gauche de M. Dudon.

Celui-ci reprit :

— « Et par qui donc voulez-vous être gou-
Ternés?... »

— « Par des gens honnêtes /... » dit le général
Foy.

Sur cette vive réplique, un éclat de rire,
presque général, termina la discussion.

GRINGOIRE.

Feuilleton du GRELOT, 29 octobre 187G.

LE VOILE

(Suite.)

— Eh bienl gaillard, me dit un dimanche matin
le père Duret, vous ave/, de la chance «l'être bien ré-
tabli maintenant, carfift-soir vous aurez à jouer des
jambes, une belle atwe11... Vous, un carabin!...

, C'était, en effet, le jour de la kermesse, — et il y
avait le soir bal dans une gramle piairie à côté de
l'église. Tout le monde se promettait de s'amuser
pour une année ; et la veille, j'avais vu la mère Du-
ret et mademoiselle Gerirude, les manches retrous-
sées au-dessus des coudes, qui brassaient des mon-
ceaux de farine et qui enlevaient les noyaux à des
montagnes de ceiises et de prunes, — signe évident
q«e le lendemain des pléiades de tartes constelle-
raient la table. On avait, du reste, invité passable-
ment de monde de tout poil à venir à la fête, et j'a-
vais parcouru avec le père Duret plusieurs villages
des environs pour recruter nos eonvivts.

Six semaines à peu près s'étaient écoulées depuis
mon entretien avec le fermier, — et bien que j'eusse
exercé sur Antoinette la surveillance la plus exacte,
je n'avais pas découvert la moindre tentative crimi-
nelle de sa part.

D'un autre côté, l'époque du mariage approchait;
on avait déjà publié un des bancs, et quinze jours
plus tard ou devait faire la noce.

11 était évident donc pour moi que , si la fmine
au voile voulait faire quelque chose pour empêcher
le mariage, il était temps qu'elle se liàiàt, — et j'e-

II) Voir les n" 286 et suivants du Grelot. .
(1) Reproduction interdite.

tais surpris qu'elle «0 m'eût pas encore laissé aper-
cevoir son plan par quelque côté ; car,' de penser
qu'elle laisserait s accbffiplfr Cette union sans y ap-
porter tous les obstacles qu'elle pourrait, cela me pa-
rai^sait invraisemblable.

Depuis le premier soir où je l'avais vue, elle n'a-
vait cessé de venir presque journellement à la ferme,
— rôdant comme une vipère autour de sa rivale, et
sans doute guettant une occasion ; mais, comme au-
cune altération ne s'était produite dans la sauté île
Geltrude, il éutit certain qu'elle n'avait pas encore
trouvé moyen de donner à ses projets un commence-
ment d'exécution.

Elle ne. devait pas y avoir renoncé pourtant; quand
on l'observait avec attention, on pouvait constater
sur sou visage les traces d'une préoccupation pro-
fonde, — les Coups de burin d'une idée fixe,- elle ne
parlait, pour ainsi dire, plus, et, quand ou. lui adres-
sait une question, il fallait renouveler la demande à
plusieurs reprises avant d'ootenir ttdè réponse. Dans
la rue, elle allait la tête inclinée, — l'air pensif, —
les bras au long du corps,—ne voyant personne, —
d'un pas rafle et saccadé, — évidemment absorbée
par une médilaiion passionnée et ti rnElf.

— Elle est dans ses jours encore une fois!... me
disait le jiére Durei quand elle passait droite, dans
cette attitude morue et désespérée.

A dilïerentes fois, je l'avais suivie.

Elle" demeurait un pou à l'écart du village, dans
une petite maison isolée au milieu des champs.

Son habitation, qui n'avait qu'un rez-de chaussée
et un grenier, était flanquée à l'arriére d'un jardin
entoure de haies assez épaisses et hautes de sept à
huit pieds, de façon à intercepter les regards indis- •
crels; mais, à forcé de tourner autour de l'enclos,
j'avais Uni par trouver une place où les aubépines
étaient moins touffues, et d'où Je pouvais examiner
ce oui se passait dans l'intérieur du jardih ; c'était là
que je venais souvent passer plusieurs heures de la
journée saus que ptrsonne, ni surlout Antoinette, s'en
doutât : j'ubservais l'ennemi...

11 laut le dire, l'état du jardin n'était pas fait pour
calmer mes soupçons; il était partagé en deux par
une double rangée de groseiller qui allaient de la

porte de derrière de l'habitation à la haie du foinl,
mais c'était tous les arbres qu'on y voyait; en revan-
che, un grand nombre de plantes de toute espèce,
parmi lesquelles j'eus vite reconnu les thyrses de la
digitale avec leurs gobelets roses piqués de blanc à
l'intérieur, et les belles grappes d'azur de l'aconit aux
feuilles curieusement découpées. J'aperçus aussi des
jusquiames, des renoncules et toute la famille bt-
gariée des vénéneuses anémones.

Je ne m'étais pas trompé : il y avait bien là de
quoi empoisonner toute une ville, et pour ainsi dire
sans danger pour le coupable, car on s.nt que les poi-
sons végétaux disparaissent dans l'économie avec une
rapidité extraordinaire, et qu'on n'en retrouve des'
traces que fort difficilement à l'analyse chimique.

liien souvent j« m'étais demandé :

— De laquelle de ces plantes se sert-elle?... De
laquelle se servira-l-elle surtout contre Gertrnde?...
Sera-ce de cette belladone ? — ou de cette ciguë? —
ou de cette digitale pourprée, qui ralentit si savam-
ment les battements d'un cœur malade, et dotit une
dofe un peu trop torte les éteint à jamais ?

Et tout rêveur, je la regardais, quelquefois une
heure entière, qui se promenait entre ses groseillers,
arrachant une feuille jaunie, écrasant un insecte, en-
levant un bouquet de jeunes pousses emprisonnées
par les lils de soie d'une chenille, — et marchant les
lèvres serrées, les yeux yagiies, les cheveux en dé-
sordre, — poussant de temps à autre un de ces sou-
pirs rauques comme celui qui avait appelé pour la
première fois mou attention sur elle.

Comme elle était loin de se douter qu'elle était
observée, il lui airivait fréquemment de faire des
gestes violents, de montrer le poing, de lever les bras
au ciel, de happer ses mains lune contr- l'aube
poilr les laisser retomber ensuite d'un air désespéré.

Jé croyais alors, dans ces moments d'abanitôn,
qu'elle allait parler, et je fendais avidement l'oreille
pour recueillir les mots qui échapperaient peut-être à
ses lèvr»-s...

Peut-être, me disais-je, vais-je recueillir quelque
aveu, quelque indice?..i
Mais toujours elle trompa mes espérances.
Pas une syllabe né venait mourir sur ses lèvres

pâles et froid s qui auraient pu révéler de si farou-
chei secrets, — et il semblait que cette femme se fût
jurée de ne pas même s'avouer les crimes de son
passé et les forfaits île son présent.

Un jour que j'étais à mon poste, — car, bien que
je crusse depuis longtemps que je n'avais plus rien
de nouveau à apprendre, j'y venais inc. ssamment,
attiré par une sorte de eurio.dlé instinctive et irré-
sistible, — un jour je la vis sortir de sa maison d'un
air délibéré et se diriger de mon côté.

Elle vint à moi en droite ligne, et avec tant de
précision que je mo crus découvert et je lis un mou-
vement poùr rne reculer d'un pas.

Mais je m'étais trompé; ell-î ne m'avait point vu,
car elle n'en fit pas même semblant, et je l'entrevis
oui se penchait curieusement sur une énorme touffe
d'aconit placée dans le jardin, tout à côté de l'en-
droit où je me portais habituellement.

Qpe regardait-elle?

Elie tenait à la main un bocal de verre foncé,— et
je vis avec surprise qu'elle avait des gants de peau
noirs.

Elle resta un moment comme en suspens, le bocal
dans la main gauche, la main droite en l'air et à
demi-ouverte,, Comme lorsqu'on veut saisir un in-
secte dangereux dont on craint à la fois la fdite et fa
piqûre.

Tout à coup, 8a, main s'abaissa.

Elle venait évidemment de saisir quelque chose,—
car elle fit le geste de jeter un petit objet dans le
bocal qu'elle referma aussitôt avec un gros bouchon
de liège.

Puis elle reprit sa position.

— Celte fois, dis-je en moi-même, je vais savoir à
quoi m'en lenir : il faut que je sache ce qu'elle vient
chercher ici sur cet aconit... Ce ne sont évidem-
ment pas des fleurs, il n'y aurait pas besoin de ces
préca' lions!...

La seconde capture ne se fit pas aussi facilement
que la première à ce qu'il paraît, car, à plusieurs re-
prises, Antoinette abaissa la main, — mais elle se
remettait immédiatement en position, ce qui prou-
vait qu'elle n'avait pas réussi.

Une demi-heure à peu près s'écoula ainsi, — et je
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