U5 0M5LOT
FEUILLES AU VEUT
Nous avons lous connu celte histoire,
Elle était dans un de nos livres de prix au temps
où «on» portions encore des jupes et des chemises
sans manches comme les (llles.
Je veux parler de l'histoire de l'intendant, où du
fermier, qui voulait acheter la maison de son maître,
Car tantôt c'est un intendant,
Et tantôt c'est un fermier.
X
Il parait qu'au temps jadis, — avant Haussmann
et les fVreire, — c'était une chose fort difficile que
d'acheter une maison ;
Il parait eocore que les intendants étaient moins
voleurs que ceux d'aujourd'hui, ou volaient moins à
la fois, puis qu'ils devaient, pour devenir eux aussi
propriétaires, recourir à mille stratagèmes...
Celui dont on nous a a tous raconté l'histoire, avait
donc une violente envie de posséder le château qu'il
était chargé d'administrer.
Et a la suite de cette envie, voici ce qui se passa
dans le château en question un hiver queses pro-
priétaires étaient allés pour la mauvaise saison à la
ville :
Toutes les nuits, à minuit juste, comme dans tes
contes d'Hoffmann, on entendait dans les chambres
hautes un bruit de chaînes, accompagné de cris la-
mentables et de hurlements qui faisaient trembler
les chiens du village sur leurs pattes.
Aussi, pour rien au monde, personne ne se fût
avisé d'allar voir ce qui se passait là-han*.
Ft chacun des domestiques préposés à la garde du
château se hâtait de ramener ses couvertures jus-
qu'au dessus de sa tête.
X
Le bruit de ces apparitions arriva à la villn aux
oreilles du propriétaire,
Et on lui dit pis que pendre de ce revenant qui
désolait sa maison de campagne.
L'intendant lui, n'avait pas été non plus des der-
niers à se plaindre.
Le maître résolut de s'assurer par lui-même de la
réalité du fantôme.
Dn beau soir, sans rien dire à personne, il s'en-
ferma dam la chambre maudite, avec une paire de
pistolets dans ses anches.
A minuit, apparition à grand spectacle.
Sans faire ni une, Ri deux, comme on dit, le maître
laeha un coup de. pistolet sur le fantôme qui tomba
à terre en poussant des cris terribles.
On accourut :
C'était l'intendant.— Le lecteur m'a deviné, comme
disait le maître, Ponson du Terrait.
Kh bien !
Cette histoire n'est pas un conte de nourrice ;
Nous la voyens se passer en action, sous nos yeux,
tous les jours que Dieu fait ;
Nous sommes les propriétaires d'une République
hantée par des revenants,
Et que, dans ces conditions on nous engage à
donner pour un morceau de pain.
Chaque soir et chaque matin, (tans le palais du
gouvernement on entend aussi pousser des cris qui
font trembler tous les prud'hommes sur leurs quatre
pattes.
Et il ne manqua, pas de gens pour nous dirn qu'il
faut la vendre, et qu'on n'en aara pas graud'ehose
encore,
Attendu que cette République est maudite.
X
De fait, c'est la vérité, il y revient des ombres;
Mais, faisons comme le maître de l'histoire :
Cachons-noiis dans la chambre des apparitions,
Et quand nous tirerons sur les fantômes,
Nous verrons b en s'il ne s'appellent pas de Broglie
et Buffet, les deux anciens intendants précisément
qui nous conseillent avec tant de zèle de vendre notre
République.
X
Il est temps vraiment que tout cela cesse,
Et que ces deux polissons, depuis longtemps flétris
par le mépris du suffrage universel et tout couverts
de l'exécration publique, soient enfin rois à la
raison.
— Nous ne sommes plus au temps où l'on était
brûlé vif pour avoir mangé une tranche de lard un
samedi ou un vendredi.
Où t on avait la langue percée d'un fer rouge pour
avoir fait un jurement,
Où l'inquisition avait le droit de rôtir les gens
dont elle convoitait la maison, la femme ou la fille.
Mais, patience, nous y reviendrons,
Et comme M. Veuillot et ses porte-cuvettes peuvent
sans être poursuivis pour excitation à la guerre civile,
demander le rétablissement de toutes ces jolies
choses. Il est probable qu'avant un demi-siécle, nous
verrons des bûchers sur la place Saint-Sulpice et des
potences au parvis Notre-Dame..
X
De fait, tout est actuellement livré aux calotins 1
Tout, la vie et la mort, les enfants et les cadavres !
D'une part, le Gouvernement s'ellorce d'enlever à
nos morts le suprême honneur dû à leurs mérites et %
à leurs vertus, et de le réserver tout entier pour les
gens aui ont feimé l'œil sous le goupillon du prêtre.
Et ae l'autre, voici l'archevêque de Paris qui cher-
che à réaliser un emprunt de quatre millions pour
acquérir le matériel de l'ancienne société des pompes
funèbres.
De sorte que, désormais, si la demande de M. l'ar-
chevêque de Paris est accueillie, nous serons obligés,
que nous le voulions ou non, de passer par ses mains.
Une fois que le clergé sera en possession de toutes
les civières, de tous les-draps mortuaires et de toutes
les voitures funèbres de Paris,
Je vous laisse à penser la joie qu'il y aura à mou-
rir, — certain d avance que si on ne veut point se
se faire enterrer méthodiquement avec le suisse et le
bedeau, avec la croix et là bannière, on n'aura pas
d'autre ressource pour se faire porter au cimetière
qu'une brouette ou une voiture de maraîcher.
N'disons plus rien!
V'Ià qu'ça va bien!
II y a de quoi être fier d'être Français aujourd'hui,
— non plus quand on regarde la colonne, — mais
quand on regarde les processions.
S
■ * *
Eabent sua fata libelli, dit Martial.
Ce qui veut dire :
Les petits livres out leurs destinées.
Ét les brigadiers de gendarmerie aussi, ajoute-
rai^ e !
Il arriva, il y a quelque temps, en effet, qu'un bri-
gadier de ce corps sur lequel Odry a fait une chanson
qui vaut un long poème, arrêta un tapageur nocturne
qui troublait la localité que dessert mon gen-
darme.
Il le saisit au collet, — le conduisit au poste où il
lui fit passer la nuit, — et. le lendemain, envoya à
ses chefs un rapport commençant par ces mots :
« J'ai arrêté dans un état d'ivresse complète le
nommé un tel, etc. »
Savez-vous quelle réponse on lui fit ?
Deux jours après, le malheureux brigadier rece-
vait une communication du capitaine de gendarmerie
de la ville voi.-ine, ainsi conçue ;
« Quatre semaines de prison au brigadier un tel
qui ose avouer qu'il a procédé à des arrestations
dans un état d'ivresse complète. »
BRIDA1NE.
LA RESPECTABILITE
Henri Heine disait un jour à un anai :
— Ahl que je m'ennuie.,. Voilà le moment
de l'année où j'ai l'habitude de voyager... et
je ne sais pas où aller!...
L'ami lui répondit :
— Avez-vous été en Angleterre?
— Non, dit Heine.
— Alors, pourquoi n'y allez-vous pas?
— Il y a trop d'Anglais, fit le poBte, avec ce
sourire fin et mélancolique qui disait tant de
choses.
* »
Il y alla pourtant, le malheureux, — un
jour, sans doute, qu'il s'ennuyait bien fort, lui
qui n'avait jamais ennuyé les autres,
Il y alla,
Et un vilain jour, j'y allai comme lui.
C'est alors qu'entre le gin, le tlout et le
porter, les anonymas et les policemen, les
cabs qui n'écrasent dans Londres que cent en-
fants par année, d'après les statistiques offi-
cielles, et les gin-palacs grands somme un
mouchoir de dame et qui rapportent soixante-
dix mille francs de rentes à ceux qui tiennent
ces aimables débits d'eau-forte agrémentée de
gimgembre et de poivre,
Qu'outre les woi k-housts où les deux cents
millions d'impôts levés sur le périple anglais,
au bénéfice des pauvres, parviennent à donner
aux malheureux un morceau de pain, une
cruche d'eau, une paillasse de maïs et un ré-
giment de poux,
Qu'outre bien d'autres facéties encore, je
connais cette cûose inénarrable,
La respectability/
* *
0 respectability !
Dussé-je vivre cent ans I
Dussé-je atteindre l'âge dePriam.de Pélias
et de Nestor, comme disent les anciens :
Pelios et Priami... vel Nestoris aetas,
jamais, non jamais, tu ne sortiras de mon sou-
venir 1
On croit généralement, en Eurepe, qu'il y
a en Angleterre une foule de choses, de divi-
sions sociales, de catégories, de classifica-
tiens ;
Il n'y en a que deux :
Les choses qui sont respectables
Et les choses qui ne sont pas respectables.
Comme dans la religion égyptienne, il y a
deux principes : le bien et le mal, — le bon
et le mauvais génie.
*
* •
La première conversation que j'eus avec un
Anglais me donna la perception de ce que
j'allais voir :
— Oh! oh! me dit-il, vous avez là un cha-
peau bien respectable/
J'avais, en effet, un de ces grands diables
de chapeaux, hauts de vingt-cinq centimèues.
qu'on portait il y a quinze ans.
Et qui, adaptés à un calorifère, remplace-
raient avantageusement tous les tuyaux éco-
nomiques.
Or, ce chapeau ridicule, infâme, et à jamais
maudit.
C'était ce que mon Anglais trouvait un cha-
peau bien respectable.
*
* *
Il y a, en effet, comme je le disais tout à
l'heure, en Angleterre, deux sortes de cha-
peaux :
Le chapeau respectable
Et le chapeau non respectable.
_ Mais il u'y a qu'un chapeau respectable :
c'est notre chapeau noir.
Tout autre est non respectable.
Ayez un chapeau noir qui date de quarante
ans, sans fonds, sans bords, sans ruban, roux,
crasseux, chauve, veule, lépreux, pôché au
fond d'un cloaque par un pêcheur malheu-
reux,
Peu importe, vous êtes respectable.
Ayez, en revanche, un panama de cinquante
francs,
Ou un feutre de Pineau, souple comme un
gant, de Suède, léger comme un nuage de
gaze, et pouvant passer dans une bague,
Vous n'êtes pas respectable.
Et de lotit il en est ainsi :
Fumez la pipe dans la rue,
La respectability n'est pas atteinte.
Fumez un cigare en descendant l'escalier
de votre hôtel on de voire maison,
Cela est excessivement shockingl
Allez un dimanche, à une heure de l'après-
midi, chercher chez le puhlieain d'à-côté une
douzaine de pots de bitttr-ale, et une couple
de pot« de gin et A'irùhwhisky, et absorbez
cette quantité dégoûtante de liquide, dans
votr^ appartement, avant la tombée de la
nuit, de façon à être plus ivre que Silène le
jour des vendanges,
Vous êtes respectable ;
Mais que votre femme se permette déjouer
un morceau da Mozart ou de Beethoven sur
son piano,
Ah! diable, voilà qui n'est pas respectable,
par exemple I
* *
Voilà la vie anglaise !
Et voilà pourquoi, tant qu'ils n'auront pas
su s'échtnilter de ces préjugés grotesques, les
Anglais en resteront torjours au même point
sous le côlé des mœurs.
Or, qu'on me, permette de le faire remar-
quer, nous marchons, en France, tout droit à
à la respectability.
Est-ce qu'on ne vient pas d'envoyer une ci-
tation à un de nos confières pour n'avoir pas
trouvé que les agents de la police secrète
étaient respectables.
*
Nous avons déjà pas mal de choses respec-
tables :
La soutane du prêtre, lo casse-tête de l'a-
gent de police, la robe des juges, le coupe-
chou de Dumanet, les bottes du gendarme, le
nez de Cassagnac et le petit instrument de
M. de Paris.
Voilà que, par décret, le mouchard va pren-
dre rang dans cette collection,
Ce sera passablement honorable pour la
respectability française.
C'est ainsi pourtant que va la vie !
Je dois dire, néan moins, à la louange des
Anglais, qu'ils n'ont pas eu de police secrète :
ce qui est toujours quelque chose.
EfINBST.
LA SEMAINE THÉÂTRALE
L'immense succès de l'opéra de M. Victor Massé,
dont nous tenions à donner à nos lecteurs un compte
rendu aussi complet que possible, ne nous avait pas
permis de parler, dans notre dernière chronique, des
deux autres nouveautés théâtrales de h semaine :
Deidamia, à l'Odéon, et la comtesse Romani, au
Gymnase. Comblons vite celte lacune, car il n'est
jamais trop tard, comme «-lirait M. Prudhomme, pour
remplir son devoir.
C'est la tradition antique d'Achille à Scyros qui a
inspiré à M. Théodore de Banville le sujet de sa co-
médie héroïque Deidamia, et lui a donné ainsi l'oc-
casion d'affn mer une lois de plus son remarquable
talent rie poète, en lui faisant remporter un nouveau
et grand triomphe littér ire.
La scène se passe à Scyros, devant le palais du roi
Lycomède. La déesse Théiis, mère d'Achille, voulant
sauver son fils destiné à périr, vainqueur devant
Troie, le transporte dans cette île pendant son som-
meil. Elle le revêt d'habits de femme, tt le cache sous
le nom d'iphis, au milieu des filles du vieux roi I y-
comèrie. Achille résiste d'abord ; mais, à la vue de la
belle D.ïdamia. l'une des filles du roi, il consent à
tout. Devenu l'époux de Deidamia, il vit à Scyros heu-
reux et tranquille, tout à son amour pour sa belle
épouse et son jeune tils Néoptolème.
Cependant Ulysse, qui, avec Dicmède, a vaine-
ment cherché dans tout* s les îles de la mer Fgéo le
héros promis par l'oracle, qui seul peut amener la
chute de Troie, aborde à Scyros. Le "rusé roi d'Itha-
que invente toutes sortes de stratagèmes pour forcer
Achille de se découvrir. 11 y parvient enfin et em-
mène l'héros avec lui.
Sur cett* donnée, qui semblait devoir prêter si
peu aux développements scéniques, l'auteur du Beau
Léandre et de Diane aux bois a écrit trois actes d'une
action simple et grande, pleins de poésie et d'inspira-
tion, qui ont été accueillis avec enthousiasme par le
monde littéraire et les spectateurs appelés à les
juger.
Le succès de Deidamia a été très-grand. Le
3° acte notamment, d'une incomparable grandeur
poétique, renferme des passages, comme les adieux
d'Ach lie et de Deidamia, qui, par 1 élévation des
sentiments aussi bien que par l'élégance du style,
resteront des modèles de poésie héroïque.
M. Duquesne a monté celte pièce avec beaucoup
de soins. L'interprétation est excellente : Mlie Rous-
seil, dans le rôle d'Achille, et Mlle Volvy, dans celui
de Deïdamia, se fout chaque jour justement ap-
plaudir.
Le Vaudeville a remplacé sur son affiche Fromonf-
jeune et Riolet ainé par les Mariages riches comédie
en 3 actes de M. Abraham Dreyfus.
On nous a dit que le succès de cette pièce avait été
très-grand : que la nouvelle comédie avait été char-
mante, fort amusante et spirituelle d'un bout a
l'autre.
Connaissant tout le talent et la verve satirique du
jeune auteur cela ne nous surprend nullement, et
nous joignons avec le plus grand plaisir nos félicita-
tions à celles que lui ont déjà adressées tous nos
confrères.
Malheureusement chers lecteurs, nous ne pouvons
vous donner un compte rendu de cette jolie pièce,
pour le moment du moins.
L'auteur nous excusera certainement; quant à
MM. les directeurs ils savent mieux que personne,
qu'il n'est pas toujours possible de faire ce qui est...
agréable!.
Impossible donc d'entrer dans de longs développe-
ments... vu la location de nos colonnes envahies par
les annonce .
Mille regrets... bien sincères, ceux-là!..
(Cliché nouveau n. t).
Signalons enfin, en terminant, ls succès qu'ob-
tient, chaque soir, aux Folies-Bergères, la belle miss
Léona Dare, la célèbre américaine, qui, suspendue à
un trapèze par les pieds, ti»nt dans sa bouche — vous
avez bien lu — un autre trapèze sur lequel un
hamme exécute des tours de gymnastique.
Brrrou... cela vous donne mal aux dents!... On
nous assure qu'en dehors ries appointements phéno-
ménaux qu'elle touche de M. Sary, miss Léona reçoit
chaque jour les propositions les plus fantastiques d'un
nombre inconcevable de dentistes qui sollicitent tous
l'honneur de mettre sur leur carte :
X...
Dentiste de miss Léona Dare.
Je le «rois parbleu bien !
11 y a une fortune dans cette idée...
Jules ds la. Verdie.
VARIÉTÉS
Las de la politique et de la question d'Orient,
j'ai voulu, cette semaine, varier mes plai-
sirs, et je suis allé à l'flôlel des Ventes, un
jour qu'on y jouait le cinquième acte d'une
existence de petite dame.
C'est-à-dire la vente après décès.
La malheureuse, dont on vendait les meu-
bles, lus bijoux, les cachemires, les diamants,
les vins, et,— chose bien étrange 1—la biblio-
thèque était, de son vivant, une petite actrice
assex connue dans le monde des boulevar-
diers.
Elle parut un instant sur différentes srènes
secondaires, où elle se préparait à entrer au
Théâtre-Français en apportant des lettres ou
en annonçant : Madame la comtesse !
Jeune, souriante, avec les plus beaux yeux
du monde, elle était d'une bêtise confiante
qui désarmait 'a critique.
Elle ne faisait de mal a personne qu'aux
auteurs qu'elle écorchait. Mais ces pauvres
gens-là en voient tant que leur épidémie de-
vient insensible et puis Rose B... avait une si
drôle de manière de leur dire : « Parbleu,
cela n'a rien d'étonnant que j'aie été mau-
vaise... mon rôle est »i court/..} Donnex-m'en
un plus long et vous verrez ! »
Logique bizarre, n'est-ce pas?
Un jour, un gentilhomme, un des plus
beaux noms de France, s'il vous platt, le mar-
quis de B... l'épouse sans dire garel
Cela fut un immense événement dont on
causa trois jours et «lemi de la rue de la
Chaussée d'Antin au faubourg Montmartre.
Le marquis était ruiné et de plus poitrinaire
au dernier degré; funeste résultai de ses glo-
rieuses campagnes à la Maison d Or et au Café
Anglais.
Voilà le jeune couple qui va s'enfermer
dans une sorte de bicoque située près de Saint-
Maur, sur les bords de la Marne, et le mar-
quis et la marquise se mettent à manger les
quelques écus qui restent du dernier héritage,
sans autre souci que de regarder couler l'eau,
comme deux amoureux de roman.
La petite Rose, elle, adorait son mari tant
qu'elle pouvait.
Elle lui dit ruômeun jour ce motadmirable:
— Tiens, Georges, tu es mon mari, n'est-ce
pas?... eh bien, j« t'aime comme si tu était mon
amant... C'est ça qui est singulier, hein?
Le marquis lui prenait les mains, la regar-
dait en souraint et murmurait : — Es-tu
bonneI... es-tu gentille!...
Puis il toussait à se rompre la poitrine.
Les écus disparus, on engagea les bijoux
pour acheter des tisanes.
La montre de Rose disparut noyée dans le
sirop de Flon.
Puis les bijoux engagés, on vendit le piano,
on vendit le salon, on vendit le linge, on ven-
dit un vieux braque dont un maraîcher du
voisinage offrit cinquante francs, parce qu'il
était de garde. — Ce jour-là, la maison fut
triste.
Puis le marquis mourut.
Il était temps !
Rose, qui avait veillé le pauvre gentilhomme
FEUILLES AU VEUT
Nous avons lous connu celte histoire,
Elle était dans un de nos livres de prix au temps
où «on» portions encore des jupes et des chemises
sans manches comme les (llles.
Je veux parler de l'histoire de l'intendant, où du
fermier, qui voulait acheter la maison de son maître,
Car tantôt c'est un intendant,
Et tantôt c'est un fermier.
X
Il parait qu'au temps jadis, — avant Haussmann
et les fVreire, — c'était une chose fort difficile que
d'acheter une maison ;
Il parait eocore que les intendants étaient moins
voleurs que ceux d'aujourd'hui, ou volaient moins à
la fois, puis qu'ils devaient, pour devenir eux aussi
propriétaires, recourir à mille stratagèmes...
Celui dont on nous a a tous raconté l'histoire, avait
donc une violente envie de posséder le château qu'il
était chargé d'administrer.
Et a la suite de cette envie, voici ce qui se passa
dans le château en question un hiver queses pro-
priétaires étaient allés pour la mauvaise saison à la
ville :
Toutes les nuits, à minuit juste, comme dans tes
contes d'Hoffmann, on entendait dans les chambres
hautes un bruit de chaînes, accompagné de cris la-
mentables et de hurlements qui faisaient trembler
les chiens du village sur leurs pattes.
Aussi, pour rien au monde, personne ne se fût
avisé d'allar voir ce qui se passait là-han*.
Ft chacun des domestiques préposés à la garde du
château se hâtait de ramener ses couvertures jus-
qu'au dessus de sa tête.
X
Le bruit de ces apparitions arriva à la villn aux
oreilles du propriétaire,
Et on lui dit pis que pendre de ce revenant qui
désolait sa maison de campagne.
L'intendant lui, n'avait pas été non plus des der-
niers à se plaindre.
Le maître résolut de s'assurer par lui-même de la
réalité du fantôme.
Dn beau soir, sans rien dire à personne, il s'en-
ferma dam la chambre maudite, avec une paire de
pistolets dans ses anches.
A minuit, apparition à grand spectacle.
Sans faire ni une, Ri deux, comme on dit, le maître
laeha un coup de. pistolet sur le fantôme qui tomba
à terre en poussant des cris terribles.
On accourut :
C'était l'intendant.— Le lecteur m'a deviné, comme
disait le maître, Ponson du Terrait.
Kh bien !
Cette histoire n'est pas un conte de nourrice ;
Nous la voyens se passer en action, sous nos yeux,
tous les jours que Dieu fait ;
Nous sommes les propriétaires d'une République
hantée par des revenants,
Et que, dans ces conditions on nous engage à
donner pour un morceau de pain.
Chaque soir et chaque matin, (tans le palais du
gouvernement on entend aussi pousser des cris qui
font trembler tous les prud'hommes sur leurs quatre
pattes.
Et il ne manqua, pas de gens pour nous dirn qu'il
faut la vendre, et qu'on n'en aara pas graud'ehose
encore,
Attendu que cette République est maudite.
X
De fait, c'est la vérité, il y revient des ombres;
Mais, faisons comme le maître de l'histoire :
Cachons-noiis dans la chambre des apparitions,
Et quand nous tirerons sur les fantômes,
Nous verrons b en s'il ne s'appellent pas de Broglie
et Buffet, les deux anciens intendants précisément
qui nous conseillent avec tant de zèle de vendre notre
République.
X
Il est temps vraiment que tout cela cesse,
Et que ces deux polissons, depuis longtemps flétris
par le mépris du suffrage universel et tout couverts
de l'exécration publique, soient enfin rois à la
raison.
— Nous ne sommes plus au temps où l'on était
brûlé vif pour avoir mangé une tranche de lard un
samedi ou un vendredi.
Où t on avait la langue percée d'un fer rouge pour
avoir fait un jurement,
Où l'inquisition avait le droit de rôtir les gens
dont elle convoitait la maison, la femme ou la fille.
Mais, patience, nous y reviendrons,
Et comme M. Veuillot et ses porte-cuvettes peuvent
sans être poursuivis pour excitation à la guerre civile,
demander le rétablissement de toutes ces jolies
choses. Il est probable qu'avant un demi-siécle, nous
verrons des bûchers sur la place Saint-Sulpice et des
potences au parvis Notre-Dame..
X
De fait, tout est actuellement livré aux calotins 1
Tout, la vie et la mort, les enfants et les cadavres !
D'une part, le Gouvernement s'ellorce d'enlever à
nos morts le suprême honneur dû à leurs mérites et %
à leurs vertus, et de le réserver tout entier pour les
gens aui ont feimé l'œil sous le goupillon du prêtre.
Et ae l'autre, voici l'archevêque de Paris qui cher-
che à réaliser un emprunt de quatre millions pour
acquérir le matériel de l'ancienne société des pompes
funèbres.
De sorte que, désormais, si la demande de M. l'ar-
chevêque de Paris est accueillie, nous serons obligés,
que nous le voulions ou non, de passer par ses mains.
Une fois que le clergé sera en possession de toutes
les civières, de tous les-draps mortuaires et de toutes
les voitures funèbres de Paris,
Je vous laisse à penser la joie qu'il y aura à mou-
rir, — certain d avance que si on ne veut point se
se faire enterrer méthodiquement avec le suisse et le
bedeau, avec la croix et là bannière, on n'aura pas
d'autre ressource pour se faire porter au cimetière
qu'une brouette ou une voiture de maraîcher.
N'disons plus rien!
V'Ià qu'ça va bien!
II y a de quoi être fier d'être Français aujourd'hui,
— non plus quand on regarde la colonne, — mais
quand on regarde les processions.
S
■ * *
Eabent sua fata libelli, dit Martial.
Ce qui veut dire :
Les petits livres out leurs destinées.
Ét les brigadiers de gendarmerie aussi, ajoute-
rai^ e !
Il arriva, il y a quelque temps, en effet, qu'un bri-
gadier de ce corps sur lequel Odry a fait une chanson
qui vaut un long poème, arrêta un tapageur nocturne
qui troublait la localité que dessert mon gen-
darme.
Il le saisit au collet, — le conduisit au poste où il
lui fit passer la nuit, — et. le lendemain, envoya à
ses chefs un rapport commençant par ces mots :
« J'ai arrêté dans un état d'ivresse complète le
nommé un tel, etc. »
Savez-vous quelle réponse on lui fit ?
Deux jours après, le malheureux brigadier rece-
vait une communication du capitaine de gendarmerie
de la ville voi.-ine, ainsi conçue ;
« Quatre semaines de prison au brigadier un tel
qui ose avouer qu'il a procédé à des arrestations
dans un état d'ivresse complète. »
BRIDA1NE.
LA RESPECTABILITE
Henri Heine disait un jour à un anai :
— Ahl que je m'ennuie.,. Voilà le moment
de l'année où j'ai l'habitude de voyager... et
je ne sais pas où aller!...
L'ami lui répondit :
— Avez-vous été en Angleterre?
— Non, dit Heine.
— Alors, pourquoi n'y allez-vous pas?
— Il y a trop d'Anglais, fit le poBte, avec ce
sourire fin et mélancolique qui disait tant de
choses.
* »
Il y alla pourtant, le malheureux, — un
jour, sans doute, qu'il s'ennuyait bien fort, lui
qui n'avait jamais ennuyé les autres,
Il y alla,
Et un vilain jour, j'y allai comme lui.
C'est alors qu'entre le gin, le tlout et le
porter, les anonymas et les policemen, les
cabs qui n'écrasent dans Londres que cent en-
fants par année, d'après les statistiques offi-
cielles, et les gin-palacs grands somme un
mouchoir de dame et qui rapportent soixante-
dix mille francs de rentes à ceux qui tiennent
ces aimables débits d'eau-forte agrémentée de
gimgembre et de poivre,
Qu'outre les woi k-housts où les deux cents
millions d'impôts levés sur le périple anglais,
au bénéfice des pauvres, parviennent à donner
aux malheureux un morceau de pain, une
cruche d'eau, une paillasse de maïs et un ré-
giment de poux,
Qu'outre bien d'autres facéties encore, je
connais cette cûose inénarrable,
La respectability/
* *
0 respectability !
Dussé-je vivre cent ans I
Dussé-je atteindre l'âge dePriam.de Pélias
et de Nestor, comme disent les anciens :
Pelios et Priami... vel Nestoris aetas,
jamais, non jamais, tu ne sortiras de mon sou-
venir 1
On croit généralement, en Eurepe, qu'il y
a en Angleterre une foule de choses, de divi-
sions sociales, de catégories, de classifica-
tiens ;
Il n'y en a que deux :
Les choses qui sont respectables
Et les choses qui ne sont pas respectables.
Comme dans la religion égyptienne, il y a
deux principes : le bien et le mal, — le bon
et le mauvais génie.
*
* •
La première conversation que j'eus avec un
Anglais me donna la perception de ce que
j'allais voir :
— Oh! oh! me dit-il, vous avez là un cha-
peau bien respectable/
J'avais, en effet, un de ces grands diables
de chapeaux, hauts de vingt-cinq centimèues.
qu'on portait il y a quinze ans.
Et qui, adaptés à un calorifère, remplace-
raient avantageusement tous les tuyaux éco-
nomiques.
Or, ce chapeau ridicule, infâme, et à jamais
maudit.
C'était ce que mon Anglais trouvait un cha-
peau bien respectable.
*
* *
Il y a, en effet, comme je le disais tout à
l'heure, en Angleterre, deux sortes de cha-
peaux :
Le chapeau respectable
Et le chapeau non respectable.
_ Mais il u'y a qu'un chapeau respectable :
c'est notre chapeau noir.
Tout autre est non respectable.
Ayez un chapeau noir qui date de quarante
ans, sans fonds, sans bords, sans ruban, roux,
crasseux, chauve, veule, lépreux, pôché au
fond d'un cloaque par un pêcheur malheu-
reux,
Peu importe, vous êtes respectable.
Ayez, en revanche, un panama de cinquante
francs,
Ou un feutre de Pineau, souple comme un
gant, de Suède, léger comme un nuage de
gaze, et pouvant passer dans une bague,
Vous n'êtes pas respectable.
Et de lotit il en est ainsi :
Fumez la pipe dans la rue,
La respectability n'est pas atteinte.
Fumez un cigare en descendant l'escalier
de votre hôtel on de voire maison,
Cela est excessivement shockingl
Allez un dimanche, à une heure de l'après-
midi, chercher chez le puhlieain d'à-côté une
douzaine de pots de bitttr-ale, et une couple
de pot« de gin et A'irùhwhisky, et absorbez
cette quantité dégoûtante de liquide, dans
votr^ appartement, avant la tombée de la
nuit, de façon à être plus ivre que Silène le
jour des vendanges,
Vous êtes respectable ;
Mais que votre femme se permette déjouer
un morceau da Mozart ou de Beethoven sur
son piano,
Ah! diable, voilà qui n'est pas respectable,
par exemple I
* *
Voilà la vie anglaise !
Et voilà pourquoi, tant qu'ils n'auront pas
su s'échtnilter de ces préjugés grotesques, les
Anglais en resteront torjours au même point
sous le côlé des mœurs.
Or, qu'on me, permette de le faire remar-
quer, nous marchons, en France, tout droit à
à la respectability.
Est-ce qu'on ne vient pas d'envoyer une ci-
tation à un de nos confières pour n'avoir pas
trouvé que les agents de la police secrète
étaient respectables.
*
Nous avons déjà pas mal de choses respec-
tables :
La soutane du prêtre, lo casse-tête de l'a-
gent de police, la robe des juges, le coupe-
chou de Dumanet, les bottes du gendarme, le
nez de Cassagnac et le petit instrument de
M. de Paris.
Voilà que, par décret, le mouchard va pren-
dre rang dans cette collection,
Ce sera passablement honorable pour la
respectability française.
C'est ainsi pourtant que va la vie !
Je dois dire, néan moins, à la louange des
Anglais, qu'ils n'ont pas eu de police secrète :
ce qui est toujours quelque chose.
EfINBST.
LA SEMAINE THÉÂTRALE
L'immense succès de l'opéra de M. Victor Massé,
dont nous tenions à donner à nos lecteurs un compte
rendu aussi complet que possible, ne nous avait pas
permis de parler, dans notre dernière chronique, des
deux autres nouveautés théâtrales de h semaine :
Deidamia, à l'Odéon, et la comtesse Romani, au
Gymnase. Comblons vite celte lacune, car il n'est
jamais trop tard, comme «-lirait M. Prudhomme, pour
remplir son devoir.
C'est la tradition antique d'Achille à Scyros qui a
inspiré à M. Théodore de Banville le sujet de sa co-
médie héroïque Deidamia, et lui a donné ainsi l'oc-
casion d'affn mer une lois de plus son remarquable
talent rie poète, en lui faisant remporter un nouveau
et grand triomphe littér ire.
La scène se passe à Scyros, devant le palais du roi
Lycomède. La déesse Théiis, mère d'Achille, voulant
sauver son fils destiné à périr, vainqueur devant
Troie, le transporte dans cette île pendant son som-
meil. Elle le revêt d'habits de femme, tt le cache sous
le nom d'iphis, au milieu des filles du vieux roi I y-
comèrie. Achille résiste d'abord ; mais, à la vue de la
belle D.ïdamia. l'une des filles du roi, il consent à
tout. Devenu l'époux de Deidamia, il vit à Scyros heu-
reux et tranquille, tout à son amour pour sa belle
épouse et son jeune tils Néoptolème.
Cependant Ulysse, qui, avec Dicmède, a vaine-
ment cherché dans tout* s les îles de la mer Fgéo le
héros promis par l'oracle, qui seul peut amener la
chute de Troie, aborde à Scyros. Le "rusé roi d'Itha-
que invente toutes sortes de stratagèmes pour forcer
Achille de se découvrir. 11 y parvient enfin et em-
mène l'héros avec lui.
Sur cett* donnée, qui semblait devoir prêter si
peu aux développements scéniques, l'auteur du Beau
Léandre et de Diane aux bois a écrit trois actes d'une
action simple et grande, pleins de poésie et d'inspira-
tion, qui ont été accueillis avec enthousiasme par le
monde littéraire et les spectateurs appelés à les
juger.
Le succès de Deidamia a été très-grand. Le
3° acte notamment, d'une incomparable grandeur
poétique, renferme des passages, comme les adieux
d'Ach lie et de Deidamia, qui, par 1 élévation des
sentiments aussi bien que par l'élégance du style,
resteront des modèles de poésie héroïque.
M. Duquesne a monté celte pièce avec beaucoup
de soins. L'interprétation est excellente : Mlie Rous-
seil, dans le rôle d'Achille, et Mlle Volvy, dans celui
de Deïdamia, se fout chaque jour justement ap-
plaudir.
Le Vaudeville a remplacé sur son affiche Fromonf-
jeune et Riolet ainé par les Mariages riches comédie
en 3 actes de M. Abraham Dreyfus.
On nous a dit que le succès de cette pièce avait été
très-grand : que la nouvelle comédie avait été char-
mante, fort amusante et spirituelle d'un bout a
l'autre.
Connaissant tout le talent et la verve satirique du
jeune auteur cela ne nous surprend nullement, et
nous joignons avec le plus grand plaisir nos félicita-
tions à celles que lui ont déjà adressées tous nos
confrères.
Malheureusement chers lecteurs, nous ne pouvons
vous donner un compte rendu de cette jolie pièce,
pour le moment du moins.
L'auteur nous excusera certainement; quant à
MM. les directeurs ils savent mieux que personne,
qu'il n'est pas toujours possible de faire ce qui est...
agréable!.
Impossible donc d'entrer dans de longs développe-
ments... vu la location de nos colonnes envahies par
les annonce .
Mille regrets... bien sincères, ceux-là!..
(Cliché nouveau n. t).
Signalons enfin, en terminant, ls succès qu'ob-
tient, chaque soir, aux Folies-Bergères, la belle miss
Léona Dare, la célèbre américaine, qui, suspendue à
un trapèze par les pieds, ti»nt dans sa bouche — vous
avez bien lu — un autre trapèze sur lequel un
hamme exécute des tours de gymnastique.
Brrrou... cela vous donne mal aux dents!... On
nous assure qu'en dehors ries appointements phéno-
ménaux qu'elle touche de M. Sary, miss Léona reçoit
chaque jour les propositions les plus fantastiques d'un
nombre inconcevable de dentistes qui sollicitent tous
l'honneur de mettre sur leur carte :
X...
Dentiste de miss Léona Dare.
Je le «rois parbleu bien !
11 y a une fortune dans cette idée...
Jules ds la. Verdie.
VARIÉTÉS
Las de la politique et de la question d'Orient,
j'ai voulu, cette semaine, varier mes plai-
sirs, et je suis allé à l'flôlel des Ventes, un
jour qu'on y jouait le cinquième acte d'une
existence de petite dame.
C'est-à-dire la vente après décès.
La malheureuse, dont on vendait les meu-
bles, lus bijoux, les cachemires, les diamants,
les vins, et,— chose bien étrange 1—la biblio-
thèque était, de son vivant, une petite actrice
assex connue dans le monde des boulevar-
diers.
Elle parut un instant sur différentes srènes
secondaires, où elle se préparait à entrer au
Théâtre-Français en apportant des lettres ou
en annonçant : Madame la comtesse !
Jeune, souriante, avec les plus beaux yeux
du monde, elle était d'une bêtise confiante
qui désarmait 'a critique.
Elle ne faisait de mal a personne qu'aux
auteurs qu'elle écorchait. Mais ces pauvres
gens-là en voient tant que leur épidémie de-
vient insensible et puis Rose B... avait une si
drôle de manière de leur dire : « Parbleu,
cela n'a rien d'étonnant que j'aie été mau-
vaise... mon rôle est »i court/..} Donnex-m'en
un plus long et vous verrez ! »
Logique bizarre, n'est-ce pas?
Un jour, un gentilhomme, un des plus
beaux noms de France, s'il vous platt, le mar-
quis de B... l'épouse sans dire garel
Cela fut un immense événement dont on
causa trois jours et «lemi de la rue de la
Chaussée d'Antin au faubourg Montmartre.
Le marquis était ruiné et de plus poitrinaire
au dernier degré; funeste résultai de ses glo-
rieuses campagnes à la Maison d Or et au Café
Anglais.
Voilà le jeune couple qui va s'enfermer
dans une sorte de bicoque située près de Saint-
Maur, sur les bords de la Marne, et le mar-
quis et la marquise se mettent à manger les
quelques écus qui restent du dernier héritage,
sans autre souci que de regarder couler l'eau,
comme deux amoureux de roman.
La petite Rose, elle, adorait son mari tant
qu'elle pouvait.
Elle lui dit ruômeun jour ce motadmirable:
— Tiens, Georges, tu es mon mari, n'est-ce
pas?... eh bien, j« t'aime comme si tu était mon
amant... C'est ça qui est singulier, hein?
Le marquis lui prenait les mains, la regar-
dait en souraint et murmurait : — Es-tu
bonneI... es-tu gentille!...
Puis il toussait à se rompre la poitrine.
Les écus disparus, on engagea les bijoux
pour acheter des tisanes.
La montre de Rose disparut noyée dans le
sirop de Flon.
Puis les bijoux engagés, on vendit le piano,
on vendit le salon, on vendit le linge, on ven-
dit un vieux braque dont un maraîcher du
voisinage offrit cinquante francs, parce qu'il
était de garde. — Ce jour-là, la maison fut
triste.
Puis le marquis mourut.
Il était temps !
Rose, qui avait veillé le pauvre gentilhomme