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CHAPITRE TROISIÈME.

disposa dans la pensée d’y faire un séjour aussi prolongé que le comportait la durée
de ses études. Sans doute, quand il s’y trouva seul, en présence des souvenirs du
passé et des prévisions de l’avenir, le sentiment de son isolement le saisit, ses
impressions différèrent notablement de celles de la plupart des débutants dans la
vie universitaire.
Lorsque le jeune homme a fait le pas qui l’éloignera pour longtemps du cercle
des siens, où il a vécu sa douce et joyeuse enfance, les pensées et les aspirations qui
envahissent son esprit sont généralement de nature diverse. Pour plusieurs, c’est la
liberté ! et ce mot a, en lui-même, un son magique ; il semble offrir à cette âme encore
peu consciente du but vers lequel vont tendre ses efforts, je ne sais quels splendides et
fallacieux mirages. Le monde s’ouvre aux rêves de l’adolescent et il lui semble que
désormais il fera ce qu’il voudra faire, qu’il pourra se créer une existence au gré de
sa libre volonté! Le joug, si doux fût-il, de la surveillance paternelle, les habitudes
rangées et monotones du foyer commençaient à lui peser ; il lui faut de l’air, de
l’espace, je ne sais quel besoin de prendre la responsabilité de ses propres actes, de
s’élancer vers des horizons nouveaux, inconnus, radieux comme le soleil levant,
immenses comme se présente l’océan au nautonier qui a quitté le port !
Mais lorsqu’il s’est endormi sur ces rêves de l’avenir entrevu et que, le lendemain,
il s’éveille dans une chambrette au mobilier banal, auquel ne s’attache aucun
souvenir, où il cherchera en vain les traces de l’amour d’une mère, où rien ne
rappellera des choses connues et familières à son cœur ; lorsque, à son lever, il sera
servi par des mains mercenaires et qui, jusqu’alors, lui étaient inconnues, alors il
comprend qu’il s’est passé un fait important pour lui. Désormais il s’avancera seul,
sans la surveillance de tous les instants, il est vrai, mais aussi sans les tendresses
maternelles, en dehors de cette atmosphère faite d’affection et de prévoyance que
l’on nomme la famille et dont, pour la première fois peut-être, il sent toute la
douceur. Une sorte de nostalgie s’empare alors de cette âme ; déjà elle commence
à comprendre que cette liberté même, dont l’image lui avait apparu sous de si
chatoyantes couleurs, pourrait bien n’être qu’un leurre ; car, enfin, il faut travailler.
Les cours sont là, il faudra les suivre avec l’impérieux labeur que réclament
les études ; et puis, au loin, mais bien au loin, apparaît le moment inexorable où il
faudra rendre compte de l’usage fait de cette liberté et même des loisirs qui ne
seraient pas justifiés par les besoins d’un repos réparateur.
Pour Jean le sentiment dominant était assurément cette sorte de nostalgie ;
sans doute est-il peu d’étudiants qui aient senti au même degré les tristesses de
la séparation d’une famille étroitement unie et dont il était l’enfant de prédilection.
Il en est peu dont les pensées aient aussi souvent pris le chemin de la maison
 
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