DE L’ESPRIT HUMAIN. 237
aigreur, dans le m£me Livre, ce que vous
avez loue quinze pages auparavant? Si vous
n’£tes pas stables dans les opinions les plus
{imples, ne devons-nous pas craindre votre
incertitude dans celles qui sont beaucoup plus
£pineuses ?
Si les Controversistes vouloient repondre
naturellement ä cette objeüion, je suis sür
qu’ils diroient: Quoique Th6ologiens, nous
n’en sommes pas moins hommes; nous nous
laissons empörter malgr£ nous ä la fougue de
nos passions & ä la vivacit£ de notre genie.
Lorsque nous commengons un Ouvrage, & que
notre esprit n’est point encore emu, nous eta-
blissons des principes conformes ä la Raison :
nous examinons nos expressions, & s’il nous
en echappe quelquesunes d’ind£centes, ou
d’injurieuses, nous en avons honte nous-mö-
mes & nous les supprimons; mais peu ä peu
notre Imagination s’echauffe, les objeHions de
nos Adversaires, dans lesquelles nous croyons
entrevoir de la mauuvaise foi, nous irritent;
l’Esprit de parti vient souffler dans nos coeurs
son zMe outre; nous perdons de vüc cette
Equit£, du ssambeau de laquelle nous avions
r£solu de nous eclairer pendant toute notre
course; & il arrive qu’avant que nous soyons
au bout de notre carri^re, nous avons fait
bien
aigreur, dans le m£me Livre, ce que vous
avez loue quinze pages auparavant? Si vous
n’£tes pas stables dans les opinions les plus
{imples, ne devons-nous pas craindre votre
incertitude dans celles qui sont beaucoup plus
£pineuses ?
Si les Controversistes vouloient repondre
naturellement ä cette objeüion, je suis sür
qu’ils diroient: Quoique Th6ologiens, nous
n’en sommes pas moins hommes; nous nous
laissons empörter malgr£ nous ä la fougue de
nos passions & ä la vivacit£ de notre genie.
Lorsque nous commengons un Ouvrage, & que
notre esprit n’est point encore emu, nous eta-
blissons des principes conformes ä la Raison :
nous examinons nos expressions, & s’il nous
en echappe quelquesunes d’ind£centes, ou
d’injurieuses, nous en avons honte nous-mö-
mes & nous les supprimons; mais peu ä peu
notre Imagination s’echauffe, les objeHions de
nos Adversaires, dans lesquelles nous croyons
entrevoir de la mauuvaise foi, nous irritent;
l’Esprit de parti vient souffler dans nos coeurs
son zMe outre; nous perdons de vüc cette
Equit£, du ssambeau de laquelle nous avions
r£solu de nous eclairer pendant toute notre
course; & il arrive qu’avant que nous soyons
au bout de notre carri^re, nous avons fait
bien