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Houel, Jean Pierre Louis Laurent
Voyage pittoresque des isles de Sicile, de Malte et de Lipari: Où l'on traite des Antiquités qui s'y trouvent encore ; des principaux Phénomènes que la Nature y offre ; du Costume de Habitans, & de quelques Usages (Band 1) — Paris: Imprimerie de Monsieur, 1782

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https://doi.org/10.11588/diglit.48647#0066
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Les chasseurs ne voyent que du gibier ; un peintre observe tous les objets. La mer, ces rochers, ces grottes
profondes sous ïesqueïs notre barque se dirigeoit, formoient à mes yeux des tableaux admirables & d’un
genre nouveau.
Nous pénétrions sans bruit sous ces voûtes en gïissant sur une onde tranquille, à l’abri de tous les vents.
Là, postés à notre avantage, ayant choisi le lieu & préparé les armes,nous faisions tout à coup un grand
bruit, & nous effrayions les paisibïes habitans de ces voûtes : ïes pigeons s’élançoient de ïeurs nids, s’en-
voloient en foule, & formoient un nuage sur nos têtes : quatre impitoyables chasseurs tiroient au milieu
d’eux, les morts & ïes bïessés tomboient de tous côtés : atissitôt ïes chiens à la nage couroient ïes ramasser
sur les ondes,. ïes chercher sur les rocs, & ïes rapporter dans ïa barque où ïes maîtres ïes recevoient avec
une joie vive. & barbare. Nous continuâmes cette chasse pendant plusieurs heures dans ï’espace de deux
ou trois ïieues. .
: Ce qui est plus curieux, plus digne de ï’œiï d’un observateur, c’ést ïe sond de l’intérieur de ces grottes.
Comme elles sont profondes, que ïes rochers ïes abritent, l’eau y demeure dans un état de repos, qui
la rend parfaitement pure. Elle y-est si limpide, quelle disparoît en queïque sorte à l’œil qui ï’observe ;
on voit, on distingue parfaitement les moindres objets à plus de vingt pieds de profondeur. C’est-là qu’on,
peut étudier ïes mœurs des poissons & des. coquillages. Rien de ce qu’ils font n’est caché. J’y ai contem-
plé avec un plaisir aussi vif que singulier toutes ïes manœuvres des petits poissons voyageant en troupes : là
j’ai vu les oursins marcher en tournoyant ; ïes étoiles de mer s’avancer avec une allure à peu près sem-
bïabïe. Là les poissons testacés & crustacés, tels que les ïépaces, ïes inouïes, les crabes, &c. se trouvent
rassemblés & sont visités par d’autres poissons. Ils habitent parmi ïes rochers ; se perdent dans des mousses
de .différentes couleurs # il sembïe qu’ils y aient des habitations qui se communiquent. On les voit aller &
venir, s’arrêter & jouer ensembïe. J’aurois voulu pouvoir rester des jours entiers à observer ce peuple ma-
ritime , invisible partout ailleurs, & là si bien dévoilé ; j’aurois voulu pouvoir ïes dessiner, ïes peindre &
sur-tout les décrire ; mais je sentois qu’il auroit fallu ïes taïens de MM. de Buffon ou d’Aubenton. Ce
qui achève de rendre cette fîtuation admirable & unique, c’est l’extrême transparence de l’eau ; on ne la
voit point; on se croit suspendu par magie dans une barque au dessus des objets qu’on observe : on ne peut
croire qu’il y ait un ssuide interposé entr’eux & soi. Pour comble de surpnse, cette eau n pure , n’offre
presque aucune résistance à ïa barque ; de sorte qu’on change de heu par une impulfîon si douce, qu’on ne
la sent pas : c’est un véritable enchantement.
Lorsqu’on sè place au fond de certaines grottes, & qu’on regarde vers l’entrée, en dirigeant son regard
un peu au dessus de ï’eau elle paroît dans ïes endroits où sa superfîcie est privée de lumière, ou d’un bleu
foncé, ou d’un verd bïeu , sélon ïa manière dont se résséchissent les rayons du soleil. Ces nuances varient
avec ïes heures , l’état du ciel & ïes endroits d’où l’on regarde.
La chasse y est toujours très-abondante ; ïa nôtre ïe fut beaucoup, non-seulement en pigeons, mais
encore en plusieurs autres sortes d’oiseaux. Nous nous rendîmes dans un petit port, où l’on avoir fait
pour nou,s donner à dîner une pêche considérabïe. A notre arrivée ïes pêcheurs étalèrent leur butin sur
le sable. Ce fut un tableau vivant & charmant. Le mouvement des pêcheurs autour de ces poissonspaL
pitans : le tavernier & sa femme qui ïes emportaient àvec un air de triomphe : la foule des voifîns qui
s’étoient approchés pour jouir de ce speélacïe, des enfans qui se disputoient depetits poissons : nous autres
étrangers, dont ïe caraâère distingué faisoit opposition avec ïes habitans de ce petit canton : ïe cabaret,
ïes rochers d’alentour, ïa mer, nos barques , quel tableau ! Qu’un peintre a de plaisir dans ce moment !
Le dîner fut gai & prompt. Le chemin que nous avions à faire pour retourner au logis ne permettait pas
de rester long-temps : un vent frais accéléra notre retour. Les voiles nous mettaient à l’ombre, & nous fai-
soient jouir d’une course ïégère & rapide. Je fis arrêter pïusieurs fois pour observer des endroits cachés entre
des rochers au bord de ïa mer.
Je vis sur des écueils des creux qui se rempïissent d’eau, quand ïa mer agitée porte ses vagues au loin
 
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