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l’apre saveur de la vie

craient la renonciation à la vanité et au plaisir ; c’était la
concrétisation d’une émotion profonde en un acte public et
solennel, d’accord en cela avec l’esprit du temps et sa ten-
dance à créer, pour chaque chose, un rituel.
Il faut se rappeler cette réceptivité, cette facilité d’émo-
tions, cette propension aux larmes, ces retours spirituels,
si l’on veut concevoir l’âpreté de goût, la violence de cou-
leur qu’avait la vie en ce temps-là.
Un deuil public présentait alors les apparences d’une
calamité. Aux funérailles de Charles VII, le peuple ressent
une violente émotion à voir le cortège ; tous les dignitaires
de la cour, « vestus de dueil angoisseux, lesquelz il faisait
moult piteux veoir et de la grant tristesse et courroux
qu’on leur veoit porter pour la mort de leurdit maistre,
furent grant pleurs et lamentacions faictes parmy toute
ladicte ville ». Six pages du roi montaient des chevaux capa-
raçonnés de velours noirs. « Et Dieu scet le doloreux et
piteux dueil qu’ils faisoient pour leur dit maistre ! » L’un de
ces pages n’avait, de chagrin, ni bu ni mangé de quatre
jours, racontait le peuple attendri (1).
Et ce ne sont pas seulement les émotions d’un grand deuil,
les violentes prédications, les mystères de la foi qui font
couler les pleurs. Les solennités de caractère mondain
arrachent des torrents de larmes. Un ambassadeur du roi
de France fond en larmes à diverses reprises en adressant sa
harangue à Philippe le Bon. Au départ du jeune Jean de
Coïmbre de la cour de Bourgogne, à la réception du Dauphin,
à l’entrevue des rois d’Angleterre et de la France, à Ardres,
tous les spectateurs fondent en larmes. On vit Louis XI
pleurer à son entrée à Arras ; Chastellain le décrit plusieurs
fois sanglotant pendant le séjour qu’il fit, encore dauphin, à
la cour de Bourgogne (2). Naturellement, il y a quelque exa-
gération dans ces descriptions. Jean Germain raconte qu’au
(1) Chron. scand., I, p. 22, 1461 ; Jean Chartier,fHist. de Charles VII, éd.
D. Godefroy, 1661 , p. 320.
(2) Chastellain. III, pp. 36, 98, 124, 125, 210, 238, 239, 247, 474 ; Jacques
du Clercq, Mémoires (1448-1467), éd. de Reifïenberg, Bruxelles, 1823, 4 vol.,
IV, p. 40, II, p. 280, 355, III, p. 100. Juvénal des Ursins, pp. 405, 407, 420 ;
Molinet, III, p. 36, 314.
 
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