Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
l’apre saveur de la vie 17
congrès de la paix tenu à Arras en 1435, l’assistance, en
entendant les discours des ambassadeurs, fut émue au point
de se jeter à terre avec des soupirs, des sanglots et des gémis-
sements (1). Sans doute, il n’en fut pas ainsi ; mais l’évêque
de Chàlons pensait qu’il en devait être ainsi : l’exagération
nous révèle le fond de vérité. Comme pour les sentimenta-
listes du xvme siècle, les larmes étaient belles et édifiantes.
Un exemple, pris dans un autre domaine, montrera la diffé-
rence d’irritabilité qui distingue le xve siècle de notre époque.
Nous pouvons à peine nous imaginer un jeu plus tranquille
que celui des échecs. Cependant, La Marche dit qu’il arrivait
souvent que des contestations s’élevassent autour de l’échi-
quier, « et le plus saige y pert patience » (2). Les querelles
de princes à propos d’échecs étaient aussi courantes au
xve siècle que dans les Chansons de geste.
Il y avait, dans la vie quotidienne, une capacité illimitée
de passion et de fantaisie. L’historien du moyen-âge qui, vu
le manque de véracité des chroniques, puise le plus possible
aux sources officielles, risque de temps à autre de commettre
une faute grave. Les documents ne nous montrent guère la
différence de couleur qui distingue cette époque de la nôtre.
Ils nous font perdre de vue le violent pathos de la vie média-
vale. De toutes les passions qui l’ont animée, ils ne men-
tionnent que l’avidité et la violence. Qui ne s’est étonné de
la fréquence avec laquelle avidité, querelles, vengeances se
répètent dans les sources officielles ? Mais une fois mis en
rapport avec la passion générale qui animait toute la vie,
ces traits nous deviennent compréhensibles et acceptables.
Et c’est pourquoi les chroniqueurs, quelque superficiels ou
peu rigoureux soient-ils concernant les faits, demeurent
pourtant indispensables à qui veut bien connaître le xve siècle.
La vie avait encore, sous bien des rapports, la couleur
d’un conte de fée. Les chroniqueurs de la cour, gens notables
et érudits, qui voyaient leurs princes de très près, ne peuvent
(1) Jean Germain, Liber de virtutibus Philippi ducis Burgundiae, éd. Kervyn
de Lettenhove, Chron. rel. à l’hist. de la Belg. sous la dom. des ducs de Bourg.
(Coll, des chron. belge), 1876, II, p. 50.
(2) La Marche, I, p. 61.
Le déclin du moyen-âge 2
 
Annotationen