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18 l’apre saveur de la vie
toutefois les décrire que d’une manière archaïque et hiéra-
tique. Dans ces conditions, que devait être, pour l’ima-
gination naïve du peuple, l’éclat magique de la royauté !
Voici, tiré des chroniques de Ghastellain, un exemple de
cette conception. Le jeune Charles le Téméraire, à cette
époque encore comte de Charolais, arrivé de L’Écluse à
Gorkum, apprend que son père lui retire pension et bénéfices.
Il fait comparaître toute sa suite, voire les marmitons, et leur
fait part de ses malheurs en une allocution émouvante dans
laquelle il exprime son respect pour le duc mal informé,
son souci du bien-être des siens, et son amour pour toute sa
suite. Que ceux qui ont les moyens de vivre, restent près de
lui et attendent un changement du sort ; quant aux pauvres,
ils ont permission de se retirer et, dès qu’ils apprendront que
la fortune du prince est rétablie, qu’ils reviennent. « Vous
vous retrouverez en vos lieux sans que jamais je y boute nule
autres, et me serez les bienvenus et les bien recueillis ;
et desserviray (récompenserai) la patience que vous aurez
portée en mon nom »... « Lors oyt l’on voix lever et larmes
espandre et clameur ruer par commun accord : Nous tous,
nous tous, monseigneur, vivrons avecques vous et mour-
rons ». Profondément ému, Charles accepte leur hommage :
« Or vivez doncques et souffrez et moy je souffreray pour
vous, premier que vous ayez faute ». Alors les nobles
s’avancent et lui offrent ce qu’ils possèdent, « disant l’un : j’ay
mille, l’autre, dix mille, l’autre : j’ay cecy, j’ay cela pour
mettre pour vous et pour attendre tout vostre advenir ».
Et tout alla son train ordinaire, et il n’y eut pas une poule
de moins à la cuisine (1).
L’arrangement de ce tableau est naturellement de Chas-
tellain et nous ne savons pas en quelle mesure ce récit est
conforme à la réalité. Mais ce qui importe pour nous, c’est
que ce chroniqueur voit son prince sous les formes simplistes
de la ballade populaire. Pour lui, toute l’affaire est dominée
par les sentiments primitifs de fidélité réciproque.
Bien qu’en réalité le mécanisme du gouvernement eût
assumé déjà des formes compliquées, l’imagination populaire

(1) Ghastellain, IV, p. 333 ss.
 
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