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https://doi.org/10.11588/diglit.57074#0078
74 LA CONCEPTION HIÉRARCHIQUE DE LA SOCIÉTÉ
ces paillards qui chergeront tout... tout sera prins, et happé ;
et querez qui paie » (1). Jean Jouvenel, évêque de Beauvais
expose en termes amers les misères du peuple, aux Etats de
Blois en 1433, à ceux d’Orléans en 1439 (2). Sous la forme
d’un débat, ce thème de la misère du peuple, opposé aux
complaintes des autres états, se retrouve dans le Quadriloge
invectij d’Alain Chartier (3), et dans un autre poème inspiré
de ce dernier : le Débat du laboureur, duprestre et du gendarme
de Robert Gaguin (4). Les chroniqueurs reviennent souvent
sur ce même thème : leur matière les y invite (5). Molinet
rime une Ressource du petit peuple (6), le sérieux Meschinot
ne cesse d’avertir les grands de l’abandon dans lequel vit le
peuple :
O Dieu, voyez du commun l’indigence,
Pourvoyez-y à toute diligence :
Las ! par faim, froid, paour et misère tremble,
S’il a péché ou commis négligence,
N’est-ce pitié des biens que l’on lui emble ?
Il n’a plus bled pour porter au molin,
On lui oste draps de laine et de lin,
L’eaue, sans plus, lui demeure pour boire (7).
Dans un cahier, présenté au roi à l’occasion des États
de Tours en 1484, cette plainte prend le caractère d’une
remontrance politique (8). Toutefois, la compassion pour
(1) Dans la traduction latine, Gerson, Opéra, IV, pp. 583-622 ; le texte français
a été publié en 1824 ; paroles citées par D. H. Garnahan, dans The Ad Deum vadit
of Jean Gerson, University of Illinois studies in language and literature, 1927
III, n° 1, p. 13 ; voir Denifle et Châtelain, Chartularium Univ. Paris. IV,
n°1819.
(2) Denifle, La désolation des églises, etc... en France, Paris, 1897-99, vol. I,
pp. 497-513.
(3) Alain Chartier, Œuvres, éd. Duchesne, p. 40'2. .
(4) Rob. Gaguini Epistole et orationes, éd. L. Thuasne (Bibl. litt. de la Renais-
sance, t. II), Paris, 1903, 2 vol., II, p. 321, 350.
(5) Froissart, éd. Kervyn, XII, p. 4 ; Le livre des trahisons, pp. 19, 26 ;
Chastellain, I, p. xxx, III, p. 325, V, pp. 260, 275, 325, VII, pp. 466-480 ;
Thomas Basin, passim, surtout I, pp. 44. 56, 115 ; cf. La complainte du povre
commun et des povres laboureurs de France (Monstrelet, VI, pp. 176-190).
(6) Les Faictz et Dictz de messire Jehan Molinet, Paris, Jehan Petit, 1537,
f. 87 V®.
(7) Ballade 19, A. de la Borderie, Jean Meschinot, Sa vie et ses œuvres,
Bibl. de l’école des chartes, LVI, 1895, p. 296 ; cf. Les lunettes des princes, ibid.,
pp. 607, 613.
(8) Masselin, Journal des Etats Généraux de France tenus à Tours en 1484,
éd. A. Bernier, (Coll, des documents inédits), p. 672.
ces paillards qui chergeront tout... tout sera prins, et happé ;
et querez qui paie » (1). Jean Jouvenel, évêque de Beauvais
expose en termes amers les misères du peuple, aux Etats de
Blois en 1433, à ceux d’Orléans en 1439 (2). Sous la forme
d’un débat, ce thème de la misère du peuple, opposé aux
complaintes des autres états, se retrouve dans le Quadriloge
invectij d’Alain Chartier (3), et dans un autre poème inspiré
de ce dernier : le Débat du laboureur, duprestre et du gendarme
de Robert Gaguin (4). Les chroniqueurs reviennent souvent
sur ce même thème : leur matière les y invite (5). Molinet
rime une Ressource du petit peuple (6), le sérieux Meschinot
ne cesse d’avertir les grands de l’abandon dans lequel vit le
peuple :
O Dieu, voyez du commun l’indigence,
Pourvoyez-y à toute diligence :
Las ! par faim, froid, paour et misère tremble,
S’il a péché ou commis négligence,
N’est-ce pitié des biens que l’on lui emble ?
Il n’a plus bled pour porter au molin,
On lui oste draps de laine et de lin,
L’eaue, sans plus, lui demeure pour boire (7).
Dans un cahier, présenté au roi à l’occasion des États
de Tours en 1484, cette plainte prend le caractère d’une
remontrance politique (8). Toutefois, la compassion pour
(1) Dans la traduction latine, Gerson, Opéra, IV, pp. 583-622 ; le texte français
a été publié en 1824 ; paroles citées par D. H. Garnahan, dans The Ad Deum vadit
of Jean Gerson, University of Illinois studies in language and literature, 1927
III, n° 1, p. 13 ; voir Denifle et Châtelain, Chartularium Univ. Paris. IV,
n°1819.
(2) Denifle, La désolation des églises, etc... en France, Paris, 1897-99, vol. I,
pp. 497-513.
(3) Alain Chartier, Œuvres, éd. Duchesne, p. 40'2. .
(4) Rob. Gaguini Epistole et orationes, éd. L. Thuasne (Bibl. litt. de la Renais-
sance, t. II), Paris, 1903, 2 vol., II, p. 321, 350.
(5) Froissart, éd. Kervyn, XII, p. 4 ; Le livre des trahisons, pp. 19, 26 ;
Chastellain, I, p. xxx, III, p. 325, V, pp. 260, 275, 325, VII, pp. 466-480 ;
Thomas Basin, passim, surtout I, pp. 44. 56, 115 ; cf. La complainte du povre
commun et des povres laboureurs de France (Monstrelet, VI, pp. 176-190).
(6) Les Faictz et Dictz de messire Jehan Molinet, Paris, Jehan Petit, 1537,
f. 87 V®.
(7) Ballade 19, A. de la Borderie, Jean Meschinot, Sa vie et ses œuvres,
Bibl. de l’école des chartes, LVI, 1895, p. 296 ; cf. Les lunettes des princes, ibid.,
pp. 607, 613.
(8) Masselin, Journal des Etats Généraux de France tenus à Tours en 1484,
éd. A. Bernier, (Coll, des documents inédits), p. 672.