LA CONCEPTION HIÉRARCHIQUE DE LA SOCIÉTÉ 77
vocation d’étayer et de purifier le monde, par l’observation
de l’idéal courtois. La vie et la vertu des nobles sont les
remèdes aux malheurs des temps ; d’elles dépendent le
bien-être et la paix de l’Égliseet du royaume, l’accomplisse-
ment de la justice (1). Le très noble et très excellent
ordre de chevalerie est institué pour protéger, défendre,
tenir en paix le peuple, car celui-ci est généralement le plus
éprouvé par les malheurs de la guerre (2). Dans la vie de
Boucicaut, l’un des plus purs représentants de l’idéal cheva-
leresque attardé, nous lisons ceci : deux choses ont été ins-
tituées par la volonté de Dieu, comme deux piliers pour
étayer l’ordre des lois divines et humaines ; sans elles,
le monde ne serait que confusion ; ces deux piliers sont
« chevalerie et science, qui moult bien conviennent en-
semble » (3). « Science, Foy et Chevalerie sont les trois lis
du Chapel des fleurs de lis de Philippe de Vitry ; elles
représentent les trois états ; la noblesse a le devoir de pro-
téger les deux autres (4).
L’équivalence de dignité accordée à la chevalerie et à la
science, équivalence qui s’exprime dans la tendance à donner
au titre de docteur les mêmes droits qu’à celui de chevalier (5),
prouve la très grande valeur éthique attribuée à l’idéal
courtois. On honore d’une partie grand courage, et d’autre
part, le grand savoir ; on consacre ainsi deux manières de
dévotion à une vie plus haute. Mais des deux, c’est l’idéal
chevaleresque qui a la portée la plus grande, parce qu’il
contient, outre la valeur éthique, une variété d’éléments
esthétiques qui exercent sur les esprits la plus grande sug-
gestion.
(1) Chastellain, Le miroir des nobles hommes de France, VI, pp. 203, 211,
214.
(2) Le Jouvencel, éd. C. Favre et L. Lecestre (Soc. de l’hist. de France),
1887-89, 2 vol., I, p. 13.
(3) Livre des faicts du mareschal de Boucicaut, Petitot, Coll, de mém., VI,
p. 375.
(4) Philippe de Vitri, La chapel des fleurs de lis (1335), éd. A. Piaget, Romania,
XXVII, 1898, p. 80 ss.
(5) Voir à ce propos La Curne de Sainte-Palaye, Mémoires sur, l’ancienne
chevalerie, 1781, II, pp. 94-96.
vocation d’étayer et de purifier le monde, par l’observation
de l’idéal courtois. La vie et la vertu des nobles sont les
remèdes aux malheurs des temps ; d’elles dépendent le
bien-être et la paix de l’Égliseet du royaume, l’accomplisse-
ment de la justice (1). Le très noble et très excellent
ordre de chevalerie est institué pour protéger, défendre,
tenir en paix le peuple, car celui-ci est généralement le plus
éprouvé par les malheurs de la guerre (2). Dans la vie de
Boucicaut, l’un des plus purs représentants de l’idéal cheva-
leresque attardé, nous lisons ceci : deux choses ont été ins-
tituées par la volonté de Dieu, comme deux piliers pour
étayer l’ordre des lois divines et humaines ; sans elles,
le monde ne serait que confusion ; ces deux piliers sont
« chevalerie et science, qui moult bien conviennent en-
semble » (3). « Science, Foy et Chevalerie sont les trois lis
du Chapel des fleurs de lis de Philippe de Vitry ; elles
représentent les trois états ; la noblesse a le devoir de pro-
téger les deux autres (4).
L’équivalence de dignité accordée à la chevalerie et à la
science, équivalence qui s’exprime dans la tendance à donner
au titre de docteur les mêmes droits qu’à celui de chevalier (5),
prouve la très grande valeur éthique attribuée à l’idéal
courtois. On honore d’une partie grand courage, et d’autre
part, le grand savoir ; on consacre ainsi deux manières de
dévotion à une vie plus haute. Mais des deux, c’est l’idéal
chevaleresque qui a la portée la plus grande, parce qu’il
contient, outre la valeur éthique, une variété d’éléments
esthétiques qui exercent sur les esprits la plus grande sug-
gestion.
(1) Chastellain, Le miroir des nobles hommes de France, VI, pp. 203, 211,
214.
(2) Le Jouvencel, éd. C. Favre et L. Lecestre (Soc. de l’hist. de France),
1887-89, 2 vol., I, p. 13.
(3) Livre des faicts du mareschal de Boucicaut, Petitot, Coll, de mém., VI,
p. 375.
(4) Philippe de Vitri, La chapel des fleurs de lis (1335), éd. A. Piaget, Romania,
XXVII, 1898, p. 80 ss.
(5) Voir à ce propos La Curne de Sainte-Palaye, Mémoires sur, l’ancienne
chevalerie, 1781, II, pp. 94-96.