82 l’idée de chevalerie
gloire et d’honneur propre à l’homme de la Renaissance,
est, dans son essence, l’ambition chevaleresque d’une époque
antérieure ; elle est d’origine française ; c’est l’honneur de
classes étendu, dépouillé du sentiment féodal et fécondé
par la pensée antique. Le désir passionné d’être prisé par
la postérité n’était pas plus étranger au chevalier courtois
du xne siècle et aux rudes capitaines du xive, qu’aux
beaux esprits du quattrocento. D’après Froissart, l’accord
conclu avant le combat des trente (27 mars 135'1) entre mes-
sire Robert de Beaumanoir et le capitaine anglais Robert
Bamborough se termina par les paroles de ce dernier : « et
ainsi nous ferons en sorte qu’on en parle dans les temps à
venir, en salles et en palais, sur les places publiques et en
autres lieux du monde entier » (1). Chastellain, bien que
complètement médiéval par l’estime en laquelle il tient
l’idéal chevaleresque, n’en exprime pas moins l’esprit de la
Renaissance, lorsqu’il dit :
Honneur semont toute noble nature
D’aimer tout ce qui noble est en son estre.
Noblesse aussi y adjoint sa droiture (2).
En un autre endroit, il dit que l’honneur était plus cher
aux juifs et aux païens parce qu’il était, chez eux, cultivé
pour lui-même, et dans l’attente d’une louange terrestre,
tandis que les chrétiens ont reçu l’honneur par la religion, dans
l’espérance d’une récompense céleste (3).
Déjà, Froissart recommandait la bravoure dépourvue
de motifs religieux ou moraux, la bravoure pure et simple,
pour gagner gloire et honneur et aussi —- enfant terrible
qu’il est — pour faire carrière (4).
La recherche de la gloire et de l’honneur chevaleresque
est inséparablement liée au culte du héros, dans lequel se
fondent des éléments médiévaux et des éléments de la Re-
naissance. La vie chevaleresque est une imitation ; imi-
(1) Froissart, éd. Luce, IV, p. 112, où Bamborough, nommé aussi Bembro,
Brembo, est défiguré en Brandebourch.
(2) Le dit de vérité, Chastellain, VI, p. 221.
(3) Le livre de la paix, Chastellain, VII, p. 362.
(4) Froissart, éd. Luce, I, p. 3.
gloire et d’honneur propre à l’homme de la Renaissance,
est, dans son essence, l’ambition chevaleresque d’une époque
antérieure ; elle est d’origine française ; c’est l’honneur de
classes étendu, dépouillé du sentiment féodal et fécondé
par la pensée antique. Le désir passionné d’être prisé par
la postérité n’était pas plus étranger au chevalier courtois
du xne siècle et aux rudes capitaines du xive, qu’aux
beaux esprits du quattrocento. D’après Froissart, l’accord
conclu avant le combat des trente (27 mars 135'1) entre mes-
sire Robert de Beaumanoir et le capitaine anglais Robert
Bamborough se termina par les paroles de ce dernier : « et
ainsi nous ferons en sorte qu’on en parle dans les temps à
venir, en salles et en palais, sur les places publiques et en
autres lieux du monde entier » (1). Chastellain, bien que
complètement médiéval par l’estime en laquelle il tient
l’idéal chevaleresque, n’en exprime pas moins l’esprit de la
Renaissance, lorsqu’il dit :
Honneur semont toute noble nature
D’aimer tout ce qui noble est en son estre.
Noblesse aussi y adjoint sa droiture (2).
En un autre endroit, il dit que l’honneur était plus cher
aux juifs et aux païens parce qu’il était, chez eux, cultivé
pour lui-même, et dans l’attente d’une louange terrestre,
tandis que les chrétiens ont reçu l’honneur par la religion, dans
l’espérance d’une récompense céleste (3).
Déjà, Froissart recommandait la bravoure dépourvue
de motifs religieux ou moraux, la bravoure pure et simple,
pour gagner gloire et honneur et aussi —- enfant terrible
qu’il est — pour faire carrière (4).
La recherche de la gloire et de l’honneur chevaleresque
est inséparablement liée au culte du héros, dans lequel se
fondent des éléments médiévaux et des éléments de la Re-
naissance. La vie chevaleresque est une imitation ; imi-
(1) Froissart, éd. Luce, IV, p. 112, où Bamborough, nommé aussi Bembro,
Brembo, est défiguré en Brandebourch.
(2) Le dit de vérité, Chastellain, VI, p. 221.
(3) Le livre de la paix, Chastellain, VII, p. 362.
(4) Froissart, éd. Luce, I, p. 3.