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l’idée de chevalerie

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besoin de symétrie si fort au moyen-âge, ajouta aux neuf
preux la série des neuf preuses. Il tira de Justin et d’autres
écrivains un groupe assez bizarre d’héroïnes classiques,
entre autres : Penthésilée, Tomyris, Sémiramis, et ne se fit
pas scrupule de défigurer leurs noms. Ceci n’empêcha pas l’idée
de faire fortune, et nous retrouvons les preux et les preuses
dans les productions postérieures, telles que Le Jouvencel.
Les tapisseries les représentent, on leur invente des bla-
sons ; à son entrée à Paris en 1431, Henri VI d’Angleterre
est précédé du groupe complet (1).
Combien cette représentation demeura populaire, est
attesté par la parodie : Molinet essaya sa verve sur les neuf
« preux de gourmandise » (2). François Ier s’habillait encore de
temps à autre à l’antique, pour représenter un des preux (3).
Deschamps alla plus loin. Il relia le culte des anciens
héros au patriotisme militaire naissant, et ajouta un dixième
preux, contemporain et français, Bertrand Du Guesclin (4).
Cette idée eut du succès ; Louis d’Orléans fit élever dans
la grande salle du château de Coucy la statue du vaillant
connétable, en dixième preux (5). C’était avec raison
qu’Orléans honorait la mémoire de Du Guesclin : celui-ci
l’avait tenu sur les fonts baptismaux et avait mis une épée
dans sa petite main. Gomme dixième preuse, on s’attend à
Jeanne d’Arc. Et en effet, le xve siècle lui a assigné ce rang.
Louis de Laval, petit-fils par alliance de Du Guesclin, frère
des camarades d’armes de Jeanne d’Arc, donna l’ordre à
son chapelain Sébastien Mamerot d’écrire une histoire des
(1) Journal d’un bourgeois, p. 274. Un poème de 9 strophes sur les 9 preux
dans plusieurs manuscrits de règlements de la ville de Haarlem ; voir mes Rechts-
bronnen van Haarlem, p. xlvi ss. Gervantès les appelle « todos los nueve de la
fama », Don Quichotte, I, c. 5. En Angleterre ils restent célèbres sous le nom de
« nine worthies » jusqu’au xvne siècle, cf. John Coke, The debate between the
Heraldes, éd. L. Pannier et P. Meyer, Le débat des hérauts d’armes, p. 108, par
171 ; R. Burton, The Anatomy of Melancholy, III, p. 173 (éd. London, 1886).
Thomas Heywood écrivit : « The exemplary lives and mémorable acts of Nine the
most worthy women of the world », où la reine Elisabeth clôt la série.
(2) Molinet, Faictz et dictz, f. 151 v°.
(3) La Gurne de Sainte-Palaye, II, p. 88.
(4) Deschamps, n°« 206, 239, II pp. 27, 69 ; n° 312 ; II, p. 324 ; Le Lay du
très bon conestable B. du Guesclin.
(5) S. Luce, La France pendant la guerre de cent ans, p. 231 ; Du Guesclin,
dixième preux.
 
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