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LES FORMES DE LA PENSÉE

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D’une part, les contours marqués et le caractère souvent
anthropomorphe donnent aux idées la fixité et l’immobi-
lité ; d’autre part, leur forme figurative en fait parfois ou-
blier le sens. Eustache Deschamps consacre aux désavantages
du mariage un long poème allégorique et satirique, Le
Miroir de Mariage (1). Le personnage principal en est Franc-
Vouloir ; Folie et Désir lui conseillent de se marier, Réper-
toire de Science l’en dissuade.
Quelle est, dans la pensée de l’auteur, la signification de
Franc-Vouloir ? D’abord, la liberté insouciante du céli-
bataire ; mais aussi, dans d’autres endroits, le libre arbitre,
au sens philosophique du mot. L’idée a été absorbée par
la personnification ; l’auteur n’éprouve plus le besoin de
la définir rigoureusement ; il la laisse imprécise et flottante.
Aussi indécise que le caractère de la figure centrale est la
signification morale de l’œuvre. Le ton du poème est celui
de la satire ordinaire contre les femmes. Pour nous, ce persi-
flage contraste étrangement avec la pieuse louange du
mariage spirituel et de la vie contemplative, placée dans
la bouche de Répertoire de Science, dans la dernière partie
du poème (2). Il nous semble étrange aussi que l’auteur
fasse prononcer de hautes vérités par Folie et Désir qui,
pourtant, jouent le rôle d’avocats du diable (3). Bref, il est
très difficile de saisir la conviction personnelle du poète et
de comprendre jusqu’à quel point il était sérieux.
En ce qui concerne la pensée médiévale, qu’il s’agisse de
chevalerie, d’amour ou de piété, il nous est souvent impos-
sible de tracer la ligne de démarcation entre la conviction
sincère et cette attitude de l’esprit propre aux cultures
primitives et que nous qualifierons de « pose ».
Le mélange de sérieux et de jeu caractérise les mœurs,
dans tous les domaines. Dans la guerre surtout, un élément
comique est souvent présent : les assiégés se moquent de
leurs ennemis et doivent parfois payer leurs moqueries de
leur sang. Ceux de Meaux hissent un âne sur le mur pour
(1) Deschamps, Œuvres, t. IX.
(2) Op. cit., p. 219 ss.
(3) Op. cit., p. 293 ss.
 
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