PL XXI. — Tableau : La messe des morts.
Lettre : Jésus au Jugement dernier.
Bas-de-page : La bénédiction d’une fosse dans un cimetière.
PI. XXII. — Tableau : L’Invention de la Croix par l’impératrice sainte
Hélène.
La lettre (Le Crucifix) et le bas-de-page (L’épreuve de la Vraie Croix :
résurrection d’un mort) ne sont probablement, pour l’exécution, ou l’achèvement,
que des oeuvres d’élève, peut-être de J, mais semblent au moins avoir été peints
sur des croquis de G.
Ces sept feuillets forment l’ensemble de peintures le plus merveilleux qui
ait jamais décoré un livre, et, pour leur époque, l’œuvre la plus stupéfiante que
l’histoire de l’Art connaisse.
Pour la première fois nous voyons réalisée, dans toutes ses conséquences,
la conception moderne du tableau.
Ce n’est plus, comme dans l’art gothique, un simple récit dessiné en un plan
au moyen de figures silhouettées sur un fond abstrait ou ornemental. Le souci de
la clarté de la narration ne limitera plus la représentation aux seuls éléments
utiles à l’intelligence du sujet. Désormais, le tableau sera la projection de tout un
secteur de l’espace, avec l’infinie variété fortuite des objets qu’il contient. Il sera
l’image de tout ce qui, dans les limites d’un cadre rectangulaire, s’aperçoit dans
le champ visuel d’un œil immobile au regard horizontal.
Pour la première fois, depuis l’antiquité, la peinture reconquiert l’espace et
la lumière. En Occident, depuis un quart de siècle, elle aspirait à cette conquête,
mais sans dépasser les leçons, graduellement assimilées, de l’art italien. G s’en
affranchit : sa perspective linéaire, satisfaisante d’apparence, ouvre les profondeurs
de la troisième dimension de l’étendue. Mais ce qui attire surtout son attention,
c’est le jeu des lumières et des ombres et leurs effets sur les couleurs.
Pendant tout le début du xve siècle, les peintres ont avant tout cherché
à donner à la couleur un maximum d’éclat et de beauté : préoccupation décorative
analogue à celle de l’orfèvre travaillant des émaux. C’est encore ainsi que le coloris
est compris par les frères de Limbourc. — G, au contraire, fait usage de tons
rompus et souvent sombres. Ses figures sont enveloppées de pénombre. Les cou-
leurs différentes, à l’endroit où elles se touchent, ont un même degré de clarté
ou d’obscurité.
G peint avant tout par valeurs. Sa vision est essentiellement picturale.
Elle l’est aussi exclusivement que celle de A était exclusivement graphique.
Chez G, plus de lignes, plus de traits, ce culte de l’art gothique. Il procède
par petites taches et aboutit souvent à un véritable pointillé, comme, par exemple,
dans le cimetière de la pl. XXI de Milan. Voici, à cet égard, un fait typique :
fréquemment, dans la représentation de ses petits personnages, les yeux, le nez,
la bouche sont indiqués par de simples petites taches sombres non cernées d’un
contour ; parfois même une seule tache marque, à la fois, la bouche et l’ombre
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Lettre : Jésus au Jugement dernier.
Bas-de-page : La bénédiction d’une fosse dans un cimetière.
PI. XXII. — Tableau : L’Invention de la Croix par l’impératrice sainte
Hélène.
La lettre (Le Crucifix) et le bas-de-page (L’épreuve de la Vraie Croix :
résurrection d’un mort) ne sont probablement, pour l’exécution, ou l’achèvement,
que des oeuvres d’élève, peut-être de J, mais semblent au moins avoir été peints
sur des croquis de G.
Ces sept feuillets forment l’ensemble de peintures le plus merveilleux qui
ait jamais décoré un livre, et, pour leur époque, l’œuvre la plus stupéfiante que
l’histoire de l’Art connaisse.
Pour la première fois nous voyons réalisée, dans toutes ses conséquences,
la conception moderne du tableau.
Ce n’est plus, comme dans l’art gothique, un simple récit dessiné en un plan
au moyen de figures silhouettées sur un fond abstrait ou ornemental. Le souci de
la clarté de la narration ne limitera plus la représentation aux seuls éléments
utiles à l’intelligence du sujet. Désormais, le tableau sera la projection de tout un
secteur de l’espace, avec l’infinie variété fortuite des objets qu’il contient. Il sera
l’image de tout ce qui, dans les limites d’un cadre rectangulaire, s’aperçoit dans
le champ visuel d’un œil immobile au regard horizontal.
Pour la première fois, depuis l’antiquité, la peinture reconquiert l’espace et
la lumière. En Occident, depuis un quart de siècle, elle aspirait à cette conquête,
mais sans dépasser les leçons, graduellement assimilées, de l’art italien. G s’en
affranchit : sa perspective linéaire, satisfaisante d’apparence, ouvre les profondeurs
de la troisième dimension de l’étendue. Mais ce qui attire surtout son attention,
c’est le jeu des lumières et des ombres et leurs effets sur les couleurs.
Pendant tout le début du xve siècle, les peintres ont avant tout cherché
à donner à la couleur un maximum d’éclat et de beauté : préoccupation décorative
analogue à celle de l’orfèvre travaillant des émaux. C’est encore ainsi que le coloris
est compris par les frères de Limbourc. — G, au contraire, fait usage de tons
rompus et souvent sombres. Ses figures sont enveloppées de pénombre. Les cou-
leurs différentes, à l’endroit où elles se touchent, ont un même degré de clarté
ou d’obscurité.
G peint avant tout par valeurs. Sa vision est essentiellement picturale.
Elle l’est aussi exclusivement que celle de A était exclusivement graphique.
Chez G, plus de lignes, plus de traits, ce culte de l’art gothique. Il procède
par petites taches et aboutit souvent à un véritable pointillé, comme, par exemple,
dans le cimetière de la pl. XXI de Milan. Voici, à cet égard, un fait typique :
fréquemment, dans la représentation de ses petits personnages, les yeux, le nez,
la bouche sont indiqués par de simples petites taches sombres non cernées d’un
contour ; parfois même une seule tache marque, à la fois, la bouche et l’ombre
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