du nez. Il procède ainsi, qu’il s’agisse d’hommes ou d’animaux : ainsi, par
exemple, dans le singe de la bordure de la pl. XXXVI de Turin, toutes les
formes sont indiquées par des tons.
La figure humaine n’est plus pour lui chose à part : les hommes sont
parmi les objets qui apparaissent dans le champ visuel. Cette conception devait
le pousser vers le paysage. Aussi est-il essentiellement paysagiste. Il l’est même
davantage que ne le sera aucun peintre subséquent du xve siècle. Ainsi, par
exemple, dans le Baptême du Christ (bas-de-page de la pl. XX de Milan), le
Christ et saint Jean sont bien placés dans le paysage et non devant celui-ci, tels
qu’ils le seront par tous les peintres du xve siècle.
G possède un sens ému de la nature, et les quelques feuillets qu’il a décorés
dans les « Très belles Heures » dénotent une somme énorme d’observations.
Aujourd’hui que celles-ci ont été répétées depuis des siècles, il nous faut un effort
de réflexion pour nous rendre compte combien alors elles étaient neuves, combien
il a fallu d’impressionnabilité pour les faire le premier, et de maîtrise technique
pour les exprimer. Ses ciels sont très caractéristiques : il connaît les trois types
de nuages : le cumulus, le stratus et le cirrus. Il affectionne une certaine forme de
cumulus reposant sur une base sombre horizontale. A côté de celui-ci il nous
montre des cirrus, comme dans un ciel balayé par le vent. Il affectionne aussi
les effets lumineux momentanés : dans le Baptême de Jésus-Christ (Milan,
pl. XX, agr. pl. I), comme dans le tableau de Saint Julien et sainte Marthe
(Turin, pl. XXX), l’heure du jour, celle où le soleil est proche de l’horizon, est
parfaitement indiquée : des rayons de lumière rosée viennent colorer les nuages
et dorer quelques points isolés du paysage déjà envahi par la pénombre.
Dans le tableau Le baiser de Judas (Turin, pl. XV), la scène est représentée
à contre-jour, au moment où les dernières lueurs du soleil embrasent encore le
ciel à l’horizon, tandis que déjà les avant-plans sont plongés dans l’ombre de la
nuit. Avec une habileté inouïe, l’artiste a représenté les reflets des torches sur les
armures. Malchus, arrêté par saint Pierre, a laissé tomber son flambeau dans le
sable, où on le voit s’éteindre en fumant et en projetant de petites étincelles. Enfin,
véritable tour de force, dans la ville de Jérusalem, vue à contre-jour, des lumières
se sont allumées dans les maisons, et le peintre est parvenu à donner l’impression
que ces lumières sont à des distances différentes du spectateur !
On ne saurait mieux rendre la pénombre enveloppante du crépuscule que
dans la Lettre : Jésus-Christ prosterné au Jardin des Oliviers (Turin, pl. XV).
Dans la Bénédiction du cimetière (Milan, pl. XXI), les figures se silhouet-
tent sur le parchemin nu, et le peintre a si bien combiné la valeur relative du ton
de ce parchemin, avec celle des figures et du paysage, qu’il donne parfaitement
l’impression d’un jour gris et pluvieux.
Dans le bas-de-page de la pl. XV de Turin, le ton du parchemin a également
été utilisé. Un pointillé bleu-gris sombre vers l’horizon et l’ombre qui baigne les
personnages donnent l’illusion de la tombée du soir.
Dans le beau tableau de la pl. XXXVII de Turin, celui du Duc Guillaume
au bord de la mer, il a encore saisi un aspect passager de la nature : les nuages
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exemple, dans le singe de la bordure de la pl. XXXVI de Turin, toutes les
formes sont indiquées par des tons.
La figure humaine n’est plus pour lui chose à part : les hommes sont
parmi les objets qui apparaissent dans le champ visuel. Cette conception devait
le pousser vers le paysage. Aussi est-il essentiellement paysagiste. Il l’est même
davantage que ne le sera aucun peintre subséquent du xve siècle. Ainsi, par
exemple, dans le Baptême du Christ (bas-de-page de la pl. XX de Milan), le
Christ et saint Jean sont bien placés dans le paysage et non devant celui-ci, tels
qu’ils le seront par tous les peintres du xve siècle.
G possède un sens ému de la nature, et les quelques feuillets qu’il a décorés
dans les « Très belles Heures » dénotent une somme énorme d’observations.
Aujourd’hui que celles-ci ont été répétées depuis des siècles, il nous faut un effort
de réflexion pour nous rendre compte combien alors elles étaient neuves, combien
il a fallu d’impressionnabilité pour les faire le premier, et de maîtrise technique
pour les exprimer. Ses ciels sont très caractéristiques : il connaît les trois types
de nuages : le cumulus, le stratus et le cirrus. Il affectionne une certaine forme de
cumulus reposant sur une base sombre horizontale. A côté de celui-ci il nous
montre des cirrus, comme dans un ciel balayé par le vent. Il affectionne aussi
les effets lumineux momentanés : dans le Baptême de Jésus-Christ (Milan,
pl. XX, agr. pl. I), comme dans le tableau de Saint Julien et sainte Marthe
(Turin, pl. XXX), l’heure du jour, celle où le soleil est proche de l’horizon, est
parfaitement indiquée : des rayons de lumière rosée viennent colorer les nuages
et dorer quelques points isolés du paysage déjà envahi par la pénombre.
Dans le tableau Le baiser de Judas (Turin, pl. XV), la scène est représentée
à contre-jour, au moment où les dernières lueurs du soleil embrasent encore le
ciel à l’horizon, tandis que déjà les avant-plans sont plongés dans l’ombre de la
nuit. Avec une habileté inouïe, l’artiste a représenté les reflets des torches sur les
armures. Malchus, arrêté par saint Pierre, a laissé tomber son flambeau dans le
sable, où on le voit s’éteindre en fumant et en projetant de petites étincelles. Enfin,
véritable tour de force, dans la ville de Jérusalem, vue à contre-jour, des lumières
se sont allumées dans les maisons, et le peintre est parvenu à donner l’impression
que ces lumières sont à des distances différentes du spectateur !
On ne saurait mieux rendre la pénombre enveloppante du crépuscule que
dans la Lettre : Jésus-Christ prosterné au Jardin des Oliviers (Turin, pl. XV).
Dans la Bénédiction du cimetière (Milan, pl. XXI), les figures se silhouet-
tent sur le parchemin nu, et le peintre a si bien combiné la valeur relative du ton
de ce parchemin, avec celle des figures et du paysage, qu’il donne parfaitement
l’impression d’un jour gris et pluvieux.
Dans le bas-de-page de la pl. XV de Turin, le ton du parchemin a également
été utilisé. Un pointillé bleu-gris sombre vers l’horizon et l’ombre qui baigne les
personnages donnent l’illusion de la tombée du soir.
Dans le beau tableau de la pl. XXXVII de Turin, celui du Duc Guillaume
au bord de la mer, il a encore saisi un aspect passager de la nature : les nuages
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