qu’il serait trop long d’énumérer ici, j’exprimais l’opinion que la Vierge dans
ï Eglise, du Musée de Berlin, n’est pas de Johannes, mais bien de Hubrecht
van Eyck. Or, le chœur de cette église est identique à celui dans lequel est
célébrée La Messe des Morts (pl. XXI, agr. pl. III de Milan). Je ne veux pas
dire seulement que ces deux peintures représentent le même chœur d’église, mais
encore quelles le représentent pris du même point de vue, et qu’elles ont été
exécutées d’après le même dessin.
L’hypothèse que G serait un personnage complètement inconnu, maître
commun des frères van Eyck, d’une part, rabaisserait ceux-ci à un degré de
dépendance incompatible avec leur incontestable génie, et, d’autre part, aboutirait
à affirmer l’existence d’un artiste de tout premier ordre qui n’aurait laissé aucune
trace dans l’histoire : double invraisemblance.
Je crois, avec le comte Durrieu, que la conclusion qui s’impose est que les
Heures de Turin et de Milan ne présentent qu’une étape plus ancienne de l’œuvre
des frères van Eyck eux-mêmes.
Reste la question de savoir si G ne peut pas être identifié avec Johannes
van Eyck, celui des deux frères que nous connaissons le mieux. — Cette hypothèse
se heurte à des difficultés considérables. Il faut reconnaître que la structure des
figures est un point faible de G. La magie du coloris, combinée avec la petitesse
des figures, dissimule ce défaut. Mais, par exemple, dans le tableau : Marie
reine des vierges bienheureuses (pl. XXXVI de Turin), dans lequel la nature du
sujet exclut le jeu des ombres, et où les personnages sont dessinés à plus grande
échelle, les défauts de structure se montrent d’une façon telle que des observateurs
superficiels ont cru devoir contester à G la paternité de cette peinture.
On remarquera aussi certains types de visages, dont les pommettes et le
menton accentués forment une sorte de triangle. Nous rencontrons ce type dans
presque toutes les pages décorées par G. Il est tout à fait étranger aux œuvres
certaines de Johannes.
Les plis des draperies sont entièrement différents de ceux que nous connais-
sons dans les œuvres de ce peintre : G représente encore les étoffes minces, fluides,
presque impalpables, ce qui est un archaïsme. Tout le monde a remarqué, au
contraire, la pesanteur, l’épaisseur des étoffes peintes par Johannes. Chez G, les
plis sont curvilignes, tandis que Johannes a introduit un système tout spécial de
plis cassés à arêtes rectilignes.
On pourrait objecter que ce sont là différences de date : dans tous les cas,
que le peintre G soit Hubrecht ou Johannes, il faudra bien admettre qu’il a pu
considérablement progresser après 1417. — Mais les différences qui séparent G
de tout ce que nous connaissons de Johannes sont d’une nature plus profonde.
Ce sont, tout d’abord, des différences de méthode :
G travaille essentiellement de souvenir, et c’est ce qui lui permet de noter
les effets momentanés. Il est un chercheur, un inventeur, constamment en quête
de problèmes nouveaux.—Johannes ne peut atteindre à son extraordinaire vir-
tuosité dans le rendu matériel exact et détaillé des formes qu’en travaillant devant
le modèle posé.
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ï Eglise, du Musée de Berlin, n’est pas de Johannes, mais bien de Hubrecht
van Eyck. Or, le chœur de cette église est identique à celui dans lequel est
célébrée La Messe des Morts (pl. XXI, agr. pl. III de Milan). Je ne veux pas
dire seulement que ces deux peintures représentent le même chœur d’église, mais
encore quelles le représentent pris du même point de vue, et qu’elles ont été
exécutées d’après le même dessin.
L’hypothèse que G serait un personnage complètement inconnu, maître
commun des frères van Eyck, d’une part, rabaisserait ceux-ci à un degré de
dépendance incompatible avec leur incontestable génie, et, d’autre part, aboutirait
à affirmer l’existence d’un artiste de tout premier ordre qui n’aurait laissé aucune
trace dans l’histoire : double invraisemblance.
Je crois, avec le comte Durrieu, que la conclusion qui s’impose est que les
Heures de Turin et de Milan ne présentent qu’une étape plus ancienne de l’œuvre
des frères van Eyck eux-mêmes.
Reste la question de savoir si G ne peut pas être identifié avec Johannes
van Eyck, celui des deux frères que nous connaissons le mieux. — Cette hypothèse
se heurte à des difficultés considérables. Il faut reconnaître que la structure des
figures est un point faible de G. La magie du coloris, combinée avec la petitesse
des figures, dissimule ce défaut. Mais, par exemple, dans le tableau : Marie
reine des vierges bienheureuses (pl. XXXVI de Turin), dans lequel la nature du
sujet exclut le jeu des ombres, et où les personnages sont dessinés à plus grande
échelle, les défauts de structure se montrent d’une façon telle que des observateurs
superficiels ont cru devoir contester à G la paternité de cette peinture.
On remarquera aussi certains types de visages, dont les pommettes et le
menton accentués forment une sorte de triangle. Nous rencontrons ce type dans
presque toutes les pages décorées par G. Il est tout à fait étranger aux œuvres
certaines de Johannes.
Les plis des draperies sont entièrement différents de ceux que nous connais-
sons dans les œuvres de ce peintre : G représente encore les étoffes minces, fluides,
presque impalpables, ce qui est un archaïsme. Tout le monde a remarqué, au
contraire, la pesanteur, l’épaisseur des étoffes peintes par Johannes. Chez G, les
plis sont curvilignes, tandis que Johannes a introduit un système tout spécial de
plis cassés à arêtes rectilignes.
On pourrait objecter que ce sont là différences de date : dans tous les cas,
que le peintre G soit Hubrecht ou Johannes, il faudra bien admettre qu’il a pu
considérablement progresser après 1417. — Mais les différences qui séparent G
de tout ce que nous connaissons de Johannes sont d’une nature plus profonde.
Ce sont, tout d’abord, des différences de méthode :
G travaille essentiellement de souvenir, et c’est ce qui lui permet de noter
les effets momentanés. Il est un chercheur, un inventeur, constamment en quête
de problèmes nouveaux.—Johannes ne peut atteindre à son extraordinaire vir-
tuosité dans le rendu matériel exact et détaillé des formes qu’en travaillant devant
le modèle posé.
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