DE LART MUSICAL EN EGYPTE. 7$ 9
Nous aurions pu leur faire remarquer l'espèce de contradiction qu'il y avoit entre
cette dernière réponse et ce qu'ils nous avoient dit auparavant; mais, comme il
nous sembla que cette contradiction étoit plus apparente que réelle, qu'elle venoit
uniquement de l'abus qu'ils faisoient du mot composer, que nous avions pris d'abord
dans le sens rigoureux qu'il a chez nous en musique, nous aimâmes mieux ne pas
insister que de nous engager dans une discussion de mots qui eût peut-être été fort
'ongue, fort abstraite, et fort peu utile, comme cela arrive presque toujours.
Nos momens étoient précieux, nous nous empressâmes d'examiner leurs livres.
Nous vîmes qu'il y avoit, au commencement, un traité de théorie musicale, où
étoient démontrés la propriété et l'usage des signes musicaux ; et c'étoit précisé-
ment là ce que nous desirions connoître : nous leur demandâmes s'il ne seroit pas
possible de faire copier celui qui paroissoit être le plus étendu. Il appartenoit
a un jeune Grec qui étoit absent; ils nous engagèrent à revenir le lendemain,
en nous faisant espérer que celui qui en étoit propriétaire consentiroit probable-
ment à s'en dessaisir en notre faveur : nous suivîmes leur avis, et nous en fîmes
en effet l'acquisition.
Il nous falloit encore un bon maître pour nous diriger dans l'étude que nous
Voulions faire de ce traité de musique; mais ce n'est pas une chose facile à
rencontrer, même en Grèce. Il n'y en avoit point à Rosette; et ce que Kircher
et les autres savans ont écrit sur la musique Grecque moderne, ne nous éclairoit
pas assez pour pouvoir , de nous-mêmes , tirer quelque fruit d'un semblable
traité de musique. Le texte du traité que nous avions , n'étoit pas différent
du texte des autres papadike, car ils se ressemblent tous à peu de chose près;
c'est-à-dire qu'il étoit tellement mêlé de grec littéral, de grec vulgaire , et de cer-
tains mots techniques barbares, qu'il ne pouvoit nous être expliqué que par un
maître très-versé dans l'art du chant Grec. Toute notre étude, pendant les trois
mois que nous restâmes à Rosette, se réduisit donc à de simples tâtonnemens, qui
ne servirent qu'à nous familiariser un peu avec les diverses figures de signes ou
notes de musique, lesquelles sont très-nombreuses et très-variées.
Article III.
Du Maître de musique Grecque moderne que nous avons eu au Kaire; de
sa manière d'enseigner ; de la singulière épreuve à laquelle nous fûmes con-
traints de nous résigner pour recevoir ses leçons; de sa méthode; comment
nous sommes parvenus à en tirer quelque fruit. Explication préliminaire de
quelques termes douteux de cette musique. Exposition des principaux points
de cet art, dont il sera question dans les articles suivans.
Enfin nous rencontrâmes au Kaire le maître dont nous avions besoin. C'étoit
le premier chantre de l'église patriarcale des Grecs (i). Il s'appeloit Dom Gnebrdil
(i) Le patriarche Grec faisoit de notre temps sa ré- sous l'invocation de S. George. Ce saint est très-vé
«dence au Vieux Kaire, où les Grecs ont une église néré en Egypte par tous les Chrétiens, et, ce qu'il y a
Nous aurions pu leur faire remarquer l'espèce de contradiction qu'il y avoit entre
cette dernière réponse et ce qu'ils nous avoient dit auparavant; mais, comme il
nous sembla que cette contradiction étoit plus apparente que réelle, qu'elle venoit
uniquement de l'abus qu'ils faisoient du mot composer, que nous avions pris d'abord
dans le sens rigoureux qu'il a chez nous en musique, nous aimâmes mieux ne pas
insister que de nous engager dans une discussion de mots qui eût peut-être été fort
'ongue, fort abstraite, et fort peu utile, comme cela arrive presque toujours.
Nos momens étoient précieux, nous nous empressâmes d'examiner leurs livres.
Nous vîmes qu'il y avoit, au commencement, un traité de théorie musicale, où
étoient démontrés la propriété et l'usage des signes musicaux ; et c'étoit précisé-
ment là ce que nous desirions connoître : nous leur demandâmes s'il ne seroit pas
possible de faire copier celui qui paroissoit être le plus étendu. Il appartenoit
a un jeune Grec qui étoit absent; ils nous engagèrent à revenir le lendemain,
en nous faisant espérer que celui qui en étoit propriétaire consentiroit probable-
ment à s'en dessaisir en notre faveur : nous suivîmes leur avis, et nous en fîmes
en effet l'acquisition.
Il nous falloit encore un bon maître pour nous diriger dans l'étude que nous
Voulions faire de ce traité de musique; mais ce n'est pas une chose facile à
rencontrer, même en Grèce. Il n'y en avoit point à Rosette; et ce que Kircher
et les autres savans ont écrit sur la musique Grecque moderne, ne nous éclairoit
pas assez pour pouvoir , de nous-mêmes , tirer quelque fruit d'un semblable
traité de musique. Le texte du traité que nous avions , n'étoit pas différent
du texte des autres papadike, car ils se ressemblent tous à peu de chose près;
c'est-à-dire qu'il étoit tellement mêlé de grec littéral, de grec vulgaire , et de cer-
tains mots techniques barbares, qu'il ne pouvoit nous être expliqué que par un
maître très-versé dans l'art du chant Grec. Toute notre étude, pendant les trois
mois que nous restâmes à Rosette, se réduisit donc à de simples tâtonnemens, qui
ne servirent qu'à nous familiariser un peu avec les diverses figures de signes ou
notes de musique, lesquelles sont très-nombreuses et très-variées.
Article III.
Du Maître de musique Grecque moderne que nous avons eu au Kaire; de
sa manière d'enseigner ; de la singulière épreuve à laquelle nous fûmes con-
traints de nous résigner pour recevoir ses leçons; de sa méthode; comment
nous sommes parvenus à en tirer quelque fruit. Explication préliminaire de
quelques termes douteux de cette musique. Exposition des principaux points
de cet art, dont il sera question dans les articles suivans.
Enfin nous rencontrâmes au Kaire le maître dont nous avions besoin. C'étoit
le premier chantre de l'église patriarcale des Grecs (i). Il s'appeloit Dom Gnebrdil
(i) Le patriarche Grec faisoit de notre temps sa ré- sous l'invocation de S. George. Ce saint est très-vé
«dence au Vieux Kaire, où les Grecs ont une église néré en Egypte par tous les Chrétiens, et, ce qu'il y a