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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1890

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Issue 11 (20.11.1890)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56661#0032
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LA PUISSANCE AMIE

C’est ainsi que nos frères de la Vallée du Nil ont surnommé
la France, la France qui aide la Sublime-Porte à les arracher
des griffes de leurs rapaces et cruels envahisseurs.
L’heureux événement de l'entente de la Turquie et de la Puis-
sance Amie en faveur de l’Egypte, que nous avons annoncé
dans notre dernier numéro, a été accueilli avec des cris de joie
et d’enthousiasme par nos compatriotes.
De nos rives de la Méditerranée jusqu’à la source de notre
fleuve d’or, le peuple opprimé leva les yeux au ciel et sa
bouche a proféré ce vœu que son cœur poussait à ses lèvres :
« Qu’Allah Clément et Méséricordieux accorde de longs
jours à S. M. I. Abdul-Hamid Khan, notre protecteur et dé-
fenseur de la Vallée du Nil. »
Et ils ont eu raison de faire ce vœu, car grâce à l’énergique
initiative du Commandeur des croyants un nouveau chagri n nous
est épargné. M. Crispi, l’homme de la Triple Alliance, avait ré-
solu de mettre sa main sacrilège sur Kassala, ville égyptienne,
que nous avons perdue grâce à l’impéritie des généraux an-
glais, mais que nous saurons reprendre plus tard. Déjà, des
négociations étaient entamées entre l’Italie et la Grande-Bre-
tagne afin de préparer le nouveau démembrement de l’Egypte.
Mais notre glorieux Padischah a élevé sa voix et a déclaré que
Kassala nous appartenait toujours et faisait partie du terri-
toire Ottoman, et que nul n’en pouvait disposer sans le consen-

tement du Sultan, suzerain légitime de la vice-royauté
d’Egypte.
M. Crispi, furieux de cet insuccès, a jeté alors son dévolu sur
la Tripolitaine; mais là aussi Abdul-Hamid veillait : il a signifié
au ministre italien que jamais il ne consentirait à lui céder la
Tripolitaine et, comme toujours, la France, la seule amie
sincère et désintéressée qu’ait la Turquie, a appuyé de son
influence les protestations du Sultan.
C’est pour ce motif que nous autres égyptiens, nous voyons
avec tant de joie l’entente de la Turquie et de la France, car
cette entente est la seule garantie de la paix, de la justice et du
progrès véritable en Orient.
Nous espérons que cette alliance des deux nations amies
saura aussi réduire à néant les intrigues anglaises, qui veulent
supprimer les tribunaux mixtes en Egypte, afin de porter un
dernier coup à l’influence française.
Nous sommes patients, parce que nous avons le sentiment
de notre bon droit et nous avons la conviction qu’avec l’appui
de notre Auguste Souverain et Vénéré Khalife, Abdul-Hamid
Khan, et avec le concours de notre amie séculaire, la France,
nous verrons luire le jour où l’Egypte, délivrée des anglais,
reprendra le cours de ses brillantes destinées.
Que le Maître de l’Univers répande la rosée de ses saintes
bénédictions sur la Sublime-Porte et la Puissance Amie qui tra-
vaillent de commun accord au salut de notre malheureuse
patrie, Amen.
Abou Naddara.


Albion : Milord Crispi, vous avez une
envie folle de posséder ces deux belles bru-
nettes. Les yeux noirs de Kassala et de la
Tripolitaine rallieront tous les électeurs
italiens à votre cause et vous donneront la
victoire sur vos ennemis. Eh bien ! je vous
aiderai à les enlever à condition que vos
valeureux bersagliers tuent cet ogre souda-
nais qui, après avoir dévoré trente mille de
mes guerriers, veut faire de moi une seule
bouchée.
Crispi : Benissimo, Madorina Albione.
Livre-moi Kassala et la Tripolitaine et je te
donnerai le Sudan et les Sudanais. Qu’elles
sont jolies ces fillettes ! (R tend le bras pour
les toucher).
Le Français : A bas les pattes, mon vieux ;

Ces jeunes filles ont un père qui ne plai-
sante pas. Regarde-le ! Gare à toi si tu
touche à ses demoiselles ! N’écoute pas la
perfide Albion; elle te promet monts et
merveilles, mais ne fera rien qui soit contre
ses intérêts.
Albion (au Français) : Les journaux
italiens disent que tu as des visées sur ces
deux jeunes filles.
Le Français :J Je ne me préoccupe pas de
ce qui peut être dit dans ces journaux. Ce
n’est pas au lendemain du jour où ma flotte
a paru à Bezika et y a reçu un accueil si
gracieux et si cordial de la part de l’Empe-
reur des Ottomans que je convoiterai une de
ses chastes jeunes filles. Ah ! non. Et je vous
conseille, Signor Crispi, de courtiser d’autres

demoiselles ; car l’Ollomrn défend ses filles
avec courage et intrépidité.
L’Ombre du grand Cavour : Crispi !
Crispi ! Par ta triple alliance et par ton
amour de conquêtes tu compromets fa
grande œuvre de Victor Emanuel, de glo-
rieuse mémoire, et tu nous fais perdre
l’amitié des nations latines et des peuples
d’Orient. Eloigne-toi donc de l’élément
anglo-allemand et tends ta main fraternelle
à la France, notre alliée naturelle. Alors tu
verras refleurir notre commerce etprospérer
nos finances. Le peuple français est un
peuple bon, généreux et loyal, et nos com-
patriotes sont très sympathiques aux enfants
de l’Orient.

3ime CONFÉRENCE D’ABOU NADDARA
S. M. I. Dom Pedro. — MM. Duruy et Daubrée,
de l’institut, — L’Islam et la civilisation. —
Les progrès de l’instruction en Orient. — La-
femme musulmane. — La nation amie.
La conférence qu’Abou Naddara a donnée le 3 novembre,
à l’institut Ruddy, a été l’objet d’articles élogieux dans la
plupart des journaux parisiens : le Gaulois, le Figaro,
le Temps, les Débats, la Presse, le Gil B las, VAutorité,
le Matin; même le Galignani’s Messenger lui a consacré
un long compte rendu qui a été reproduit par plusieurs jour-
naux de Londres ; ceci prouve que, au-delà du détroit, on a
parfaitement compris qu’Abou Naddara fait la guerre, non pas
au peuple anglais, mais au gouvernement britannique. Dans
l’impossibilité où nous sommes de reproduire toutes ces appré-
ciations, nous empruntons le compte rendu suivant à notre
excellent confrère E. Chesnel, du Voltaire ; La Réel.
La dernière conférence de notre confrère égyptien, le cheikh
Abou Naddara, a pris les proportions d’un véritable événement
parisien, grâce à la présence de l’ancien empereur du Brésil,
Dom Pedro, qui présidait la séance. L’illustre protecteur des lettres
et des sciences est, on le sait, un arabisant de premier ordre ; en
3-mp. Fe/obVre, S/-8S p.du. Qoci.r^,

ce moment même, il met la dernière main à une traduction
en portugais des Mille et une Nuits.
Déjà, l’an dernier, le souverain, dont la physionomie est si
sympathique à tous les parisiens, avait tenu à présider une autre
conférence que le cheikh avait donnée à Lisbonne, au cours de son
long voyage à travers l’Espagne, le Portugal, le Maroc, l’Algérie,
la Tunisie, etc. Dom Pedro qui devait quitter Paris' dimanche, a
poussé la bonne grâce jusqu’à retarder de trois jours son départ
afin de pouvoir présider cette intéressante séance.
Les quatre grandes salles de l’institut Ruddy étaient remplies
d’une foule sympathique, qu’émaillaient de ravissantes toilettes.
Dans cette affluence élégante, on remarquait un grand nombre de
notabilités scientifiques et littéraires, et des personnalités les plus
en vue de la colonie étrangère. Sur l’estrade, auprès de Dom
Pedro, nous voyons M. Duruy, membre de l’institut, ancien
ministre de l'instruction publique, M. Daubrée, de l’Académie des
Sciences, etc.
Le cheikh avait revêtu, pour la circonstance, son riche costumé
égyptien, et sur sa poitrine brillaient les décorations que lui ont
conférés différents gouvernements de l’Orient et de l’Occident.
Nous n’avons pas à retracer ici la biographie d’Abou Naddara,
qui est suffisamment connu à Paris ; mais nous nous attacherons
à résumer sa conférence, en lui conservant, autant que possible,
1 allure.et le coloris du langage oriental.
• ^'Orateur a débuté, suivant son usage, par une invocation
a Allah, en priant la Divinité d’accorder à sa faible langue l’élo-
quence des illustres orateurs arabes et de lui permettre ainsi
d exposer à ses auditeurs les beautés de la littérature et la pureté
des mœurs de son pays.
-Ce i G.LEFESVRE

Tirage justifié 15.000 exemplaires
 
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