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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1898

DOI issue:
Issue 2 (20.02.1898)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56671#0008
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Vingt-deuxième Année I
FONDATEUR
Directeur et Rédacteur en Chef
J. SANDA ABOU NADDARA
6. Rae Geoffroy - Marie, PARIS J,

If Journal Obon ÿaddara
Toute communication et demande d’abonnement doivent être adressées au Directeur du Journal

N°220 Février 1898.
ABONNEMENTS :
Avec la revue Atlawadod
et suppléments.... i an. 26' »
Abonnement simple, t an. 15 ■

Lord Cromer. — Ce maudit journal nous met en ridicule aux yeux
des populations d’Afrique et d’Asie et nous attire les malédictions de
tout l’Islam, dont il glorifie le Calife; il l’appelle le Souverain national
de l’Egypte.
Sir Palmer. — Le Journal égyptien et le Courrier d’Egypte nous
font aussi beaucoup de mal; ils appellent notre glorieuse bataille de
Tel-el-Kébir, la bataille du bahchiche; c’est-à-dire de la corruption, des
pots de vin.
Lord Cromer. — En effet, cette victoire nous a coûté cinquante
mille livres.

(Il chante)
Notre force à nous, c’est l’argent;
L’argent est le nerf de la guerre ;
Il nous ouvrira le Soudan
Comme il nous ouvrit cette terre.
Vivent les penny, le shilling
Et la bonne livre sterling!

Sir Palmer.
Recourons à l’épargne anglaise
Pour renforcer notre trésor ;
Car la campagne soudanaise
Va nous coûter de gros sacs d’or
Ou bien, vendons, et c’est facile,
Tout ce qui nous semble inutile.

Lord Cromer. — AU right! Vendons les terrains Wakf qui appar-
tiennent aux mosquées et aux écoles et qui ne leur donnent que de mai-
gres revenus. Nous les leur servirons du trésor égyptien.
Sir Palmer. — Quelle idée lumineuse ! Le produit de la vente de ces
terrains fera rentrer dans notre poche; pardon, je veux dire dans le
trésor égyptien, plusieurs millions de livres sterling. Mais alors, la rage
du rédacteur du Journal Egyptien M. Barrière, n’aurait plus de barrière.
Lord Cromer. — Very good, votre jeu de mots! The rage ofBar-
rière, would hâve no barrier. By Jove ! je le savoure.
Sir Palmer. — Barrière Bey et tous ses compatriotes sont jaloux
de notre conquête de l’Egypte. Si les Français étaient à notre place, ils
auraient fait comme nous et leurs journaux du Caire, d’Alexandrie et
de Port-Saïd auraient approuvé et applaudi.
Lord Cromer. — Chut! Voici John Bull qui va remorquer notre
nouvelle flotte et le Fellah qui va lui barrer le chemin. Ecartons-nous
et écoutons leurs débats qui doivent être très curieux.
Sir Palmer. — Le Fellah est un ingrat; au lieu de nous aimer, il
nous déteste, et pourtant il n’a jamais été si riche et si instruit avant
notre occupation de son pays.
Le Fellah (à John Bull). — Où remorques-tu nos navires ?
John Bull. — Tes navires? mais ils ne sont plus à toi ; ton gouver-
nement me les a vendus ; je les mène chez moi pour les désinfecter et
les rendre Anglais.

Lo Fellah.
Depuis la fatale journée
De ta funeste invasion,
Notre Egypte, tu l’as ruinée
Et désolé ma nation
John Bull prend tout, il dévalise,
Car l’égoïsme est sa devise.
Le Fellah (a

John Bull.
Non, Depuis l’heure fortunée
De l’heureuse occupation,
L’Egypte, je l’ai ramenée
A la civilisation.
Elle me loue et te méprise,
Car de moi seul elle est éprise.
deux) John Bull.

Depuis la fatale, etc.

Non! Depuis l’heure, etc.


Les Patriotes.
Allah! Nous verrons donc Cromer,
Qui se croit aujourd’hui Khédive,
S’en aller avec son Palmer
Qui de nos finances nous prive
Pour enrichir ses bons amis.
Gare à nos rouges ennemis !
Abou Kamal.
Du calme, braves Patriotes !
D’eux, le Très Haut nous sauvera.
Ainsi nous parle dans ses notes
Notre Cheikh Abou Naddara
Qui depuis quarante ans nous crie :
a Jeunesse, sauve ta patrie! »

L’ESCAMOTAGE DE LA FLOTTE ÉGYPTIENNE
(La scène a lieu sur la rade d’Alexandrie.)
Abou Kamal. — Disons adieu, chers camarades, à cette flotte que
nos aïeux ont couverte de gloire. Nos gouvernants anglais vendent à
leurs compatriotes tous ces navires, avec les arsenaux, ateliers et maté-
riel de notre Compagnie maritime « la Khedwieh >, pour i5o,ooo livres,
pas même quatre millions de francs ; tandis qu’ils nous avaient fait-
payer presque cinq millions de francs, pour trois seuls bateaux de
cette flotte.
Les Patriotes. — Les scélérats ! Ils enterrent ainsi une adminis-
tration qui faisait promener notre pavillon dans la Méditerranée et ren-
dait grand service au commerce.
Abou-Kamal. — lis vont la britanniser et remplacer notre pavillon
national par le leur.
Les Patriotes.
Les fils d’Albion la perfide
Mettent notre Egypte à l’encan,
Bientôt le Sphynx, la Pyramide
Seront vendus à l’Englishman.
On ne vend pas, on escamote
Comme on le fait de cette flotte.
Abou Kamal.
Vous protesterez demain soir
Au grand meeting de l’Ezbekie.
Courage ! J’ai beaucoup d’espoir.
Vivent l’Egypte et la Turquie !
Le preux petit fils d’Ismaël,
Les chassera des bords du Nil.

(Abou Kamal et les Patriotes se retirent en chantant tristement.)
Ainsi nous parle dans ses notes
Notre Cheikh Abou Naddara.
Lord Cromer (représentant de la Reine en Egypte). — Voilà la flotte
que nous avons vendue au syndicat Allen Alderson et Ce, pour le
dixième de son prix. Avons-nous fait une bonne spéculation d’être à
moitié dans cette affaire d’or ?
Sir Palmer (conseiller anglais aux finances égyptiennes). — C’est un
excellent placement qui nous rapportera 5o pour cent d’intérêt par an.
Que vois-je ? Qui sont donc ces jeunes gens qui se dirigent vers la ville
en chantant? Les soi-disant patriotes, n’est-ce pas?
Lord Cromer. — Oui, un tas de braillards, des manifestants
comiques.
Sir Palmer — Manifestons-leur notre colère, et ils se tairont.
Lord Cromer. — Ce serait leur donner de l’importance, mon cher.
Sir Palmer. — Vous avez raison, milord, et la preuve, si nous ne
persécutions pas le journal stupide d’Abou-Naddara, il ne serait pas si
recherché ni si fameux.

Paris. Imp. Lefebvre, 5 et 7, rue Claude-Vellefaus. Le Gérant : G. Lefebvre.

T. S. V. P.
 
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