Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1898

DOI issue:
Issue 5 (25.05.1898)
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.56671#0019
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
Il semble qu’une force occulte ait abrité
Ce géant du désert d’une invincible armure,
Et que, las de combattre, il donne à la nature
Un repos qu’en la lutte il a seul mérité.
Ah ! sur l’airain sacré du temple de Mémoire,
Quelle puissante main burinant ton histoire
La frappera jamais au coin de Vérité !
Et quel ÇEdipe, un jour, nous dira le mystère
Qui fait survivre, ô Sphinx ! ton cadavre de pierre !...
Pourquoi, lorsque tout passe, es-tu l’Eternité ?
Antonin Lugnier.

LES DISCOURS D’ABOU NADDARA
Nous en enregistrons deux pour ce mois-ci, un au banquet littéraire
de l’Atbénée de France, présidé par le célèbre poète Jean Rameau, en
au Grand Orient de France, dont la lettre qui suit explique le sujet.
Paris, le 3 mai 1898.
Très cher Frère et Vénérable Cheikh Abou Naddara,
Nous nous félicitons de vous avoir laissé faire dans notre loge,
mercredi dernier, une conférence sur les derniers événements d’Orient
à la place d’un autre conférencier qui s’était fait inscrire pour traiter le
même sujet : dans votre brillante improvisation, vous avez su attirer
nos vives sympathies sur les Orientaux, sur les Musulmans en général
et en particulier sur l’Auguste Caliph de l’Islam.
Nos colonies sont habitées par plusieurs millions de Musulmans,
auxquels nous devons notre assistance et notre appui philantropiques
Nous estimons leur religion et nous respectons leurs mœurs. Vous
agissez donc conformément à nos règlements en entrenant les liens
de sympathies entre ces populations musulmanes et mahométanes et
les nôtres, et en combattant tous les préjugés et les calomnies qui ten-
dent à nous éloigner de nos frères orientaux.
Je vous remercie comme patriote et comme franc-maçon, de la fra-
ternité qui vous inspire dans vos écrits et vos discours.
Combattez le fanatisme religieux qui sépare les hommes et vous
aurez accompli la vraie mission de notre Société.
Recevez, très cher Frère et vénérable Cheikh, la nouvelle assurance
de mes sentiments les plus affectueux et les plus dévoués.
J. H. Gâches.
M. J. H. Gâches est le vénérable de 1^ respectable loge, Le Temple
de l’Union et de VHonneur, où le Cheikh fait des conférences sur les
Orientaux, sur leur littérature et sur leurs sympathies pour les Fran-
çais. Cette lettre, qui fait honneur à Abou Naddara, l’a ému jusqu’aux
larmes. Nous remercions donc M. J. A. Gâches de sa missive frater-
nelle et le prions de remercier ses Frères de l’accueil gracieux qu’ils
font au Cheikh.
La Rédaction.

Voici les vers par lesquels Abou Naddara a terminé son discours au
banquet de l’Athénée de France, présidé par le célèbre poète français
Jean Rameau :

Avant de nous mettre à table,
Ces Dames et ces Messieurs,
Anges et Houris des Cieux,
Avec un sourire aimable
M’ont dit : « Ou vous entendra,
Bon Cheikh Abou Naddara.
Nous avons un chic poète,
Un poète de talent,
Ce soir comme président
Du banquet et de la fête.
Chantez sa louange, ô Cheikh ;
Vos vers n’auront pas d’échec. »
— Mais ma Muse bien aimée
N’osera pas dire un mot
Devant réminent Rameau
Dont la lyre est animée
De la juvénile ardeur
De son âme et de son cœur.

Elle craint choquer l’oreille
De ce barde sans égal
Par son chant oriental ;
Le bon sens le lui conseille.
De l’arabe en vers français
N’aura jamais de succès. .
Pourtant, il faut que je chante
Jean Rameau qui m’a conquis
Par son vers au rythme exquis,
Par sa rime caressante
Et par les beaux sentiments
De ses poèmes charmants.
Je l’aime, je le vénère
Et suis heureux de le voir
Au milieu de nous ce soir.
Amis, levons notre verre
A ce Rameau parfumé,
Des Muses le bien-aimé.

DISTINCTIONS HONORIFIQUES
Louange à Dieu ! grand est le nombre de nos chers amis et excellents
confrères qui viennent d’être décorés on récompense de leur loyauté
et de leur dévouement envers notre Auguste Souverain S. M. I. le Sul-
tan. Citons avant tout le nom respectable de notre noble ami S. E.
Sélim Effendi Melhame, l’éminent Ministre de l’agriculture, des mines
et forêts. Son Excellence a été nommée Afuchir, maréchal, avec le titre
de Pacha. C’est aux nombreux services rendus au pays que S. E. Sélim
Pacha Melhame doit ces honneurs insignes. Son frère Nedjib Effendi
Melhame, l’intelligent conseiller d’ambassade à Paris, a trouvé aussi
grâce devant son Auguste Maître qui daigna lui conférer la décoration
de l’Imtiaz d’or et d’argent, et à la toute charmante Mme Melhame le
Grand Cordon de l’Ordre Impérial du Chefakat enrichi de brillants.
Toutes nos félicitations à Leurs Excellences.'
Notre ami l’Emir Emine Arslan, consul général de Turquie à Bor-
deaux, et notre excellent confrère M. Duté Harispe, l’administrateur
bien connu du Petit Journal, ont reçu la Croix de Commandeur du Med-
jidieh. M. Jules Meulemans, le fils sympathique de l’honorable direc-
teur de la Revue diplomatique a reçu cette même distinction le jour où lui
parvenaient les Palmes académiques. Est-il veinard ce jeune publiciste!
deux décorations à la fois ! Nos chers confrères MM. A. Villette du Gau-
lois et Albert Monniot de la Libre Parole ont été nommés officiers du
Medjidieh. Nous présentons à tous ces Messieurs nos félicitations les
plus sincères. N.

lme SANDA ABOU NADDARA OFFICIER D’ACADÉIIE
Au nom du Cheikh, nous remercions nos confrères pour les gracieux
entrefilets qu ils ont bien voulu consacrer à la distinction universitaire
que S. E. le Ministre de l’instruction publique et des Beaux-Arts vient
de conférer à M"= Sanua Abou Naddara.
Voici ce qu’en dit le Figaro dans son numéro du 12 mai :
* Sanua A?°,u Naddara, professeur et compositeur de musique,
» 1 ”e . , îan.a décorée récemment de la croix de commandeur
du Chefakat enrichie de brillants et de rubis et de la Médaille ottomane
des Beaux-Arts, vient d être nommée officier d’académie en récompense
de sa longue et brillante carrière musicale. »
A ce qui précède le Voltaire ajoute ceci :
. « Mme Sanua Abou Naddara compte parmi ses élèves des virtuoses
distinguées, dont quelques-unes sont devenues des professeurs de
valeur. »
Des échos pareils ont paru dans le Gaulois, le Journal, la Patrie,
l Epoque, la Revue diplomatique, le Nord, la Vie nationale, le Paris-Pro-
vince, V Athénée de France, la France, la Justice, la Nation, etc etc ainsi
que dans les journaux étrangers. A tous ces bienveillants confrères,
nous répétons les remerciements du Cheikh et de M"e Sanua Abou
Naddara- La Rédaction.

L’ÉGYPTE AU XIXe SIÈCLE
HISTOIRE D’UN PROSCRIT
Par M. Aimé VINGTRINIER, Officier de l’instruction publique et de Medjidieh
I
VIRILITÉ (suite)
{Suite du récit du percement du Canal de Sues)
Mais nul ne pouvait arrêter l’élan donné et leurs voix généreuses eurent
beau s’élever dans des réunions parfois orageuses, dans des conférences
passionnées, le Gouvernement passa outre; la corvée des fellahs fut
ordonnée, les cultivateurs furent enlevés à leurs champs et livrés aux
ingénieurs qui les dispersèrent dans le désert.
Le Veau d’or avait parlé; il ne restait qu’à obéir.
Une chose consola l’humanité en donnant raison à la justice. La
France eut pitié des travailleurs et, ne pouvant se passer de leur
secours, outre la paye régulièrement réglée, elle leur donna tous les
soins que leur position réclamait; tous les encouragements et les
secours qui pouvaient améliorer leur sort. Ils comprirent, les infor-
tunés! qu’ils n’étaient plus un bétail conduit à l’abattoir, mais une
armée avec des chefs et un drapeau, des fournisseurs, des payeurs, des
médecins et un noble but.
L’histoire du Canal est presque en entier celle du règne de Saïd.
Cette œuvre sera la gloire du Pacha comme celle de l’ingénieur.
Le Ier janvier 1806, quelques misérables cabanes avaient été dressées
sur les bords de la mer, non loin des ruines de Péluse et, à cet embryon
de village on avait donné le nom pompeux de Port-Saïd pour immor-
taliser le règne du nouveau Pacha.
C’était la prise de possession du sol, le premier jalon de la gigan-
tesque entreprise, orgueil du pays.
Deux ans avaient passé en préparatifs.
Le 29 avril 1859, M. de Lesseps était revenu avec un état-major actif
ei résolu ; il avait donné le premier coup de pioche en présence de
cent cinquante ouvriers. A la fin de l’année, la ville comptait
deux mille habitants et les travaux, dans toute la longueur de l’isthme,
s’exécutaientavec une magique célérité.
Pendant que, sous l’aile de la France et, avec des capitaux français,
la grande œuvre du siècle s’opérait, Saïd portait de vigoureux coups de
hache dans l’édifice vermoulu de l’Administration égyptienne. Il avait
supprimé les gouverneurs de province et les avait remplacés par des
préfets, avec de moindres attributions ; trois ministères : de l’intérieur,
des Finances, de la Guerre, mieux dans sa main, devaient diriger
l’E tat ; les Bureaux devaient être moins oppresseurs que les moudyrs ;
quant aux chefs de village, ils n’auraient plus le pouvoir de dépouiller
les fellahs, force de la nation.
Depuis qu’un Arabe du désert, Joseph, fils de Jacob, étranger au sol
égyptien, était devenu premier ministre d’un pharaon hycsos, les agri-
culteurs du Nil avaient été cruellement dépouillés de leurs biens et ils
avaient perdu le pouvoir de posséder la terre. Ils n’étaient plus que
fermiers, locataires du Souverain et n’avaient plus aucun lien avec le
sol. Saïd leur rendit le droit sacré de posséder la terre, ses moissons,
ses fruits, ses produits ; de vendre ce qu’ils avaient créé et d’en garder
le prix ou de le léguer à leurs enfants. C’était la fin du servage,
l’abolition de l’esclavage, la réhabilitation de leur dignité.
Les villages, depuis si longtemps obérés, furent gratuitement libérés
des impôts arriérés qui compromettaient leur existence ; le commerce ne
fut plus le privilège du Pacha ; le service militaire devint un devoir pour
tous, et une armée nationale remplaça le corps d’Albanais qu’Abbas
avait organisé pour son usage et qui terrorisait le pays. Le chemin de
fer d’Alexandrie à Suez, par le Caire, s’achevait ; les voyageurs accou-
raient de tous les points du monde pour voir et admirer cette prospérité
dont les Anglais seuls étaient jaloux.
Devant ces changements radicaux, l’esprit public se modifiait; les
esprits tournaient à la tolérance et les patriotes , à moitié désarmés, ne
s’attaquaient plus qu’à des abus secondaires, que le temps devait modi-
fier au jour le jour.
Tout n’était point parfait, cependant, sur cette terre bénie, et Abou
Naddara, comme ses amis, trouvait que si on avait bien agi en faisant
remise à l’agriculture de ses dettes anciennes, les dépenses nouvelles,
les dilapidations générales et les nouveaux impôts faisaient courir au
pays le danger de retomber dans des abîmes plus profonds que ceux
de jadis.
La guerre de l’Italie contre l’Autriche ne changea en rien la marche
des événements.
La Péninsule devint un royaume, et grâce aux armes de la France,
 
Annotationen