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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1905

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Issue 3 (03.1905)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56681#0007
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LITTÉRATURE MUSULMANE
GRAINS D’AMBRE {Suite)

Poésies arabes littéralement traduites en prose par le Cheikh Abou Naddara
et mises en vers par M. Marc Legrand.
XI
Vous qui calomniez les fidèles croyants
En disant que leur vie offense la science,
Ecoutez Mahomet — sa sublime éloquence
Vient de Notre Seigneur — et soyez tolérants :
« Au jour du Jugement, une même balance
Pèsera, pour montrer leur égale valeur,
Et le sang des martyrs et l’encre des penseurs.
Certe, une matinée offerte à la Science
Est plus chère au Très Haut que cent combats hardis,
Et nul homme ne sort pour se rendre plus sage
Sans qu’un ange ne lui porte un heureux message :
La nouvelle qu’il doit aller en Paradis.
Car c’est là qu’ils iront tous ceux qui, rendant l’àme,
Laisseront pour tout bien encriers et calames. » (i)
XII
Dieu donne aux gens de bien la douleur pour maison,
Pour Ciel, la maladie et pour murs les souffrances.
C’est ainsi qu’il les loge et, fermant leur prison,
Il leur dit : Votre clef sera la Patience.

XIII

L’argent, dans tous lieux de la terre,
Nous vêt d’honnenr et de valeur :
C’est l’arme de qui part en guerre,
C’est la langue du beau parleur.

Si le riche ment en cynique,
«Ta bouche a dit vrai », lui dit-on,
Et si le pauvre est véridique,
On l’accuse de trahison.

XIV

A l’homme intelligent un livre de sciences
Est tout : doux compagnon, utile instituteur,
Aimable conseiller, messager de bonheur.
IL prévient des dangers et guérit des souffrances.
XV
L’argent déguise l’homme et cache ses défauts,
Il fait qu’un être bas devient une éminence.
Acquiers donc de l’argent, tant et plus qu’il t’en faut ;
Et puis lance à ton mur les livres de science !
XVI
Que si vos princes sont les meilleurs d’entre vous,
Et si vos riches sont plus généreux que tous,
Si, chez vous, dans l’accord de tous, chacun travaille.
Le dos du sol, pour vous, vaut mieux que ses entrailles.
Mais si vos princes sont les pires d’entre vous
Et si vos riches sont plus avares que tous,
Si les femmes, chez vous, aux affaires travaillent,
Le dos du sol, pour vous, vaut moins que ses entrailles.
XVII
Où donc est l’homme qui bâtit les Pyramides ?
Qu'est devenu le peuple ancien dont il sortit ?
Que fut sa vie? Où fut le lieu qui l’engloutit?
Plus que qui l’a construit, l’édifice est solide.
Il lui survit un temps; mais à son tour il meurt
Et l’altier monument rejoint son fondateur.
XVIII
La meilleure place pour vivre
C’est la selle d’un prompt coursier,
Et, même dans un siècle entier,
Le plus sûr ami. C’est un livre.
XIX
Il m'étonne bien l’insensé qui laisse
A ses héritiers des trésors nombreux !
On met à l’abri toutes ses richesses,
Puis on vient pousser des cris douloureux
Sur sa tombe, avec quelques pleurs visibles
Que le cœur tout bas estime risibles.
XX
Si le savant commet une bévue,
On l’annonce au son du tambour.
Si l’ignorant en fait une à son tour,
Sa nullité l’empêche d’être vue.
(4 suivre.)

LES PERLES DU COFFRET {Suite)

V

Je n’ai pas oublié ce que dit la colombe
Quand elle était captive, en proie à la douleur :
« Naguère ces rameaux me couvraient de leurs fleurs
Et maintenant courbés en cage, ils font ma tombe. »
VI
Mon tendre amour me dit : « Le somme a sa douceur :
Dors, quand je suis partie ! » Et je réponds : « Sans doute »
Pour ne point la troubler, j’ai retenu mes pleurs.
« J’ai pitié de mes yeux, dis-je, que je redoute
D’affliger par des pleurs et des veilles, depuis
Que vers votre beauté brillante ils m’ont conduits. »
VII
J’ai dit au flambeau : « De l’amour
Tous deux nous subissons les charmes,
Mais chacun de nous a ses larmes,
En veillant chacun jusqu’au jour :
Moi de Cornaline fondue,
Toi, d’or qui s’écoule à ma vue.
L’on t’éteint quand le jour parait,
Mais mon feu brûle sans arrêt. »

(i) Calame, plume.

VIII
Votre amour est tel que la rose :
Il en a l’éclat et l'odeur,
Et la rose bien vite meurt.
Moi l’amour que je vous propose
A du myrte odeur et vigueur :
Il brave froidure et chaleur.
IX
Le mal est dans l’amour, dans le miel le poison :
Fou ! j’ai goûté l’amour et perdu la raison.
X
Au nénuphar d’or plongé dans l’étang,
« J’ai dit : « Que fais-tu, dans les eaux flottant ? »
Il m’a dit : « Je suis noyé dans les larmes,
Deux jeunes yeux noirs m’ont pris dans leurs charmes »
Je repris : « Quel est, ô mon doux ami,
Ce ton jaunissant qui te défigure ?
— « Tous les vrais amants ont le teint blêmi :
J’ai le leur, dit-il, et si d’aventure
L’amour fût venu dans ton cœur, crois bien
Qu’il t’eût fait le teint tout pareil au mien. »
XI
Ma bien aimée, un jour me dit : « Mais d’où tiens tu
Cette maigreur extrême et cet air abattu? »
Je lui répondis tendre et soumis — et sincère :
« L’amour qui loge dans mon sein, je le chéris
A tel degré que de ma chair je le nourris
Et de mon sang le désaltère. » (A suivre.)
Conférences et discours du Cheikh Abéu Naddara

Ainsi que nous l’avons démontré à nos lecteurs et amis, avec des
preuves à l’appui, dans notre dernier numéro, notre cher directeurs
fait depuis le 15 mai 1855 jusqu’au 1" janvier 1905, neuf cents quatre-
vingt quinze conférences et discours. Nous allons donc donner la
parole à notre confrère « VAthénée de France » pour rendre compte de
son 996' discours :
« Le Cheik Abou Naddara, ce bon et fidèle ami de Y Athénée, a souhaité
la bonne année à tous les convives et fait l’éloge de notre revue, de ses
collaborateurs et de nos dîners mensuels où poètes, orateurs et musiciens
nous instruisent et nous charment. Et en fervent oriental qu’il est, il a
réservé ses meilleurs compliments pour les dames présentes et...
absentes. Il a terminé par le toast suivant que nous nous faisons un
plaisir de reproduire ici :
Mes bons amis de V Athénée,
Ecoutez Abou Naddara;
Il vous prédit brillante année
Qui, de bonheur, vous comblera.
La paix remplacera les guerres
Qui désolent l’humanité
Et tous les peuples seront frères
Criant : « Vive la liberté! »
Vous aurez tous de belles rentes
Pour satisfaire les désirs
De vos épouses ravissantes
Qui vous donnent tous les plaisirs.
Vous aurez des automobiles
Pour faire des excursions
Dans les campagnes et les villes,
Croyez à mes prédictions.
Ainsi le total des discours
au 22 janvier 1905 est de 996 ; il lui manquent donc quatre pour
atteindre le chiffre rond de 1.000 discours que ses aimables confrères
français et étrangers vont célébrer avec le cinquantenaire de sa carrière
de journaliste et conférencier le 15 mai prochain s’il plait à Dieu.
La Rédaction.

Vos musiciens, vos poètes,
Vos artistes, vos orateurs
Se distingueront dans les fêtes
Et charmeront leurs auditeurs.
Quant à vous, chères demoiselles,
Vous aurez toutes des maris
Qui vous seront toujours fidèles;
Car vous ressemblez aux Houris.
Ce que je prédis, Dieu l’inspire
Et Dieu le réalisera;
Car Dieu fait tout ce que désire
Son fidèle Abou-Naddara.
Maintenant, je lève mon verre
Au nom du peuple oriental
A la France qui m’est si chère
Et dont je suis l’ami loyal. »
d’Abou Naddara depuis le 15 mai 1855

FRANCE DARGET
Mes chers amis lisez, les « Poésies nouvelles » que cette charmante
poète, à peine âgée de 18 ans, vient de publier et vous trouverez que
mes éloges sont bien au-dessous de son talent et de son mérite.
D’ailleurs, elle nous a promis une ode à l’Égypte ; vous la lirez et chan-
terez comme moi les louanges de cette jeune Muse française.

France Darget, Muse sublime !
Tes poèmes m’ont enchanté
Par la richesse de leur rime,
Par leur douceur, par leur beauté.
Quelle inépuisable éloquence !
Quelle finesse ! Quel esprit !
Quelle grâce et quelle élégance
Brillent dans ton divin écrit !

Je conserverai ton saint livre
Comme la Bible et le Coran ;
Car d’enthousiasme il m’éoivre
Et ravive mon cœur mourant.
Chante encor, ma fille chérie.
Tu me consoles par tes vers.
Pour ta prospérité, je prie
Allah, Maître de l’Univers.
Abou Naddara.

La fête que Mlle Suzanne Weill-
amis et à laquelle assistaient les
qu’elle lui a inspiré ces vers :
Muse du Nil ; quoique profane
Auprès du Parnasse français,
Chez Mademoiselle Suzanne,
Ta chanson aura du succès.
Car elle est très intelligente,
L’aimable fille du Docteur;
Elle est aussi très indulgente
Pour toi, Muse, et pour ton rimeur.
Accorde donc vite ta lyre
Et célèbre Suzanne Weil
Et ses invités qu’on admire
Comme astres autour d’un soleil.

Mantou a donnée le 12 février à ses
enfants du Cheikh, a été si brillante
Regarde! Quelles jeunes filles
Et quels jeunes gens ! Tous charmants.
Bien heureuses sont les familles
Qui possèdent de tels enfants.
Quelles figures sympathiques!
Quels doux regards! Quels jolis yeux!
Quelles toilettes magnifiques
Et quels costumes gracieux!
Cette ardente jeunesse, ô France,
Te prépare un bel avenir;
Car ses progrès dans la science
En tout la leront réussir.

Que sur elle le Ciel répande
Sa sainte bénédiction ;
Afin que, prospère, elle rende
Sa glorieuse nation.

Abou Naddara
 
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