LES DESSINS ET LES
DE LA
COLLECTION EMILE
GRAVURES
LAFFON
Çl'IL était encore l'usage, comme vers 1840, d'écrire des Physiologies, celle
^3 du collectionneur pourrait être bien amusante. Il faudrait y définir les divers
types : le nouveau riche qui ne connaît de ses tableaux que le prix qu'il les a
payés ; le spéculateur dont la collection est avant tout un portefeuille de valeurs ;
le spécialiste, qui n'admet qu'un artiste ou qu'une école. Enfin, il faudrait louer
comme il le mérite le véritable amateur, au sens étymologique du terme, l'homme
qui ne songe à réunir que des œuvres qu'il aime.
Emile Laffon était de cette sorte. Il n'acquérait que ce qui le séduisait, sans
s'inquiéter des modes ni des cotes. Soucieux avant tout de qualité, lorsqu'il possé-
dait une estampe d'un artiste, et qu'il en rencontrait une épreuve plus belle, il
se hâtait d'échanger la première contre la seconde. Aussi était-il arrivé, grâce à
son désir obstiné de la perfection, à grouper un magnifique choix d'œuvres.
Choix librement fait, qui n'avait été inspiré que par un goût personnel qu'affinait
la réflexion et l'élude.
Dans cette collection, les dessins et les gravures formaient une part impor-
tante. Emile Laffon n'avait pas craint de faire voisiner Forain et Henri Monnier
avec cet exquis dessin de Boucher, d'une grâce si raffinée, et avec ces miniatures
d'Isabey, où revivent les beautés de l'Empire. Il ne possédait qu'un seul Degas,
mais un nu d'une puissance et d'une concision prodigieuses. Le Repos des
Cyclistes de Segonzac, dont la sûreté est si aisée, ne souffre pas d'un tel voisinage.
Auprès de ces œuvres fortes, les Gavarni et les aquarelles de Lami, chatoyantes
comme des bouquets, paraissent plus charmantes encore. Une exquise aquarelle
de Boudin s'associe fort bien avec ces trois merveilles de Jongkind, où l'artiste
a rendu, par quelques taches d'eau colorée, l'atmosphère marine et le ciel que
balaie la brise salée. On ne sait pas assez ^«'Henri Monnier fut un incisif peintre
de mœurs; ses réunions de bourgeois Louis-Philippe, avec les noirs et les blancs
des barbets, sont d'une couleur extrêmement savoureuse. De Forain, Emile Laffon
possédait une série très riche et très variée, depuis les ironiques croquis de la
Comédie Parisienne jusqu'à ces dessins de guerre, d'un graphisme si dépouillé.
Enfin un dessin de Seurat, Au Caf Conc', s'impose parmi toutes ces beautés
avec une autorité suprême. Devant cette page aux noirs veloutés et savants, on
sait qu'on est en présence d'un maître. C'en est un autre, bien différent, ce
Rowlandson, dont un étonnant ensemble de vingt-deux aquarelles nous révèle le
DE LA
COLLECTION EMILE
GRAVURES
LAFFON
Çl'IL était encore l'usage, comme vers 1840, d'écrire des Physiologies, celle
^3 du collectionneur pourrait être bien amusante. Il faudrait y définir les divers
types : le nouveau riche qui ne connaît de ses tableaux que le prix qu'il les a
payés ; le spéculateur dont la collection est avant tout un portefeuille de valeurs ;
le spécialiste, qui n'admet qu'un artiste ou qu'une école. Enfin, il faudrait louer
comme il le mérite le véritable amateur, au sens étymologique du terme, l'homme
qui ne songe à réunir que des œuvres qu'il aime.
Emile Laffon était de cette sorte. Il n'acquérait que ce qui le séduisait, sans
s'inquiéter des modes ni des cotes. Soucieux avant tout de qualité, lorsqu'il possé-
dait une estampe d'un artiste, et qu'il en rencontrait une épreuve plus belle, il
se hâtait d'échanger la première contre la seconde. Aussi était-il arrivé, grâce à
son désir obstiné de la perfection, à grouper un magnifique choix d'œuvres.
Choix librement fait, qui n'avait été inspiré que par un goût personnel qu'affinait
la réflexion et l'élude.
Dans cette collection, les dessins et les gravures formaient une part impor-
tante. Emile Laffon n'avait pas craint de faire voisiner Forain et Henri Monnier
avec cet exquis dessin de Boucher, d'une grâce si raffinée, et avec ces miniatures
d'Isabey, où revivent les beautés de l'Empire. Il ne possédait qu'un seul Degas,
mais un nu d'une puissance et d'une concision prodigieuses. Le Repos des
Cyclistes de Segonzac, dont la sûreté est si aisée, ne souffre pas d'un tel voisinage.
Auprès de ces œuvres fortes, les Gavarni et les aquarelles de Lami, chatoyantes
comme des bouquets, paraissent plus charmantes encore. Une exquise aquarelle
de Boudin s'associe fort bien avec ces trois merveilles de Jongkind, où l'artiste
a rendu, par quelques taches d'eau colorée, l'atmosphère marine et le ciel que
balaie la brise salée. On ne sait pas assez ^«'Henri Monnier fut un incisif peintre
de mœurs; ses réunions de bourgeois Louis-Philippe, avec les noirs et les blancs
des barbets, sont d'une couleur extrêmement savoureuse. De Forain, Emile Laffon
possédait une série très riche et très variée, depuis les ironiques croquis de la
Comédie Parisienne jusqu'à ces dessins de guerre, d'un graphisme si dépouillé.
Enfin un dessin de Seurat, Au Caf Conc', s'impose parmi toutes ces beautés
avec une autorité suprême. Devant cette page aux noirs veloutés et savants, on
sait qu'on est en présence d'un maître. C'en est un autre, bien différent, ce
Rowlandson, dont un étonnant ensemble de vingt-deux aquarelles nous révèle le