Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Hrsg.]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0175
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
— 91 —

qu'il ne sait pas nager, il entre résolument clans la mer Morte. Lorsqu'il a de l'eau jusqu à la poitrine, il
veut s'étendre, sans songer que sa tête pèse plus que ses pieds; mais il fait la culbute, ses pieds sortent
de l'eau, avec ses mains il touche au fond, et, malgré ses efforts, il lui est. impossible de se redresser. Je
vole à son secours, mais je ne puis le mettre sur pieds sans qu'il ait déjà avalé de cette eau, qui lui fait
l'effet du plus violent émétique. Son indisposition dure toute la journée, et il aie temps d'anathéma-
tiser la mer Morte et les livres qui lui ont inspiré la confiance de s'y baigner.

Pour revenir à la propriété qu'aurait cette mer de soutenir à la surface les corps solides, elle est aussi
incontestable que facilement explicable par la quantité de sel dont son eau est saturée. Quand on en
sort, on a sur tout le corps une couche blanchâtre de sel dont il n'est pas facile de se débarrasser;
mais, en elles-mêmes, les eaux de cette mer sont aussi limpides que celles de la Méditerranée et n'ont
pas une autre odeur.

Aujourd'hui nous allons à la fontaine d'Elisée, à trois quarts de lieue au nord-ouest de Jéricho, et au
pied du mont de la Quarantaine, où Jésus-Christ fut tenté par le diable. Cette fontaine forme un pe-
tit bassin de 10 à 13 pieds de long sur 8 ou 9 de large; sa profondeur varie suivant les saisons. Elle est
environnée de beaux arbres, et c'est bien l'endroit le plus délicieux où l'on puisse reposer ses membres
et sa vue. Je ne saurais me figurer quelle impression produirait ce lieu en Lombardicou dans les plus
riantes de nos provinces; mais ici, dans son cadre de lugubre tristesse et d'horrible aridité, c'est un
vrai paradis. Je commence quelques vues, je les abandonne; on ne peut dessiner ces aspects enchan-
teurs au crayon noir, il faudrait avoir la plus riche palette et les peindre.

La fontaine d'Elisée fournit un ruisseau rapide, de quatre pieds environ de largeur, qui porte la fer-
tilité dans toute la campagne. On l'a divisé en plusieurs branches, de manière à arroser une assez grande
étendue de terrains qui donnent aux Arabes de très-riches moissons. De même que les figuiers sont
déjà couverts de fruits et les grenadiers de fleurs, de même les céréales sont à point, et on en fait sous
nos yeux la récolte. Les paysans, en coupant le blé, mettent de côté les plus beaux épis, qu'ils font
rôtir. Nous en mangeons avec eux; c'est plus lin que le mais, avec le même goût de marrons rôtis.

L'aga de Jéricho nous avait donné quelques cavaliers pour nous accompagner; mais, l'un d'eux n'é-
tant pas prêt au moment du départ, il lui dit de rester et de ne pas fatiguer son cheval inutilement, puis-
qu'il ne pourrait nous rejoindre à temps. Le soldat s'obstine à partir, l'aga s'emporte contre lui; le
soldat fait un geste menaçant, il est à l'instant battu, traîné par les cheveux et bâtonné. Cette scène
s'est passée pendant notre absence. Le soir, sur la terrasse, au moment où l'aga tient son divan et reçoit
les gens du village (nous sommes assis à ses côtés), le soldat récalcitrant, conduit par un vieillard, son
parent, se présente devant son chef. Le vieillard s'avance seul. «Donnez-moi votre main,» dit-il à l'aga. Ce-
lui-ci refuse, ce Donnez,» continua-t-il en lui prenant la main presque de force, «nous sommes tout à vous;
en battant mon parent, vous avez eu raison, mais pourquoi lui conserver rancune?» L'aga, vaincu par
cette soumission, donne la main à sa victime et pardonne. Une tasse de café est le gage de paix; tous
deux alors s'excusent réciproquement, l'un de sa désobéissance, l'autre de sa vivacité, et ils en rejettent
la faute sur le Ramadan, temps de jeûne pendant le jour, temps d'excès de tous genres pendant la nuit.
Aussi l'accusons-nous à notre tour de nous priver de sommeil. Ce ne sont que cris sauvages, que coups
de fusils, que pétards, que musique barbare; on dirait un charivari interminable, organisé au pied de
notre donjon. La tranquillité ne règne pas même au sommet : l'aga et ses gens, sans se soucierde notre
repos, fument, mangent, boivent et chantent toute la nuit.

Nous attendons impatiemment les Arabes du désert. Us arrivent le mardi soir. Le cheik vient lui-
même avec quatre de ses parents; c'est une garantie de protection efficace. On débat les conditions du
voyage. Il est convenu que nous payerons 4oo piastres; mais, comme le Ramadan finit vendredi pro-
chain, ils veulent être dans leur camp, c'est-à-dire dans leurs familles, pour la fête du Bayram qui ter-
mine ce carême rigoureux. On arrête donc que nous resterons encore à Jéricho mercredi, et que nous
partirons jeudi à deux heures du matin pour aller coucher à leur camp.

Nous partons, comme il a été décidé, avant le jour, et bien armés, bien montés. Quelques cavaliers de
l'aga nous escortent jusqu'au Jourdain, où nous arrivons en deux heures et demie, après avoir traversé
une plaine blanchie par les dépôts salins des brouillards de la mer Morte et maigrement plantée de dis-
tance en distance par des broussailles et des buissons. Ici, comme partout en Orient, Feau est l'enchan-
teur qui transforme la nature ou qui plutôt lui donne le pouvoir de s'embellir. Rien de plus verdovant,
de mieux boisé, de moins oriental, de plus français, que ces bords du fleuve saint. Le Jourdain se di-
vise en deux branches, et forme une île charmante, tout ombragée, toute fleurie, au milieu de l'encais-

DE JED1CH0

AL CAMP
DES ADOUAN.

JKL'DI :>(>.

it heures.

40
 
Annotationen