Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]; Laborde, Alexandre Louis Joseph de [Hrsg.]
Voyage de la Syrie — Paris, 1837

DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.6093#0178
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
— 93 —

ment parmi ses enfants le meilleur cavalier, le plus courageux et le plus capable de défendre les intérêts
de la tribu. A la mort d'un chef de famille, ses biens sont répartis par portions égales entre ses enfants;
l'aîné a de plus que les autres la lente et son mobilier. On ne célèbre la naissance par aucune fêle. Lors-
que, dans un même campement, il y a beaucoup d'enfants de l'âge de 8 à 12 ans, on fait venir un maître
d'école du pays habité pour leur apprendre à lire quelques passages du Coran et à faire la prière. Dès qu'ils
sont assez robustes, on les met à cheval. C'est une grande joie pour le père, et elle est partagée par toute la
tribu, qui voit avec plaisir en perspective un nouveau défenseur. Les jeunes gens ont-ils atteint leur sei-
zième année, ils se marient. Les préliminaires de cet acte n'ont rien de romanesque, mais ils ont con-
servé la teinte biblique. Les jeunes gens s'adressent au père de celle qu'ils ont choisie et débattent avec
lui le prix de sa fille. L'acte de vente, ou de mariage, est dressé devant le cheik, et si, par la suite, l'un
des deux époux veut divorcer, il donne à l'autre un jeune poulain. La mort exerce ici ses droits,
comme ailleurs, et elle a son étiquette. On enterre celui qui meurt dans le lieu où reposent
ses aïeux, et on lui dresse un tombeau proportionné à sa fortune. Si c'est un homme, la population
des deux sexes accompagne son corps, les uns à cheval, les autres à pied; si c'est une femme, les
femmes seules composent son convoi. La fortune ne met pas de grandes différences entre les familles.
On peut diviser les Bédouins en trois classes : le cheik et sa famille, qui sont au-dessus de tous, ceux qui
ont une jumenl ou un cheval, et ceux qui n'en ont pas. L'unique ambition de l'Arabe, c'est d'avoir
une jument, car alors il est considéré, parce qu'il devient un des défenseurs de la tribu et qu'il suit son
cheik à l'attaque comme à la défense. L'Arabe à pied, armé d'un mauvais fusil et le plus souvent d'un
simple bâton, n'est de quelque utilité que dans une attaque régulière d'une tribu ennemie, cas rare; mais
il ne peut faire la course, qui est de tous les jours, et, dans les alertes si fréquentes des divers camps, il
reste sous la tente, tandis que le cavalier, sautant sur son coursier, toujours prêt, rapporte sa part du
butin de la course, ou vole à la défense du camp attaqué. En résumé, l'Arabe sans cheval, étant, pour
ainsi dire, sous la protection de ses voisins qui veillent et. combattent pour sa sûreté, est rangé dans
une classe inférieure et se sent moins considéré.

Si les disputes sont fréquentes parmi ces peuples de la nature, et quoiqu'elles aient l'air de de-
venir dangereuses, rarement cependant on a besoin de l'intervention de la justice pour les terminer.
Tous les Arabes d'un même camp sont parents; la tribu tout entière n'est qu'une grande famille, sortie
souvent d'une même souche; aussi, dès qu'une discussion s'élève, le voisin est pris pour arbitre, et
souvent il concilie l'affaire: s'il ne peut y réussir, elle est portée devant le chef du camp, et, en der-
nier ressort, au tribunal suprême du cheik de la tribu. Les cas graves sont excessivement rares : il ne
s'agit, le plus souvent, que de quelques dettes d'argent, de quelques moutons égarés, et autres menues
contestations; s'il y a vol, le coupable rend quatre fois la valeur de ce qu'il a pris; s'il y a meurtre in-
volontaire, mille piastres sont dues aux parents de la victime; mais, si le crime est volontaire, le dé-
dommagement, le rachat du sang, est de quatre mille piastres. Celui qui refuse de les payer, ou qui se
trouve dans l'impossibilité de le faire, est tué à coups de lance. Enfin, et pour citer un trait caracté-
ristique, lorsque, dans la guerre, on fait des prisonniers, ils sont attachés à un arbre, jusqu'à ce qu'ils
aient fait apporter tout ce qui leur appartient, sans aucune exception, esclaves, tentes, chameaux, trou-
peaux et le reste.

Le soleil vient éclairer le jour du Bayram. C'est la grande fêle des musulmans. On se félicite réci-
proquement, comme en Europe, au premier jour de l'an. Tous les chefs des camps voisins viennent
saluer Cheik-Fadel. Le tableau est digne du cadre. Au milieu de cette grande solitude, ces beaux Arabes
arrivent de toutes parts, sur de magnifiques juments suivies de leurs poulains; ils ont des attitudes solen-
nelles, et des figures qui paraissent insensibles; mais ils s'embrassent amicalement plusieurs fois de
suite, ils se félicitent d'avoir achevé heureusement le temps des privations, et se souhaitent réciproque-
ment de retirer de leur jeûne rigoureux tout le fruit que chacun en désire. Ils n'oublient pas les
nouveaux hôtes de leurs amis, et tous viennent nous saluer avec un air de simplicité et de bonté
rendu plus sensible sous ce masque austère.

Notre cheik et ses frères vont, à leur tour, visiter leurs voisins, et présenter leurs vœux au
cheik Diab, dont les tentes ne sont qu'à une demi-lieue. Ils reviennent bientôt, parce que nous devons
partir le soir même pour Djerash; mais à peine ont-ils mis pied à terre, qu'Abdullasis, frère du cheik,
rentre au camp, au galop de son cheval, annonce qu'on a vu des Arabes ennemis derrière la montagne,
prend sa lance, et repart comme l'éclair. Tous sautent à cheval et le suivent. Nous ne voulons pas être,
comme dans le voyage de Palmyre, spectateurs inutiles des combats livrés devant nous, peut-être même

17
 
Annotationen