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Laborde, Alexandre Louis Joseph de; Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]
Voyage de l'Asie mineure — Paris, 1838

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https://doi.org/10.11588/diglit.4046#0008
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2 INTRODUCTION.

S'il est vrai qu'il y ait des destinées pour chaque grande portion du globe et une distribution
d'événements relative à ces destinées, on s'explique comment cette projection étendue du
plus ancien et du plus célèbre continent du monde ne forma jamais un grand empire. Quoique
habitée par des peuples pleins de génie et de goût, son sort, dans la grande et mystérieuse action
de la Providence, fut d'être toujours une terre d'invasion et de passage, où les intérêts se ren-
contraient pour se débattre, grand pont jeté de l'Asie à l'Europe pour donner entrée aux religions
de l'Orient, à ses mystères, à ses invasions; immense hôtellerie où passèrent tant de peuples
voyageurs, où nul n'établit sa demeure.

Associée aux premiers élans de la civilisation grecque, cette contrée fut aussi le théâtre du premier
drame épique qui suivit la Genèse, de cette coalition de petits princes contre une cité, petite il est
vrai, mais revêtue du grand nom de Troie, lutte insignifiante, à ne la prendre que comme un
fait; combat de géants, à la considérer dans ses résultats poétiques et intellectuels; car c'est à sa
suite que la raison, dans ce qu'elle a de plus élevé, les sciences et les arts, dans ce qu'ils ont de
plus brillant, prirent leur essor dans ces riantes provinces; et, comme ces oiseaux qui s'échappent
de leur nid et vont épanouir leur plumage au soleil, ils passèrent en Grèce pour créer des mer-
veilles.

Bientôt c'est l'histoire entière qui traversa cette belle contrée; après Cyrus, qui mit fin au règne
de Crésus, la plus ancienne célébrité de la richesse, c'est Xercès avec son million d'hommes
et sa défaite honteuse; Xénophon avec ses dix mille et sa retraite célèbre; c'est Alexandre hono-
rant Achille sur son tombeau, couronnant Homère dans les plaines de Troie, mais allant bientôt
expirer sur le théâtre de sa gloire et au milieu des villes qu'il avait fondées ; c'est enfin Mithri-
date, ce dernier grand roi de l'Asie, dont les regards mourants virent fuir les Romains.

L'ère chrétienne nous amène une série de faits, grands sans doute, mais qu'obscurcit la déca-
dence des institutions et du génie; aujourd'hui des contrastes frappants préoccupent l'esprit
disposé à se recueillir devant ces pieux souvenirs. Sur les bords du Méandre, veut-on entendre la
grande voix de l'Apocalypse: Salut à vous les sept églises d'Asie? ce ne sont que cris d'opprimés
qui remplissent les échos, et les sept églises n'ont même pas de ruines, elles ont à peine un nom.
Saint Paul disait aux Juifs : Je suis de Tarse, ville célèbre de la Cilicie; mais qui cherchera aujour-
d'hui dans cette pauvre bourgade la haute intelligence de l'apôtre? Les murs de Nicée sont tout
ce qui reste de la première ville de la Bithynie, de la ville fameuse des conciles et des croisades ;
et les fragments de sculpture de tous les temps encastrés dans ses assises, sont les seules archives
de sa longue histoire. Suivrons-nous enfin les traces des pieux et modestes pèlerinages de nos pères,
ou ces ossements qui blanchissaient les routes derrière les croisades? Peine inutile, une caravane
parcourt bien la même route, c'est bien la même ferveur, c'est encore le même fanatisme; mais
ces pèlerins de tout sexe et de tout âge passent loin de Jérusalem ; c'est devant un autre sépulcre
qu'ils vont se prosterner ; c'est Mahomet qui est leur prophète, c'est la Mecque et Médine qui
répareront leurs fatigues.

Dans ce naufrage de tous les souvenirs, une consolation reste au voyageur, c'est de voir le
génie traverser les siècles. De tant de discussions et de subtilités, qu'est-il resté? Homère. De ces
grandeurs éphémères? Rien; que les ruines encore magnifiques des monuments élevés par la force
éclairée, par la puissance assistée des sciences et des arts.

C'est donc principalement aux restes de cette époque que mes recherches seront consacrées. Je
dirai, en peu de mots, ce qu'est l'Asie Mineure aujourd'hui, pour pouvoir rechercher plus tran-
quillement, au milieu de ses colonnades, de ses temples et de ses théâtres, ce qu'elle a été autrefois.

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