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Laborde, Alexandre Louis Joseph de; Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Editor]
Voyage de l'Asie mineure — Paris, 1838

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https://doi.org/10.11588/diglit.4046#0009
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INTRODUCTION. 3

Cet ouvrage devait paraître il y a trente-trois ans. Chaque année de retard imposé par les cir-
constances me commandait de nouveaux efforts, afin de compenser par l'abondance des recher-
ches et la richesse de l'érudition ce que le temps enlevait à l'originalité des impressions et à la
nouveauté des découvertes; mais le livre ne gagnait pas d'un côté tout le terrain qu'il perdait de
l'autre; si bien qu'aujourd'hui, je me vois dans la plus pénible des impasses : ou je publierai mou
travail sur l'Asie Mineure dans l'état incomplet où il est encore, ou bien, revenant à mon jour-
nal écrit sur les lieux, je donnerai au public, en 1861, ce que je n'ai pas cru assez digne de lui

en 1828.

J'ai choisi cependant ce dernier parti, le moins satisfaisant pour mon amour-propre d'auteur,
parce que j'ai pensé qu'il y avait toujours quelque utilité pour la science à posséder des infor-
mations exactes, me réservant d'ailleurs la liberté de développer plus tard ce qui n'est ici qu'à l'é-
tat d'aperçus.

Voici donc le récit de mon voyage, explication naturelle de mes dessins, tel qu'il a été écrit
sur les lieux, au bivouac de chaque soirée, dans la fraîcheur des impressions, il est vrai, mais
souvent sous le poids de la fatigue et aux heures arrachées au sommeil. M. Hall, médecin dis-
tingué de l'université d'Oxford, notre fidèle compagnon, m'a communiqué ses notes sur l'Asie
Mineure; M. Becker m'avait laissé les siennes avant le coup fatal qui m'a enlevé, il v a vingt-
cinq ans, le meilleur de mes amis. J'avais compté sur l'assistance de mon père; mais, confiant lui-
même dans sa prodigieuse mémoire locale, à laquelle il n'y avait de comparables que les aimables
distractions de sa vie privée, il n'a rien mis par écrit, et aujourd'hui où j'aurais besoin de ses sou-
venirs de voyage, la mort ne m'a laissé de lui que l'exemple d'une vie dévouée tout entière aux
lettres, aux arts et au service de son pays.

Que le lecteur veuille donc bien se figurer qu'un manuscrit vieux de plus de trente ans a été
retrouvé, qu'il raconte un voyage entrepris en Orient dans des circonstances et à une époque qui
le rendaient aventureux, et qui peut-être lui conserveront quelque intérêt. En effet, autant les voya-
geurs, mes prédécesseurs dans l'exploration de cette contrée, étaient faciles à compter, autant ceux
qui m'ont suivi sont devenus nombreux. Je dis que les premiers se comptaient facilement, parce
que je distingue entre une route suivie par un voyageur attaché à une caravane comme les bal-
lots qu'elle porte à leur destination, et l'itinéraire raisonné d'un observateur, qui s'est enquis,
avant son dépari, de l'état de la science, et qui s'efforce, au milieu des difficultés locales, de lui faire
faire quelques progrès.

Au dix-septième siècle, Tavernier traversait l'Asie Mineure avec des caravanes du commerce,
il nous a donné deux de leurs itinéraires. Au commencement du dix-huitième siècle, Tourne-
fort suivit la vallée du Sangarius en allant dans l'Arménie, d'où il revint à travers l'Asie Mi-
neure; la botanique n'absorbait pas toute son attention, mais, comme les grandes routes étaient
encore inexplorées, il s'en tint aux grandes routes. Paul Lucas, cinq années après lui (1706-6), voya-
geait bien et il vit beaucoup, mais il écrivait sans conscience, c'est-à-dire qu'il avait un courage rare
pour aller voir les lieux inexplorés, et une impudence plus rare encore pour mentirau retour. Otter,
en 1734, a suivi une partie de l'itinéraire que nous projetions, mais il nous laissait la confiance
de voir plus que lui et d'en rendre meilleur compte. Pococke (1740) lui-même, plus exact et
mieux préparé, avait publié des inscriptions dont on demandait une copie fidèle (1), des dessins
 
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