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Laborde, Alexandre Louis Joseph de; Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]
Voyage de l'Asie mineure — Paris, 1838

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https://doi.org/10.11588/diglit.4046#0020
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— 6 —

SMYRNE (PI. IV, 9).

Vue prise sur le chemin du cimetière.

(Dessinée par Lehoux.)

Les cimetières au milieu desquels on passe en allant à Bournaba sont réservés aux Turcs, et ils se
présentent sous l'aspect le plus pittoresque. Gela tient à plusieurs causes : à leur position toujours bien
choisie, à la verdure vigoureuse et au port majestueux des plantations de cyprès, verdure réjouissante,
malgré sa teinte sombre, au milieu de l'éclat des constructions enduites de chaux. Les cimetières puisent
aussi quelque chose de leur charme dans le bariolage des couleurs appliquées aux tombeaux et dans
les scènes animées de toute une population qui vient, au milieu de la journée, transformer le champ
des morts en un lieu de plaisir.

Le village de Bournaba est situé dans une gorge charmante; des eaux excellentes vont rafraîchir
chaque habitation et courent dans les rues. Toute la société européenne de Smyrne s'y réfugie en été.

L'amiral Neale a décidé son départ de Sinyrne; nous quittons son bord. Inutile de dire avec quels
sentiments de reconnaissance nous faisons nos adieux à ces hôtes si prévenants, à tout cet équipage si
attentif, et même à ce grand vaisseau, machine de guerre formidable, devenue pour nous une demeure
agréable et hospitalière.

M. David, le consul de France, vint à notre rencontre; il nous dit, comme M. d'Hervart au bon la
Fontaine: « Venez chez moi.» Nous n'avions pas encore le droit de lui répondre comme le fabuliste, car,
en fait, nous allions à l'auberge; mais ses instances furent si vives que nous acceptâmes son invitation.

SMYRNE (PI. IV, 10).

Vue d'une des portes de la ville.

(Dessinée par M. Lehoux).

Smyrne est bâtie en bois; ses maisons sont peintes en rouge ou en gris; la population de la ville est
à peu près de 80,000 âmes. Au dernier siècle, le nombre des habitants était plus considérable, parce
que la ville faisait alors tout le commerce de l'Orient. Aujourd'hui elle ne reçoit plus que les marchan-
dises d'une partie de l'Asie Mineure; celles de la Syrie, de la Perse, et de l'Est en général, ont
pris la route de Trébisonde et de la mer Noire. Aussi remarque-t-on beaucoup moins de luxe dans la
population franque. Cette décadence pèse plus particulièrement sur les Français. Nos compatriotes ont
diminué en nombre, en fortune, partant en importance. Autrefois on pouvait dire que Smyrne était
une ville française; les plus riches maisons appartenaient aux commerçants de notre nation, et les
produits de notre industrie avaient partout la préférence. Aujourd'hui tout est changé : la guerre et
le blocus continental ont interrompu nos relations avec ces pays éloignés; nos négociants, privés de la
protection du gouvernement, ont été obligés de se retirer. Les Anglais sont survenus, et ont pris partout
notre place. Au moyen de leurs maisons de commerce établies a Smyrne, ils ont pu étudier les besoins
du pays et faire plier avec adresse leur fabrication à ces besoins; bientôt leurs produits ont été pré-
férés aux nôtres. En 1814, les négociants français reparurent a Smyrne, mais tout était changé pour
eux: non-seulement il fallait rétablir nos comptoirs, mais on avait à lutter contre les nouveaux exploi-
tants, qui, pendant vingt ans, avaient eu le temps d'affermir leurs établissements dans le pays. Pour
reconquérir la prépondérance, nos négociants devaient faire preuve de soins intelligents et de beaucoup
d'industrie; ils firent, tout le contraire. Us ne pouvaient regagner la confiance et rétablir leur crédit
qu'en offrant un choix de marchandises excellentes : loin de là, ils crurent que tout était bon poul-
ies Turcs, et le rebut de nos marchandises fut expédié à Smyrne. Depuis lors tous les produits de nos
manufactures sont tombés dans un tel discrédit, qu'il suffit qu'une chose soit française pour qu'on
la repousse.

Avant la révolution, nous avions vingt-deux maisons de commerce extrêmement riches à Smyrne;
aujourd'hui nous en comptons douze qui peuvent à peine se soutenir. Toujours en guerre les unes
avec les autres, elles s'arrachent les petits profits d'un commerce qui, par leur peu d'union et d'en-
tente, diminue plutôt qu'il n'augmente. Aujourd'hui nous envoyons fort peu de nos produits à
 
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