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DE HJERAP0L1S
DENISLOU.
25 OCTOBRE.
r> heures de marche.
DENISLOU (PI. XXXIX, 82).
Vue des ruines de Laodicée, dans le fond la plaine du Méandre et la ville d'Hiérapolis.
(Dessinée par Léon de Laborde.)
Après trois heures de marche, nous avions traversé la vallée du Lycus, animée par les troupeaux des
Yurouks, et le Lycus lui-même, resserré du nord au sud entre des rives escarpées, bruyant et rapide plu-
tôt qu'abondant; remontant ensuite un de ses affluents de Bosbouroun, encaissé dans une étroite vallée,
nous passâmes près d'un viaduc de construction ancienne qui, dans l'antiquité, réunissait les deux
parties de la ville de Laodicée. Nous descendîmes dans le plus beau khan de Denislou. Cette ville toute
moderne s'est substituée, dans une plaine délicieuse, au pied du Cadinus, à l'ancienne et brillante ville
de Laodicée, aujourd'hui abandonnée sous le nom de Eskihissar.
Nos affaires réglées et justice obtenue de l'offense des habitants deYenikeui, nous allâmes étudier l'an-
cienne Laodicée, après nous être assurés que Denislou ne conservait dans ses rues et dans ses cimetières
aucun fragment d'antiquité (une inscription grecque exceptée). Les habitants de Laodicée, ville que la
domination romaine rendit florissante, avaient choisi, sans doute pour se défendre plus facilement, une
position bien moins riante que celle qu'occupe la moderne Denislou. Là, ni végétation ni eaux cou-
rantes, mais une colline, ou plutôt un groupe de trois collines isolées et admirablement disposées pour
la défense et pour l'établissement des stades et théâtres, cette condition première de l'existence des villes
de l'Asie Mineure. Je me borne à expliquer les vues publiées dans cet ouvrage; je ne citerai donc que
les monuments que nous apercevons d'ici, tels que l'aqueduc, vaste construction dont les assises sont
cachées par les dépôts calcaires des eaux qu'il transportail, le stade immense, assis dans une petite vallée
qu'il occupe entièrement, avec ses gradins et ses dispositions spéciales bien conservées; non loin de là,
les vastes constructions que la tradition désigne comme étant, ou tout au moins comme comprenant
au milieu d'elles l'église de Laodicée, l'une des sept églises; enfin l'acropole, dont on distingue quel-
ques constructions. Si l'on détache les yeux des ruines de Laodicée, ils se promènent sur les montagnes
qui bordent la vue au nord, et où brille un feston blanc surmonté de quelques dentelures : c'est
Hiérapolis, ses cascades et ses ruines (1).
DENISLOU (PI. XXXIX, 83).
/vue de la plaine du Méandre prise du haut du théâtre de Laodicée.
(Dessinée par Léon de Laborde.)
Nous n'avions sous les yeux, dans la vue précédente, qu'un petit nombre de monuments; il fallait se
placer autrement pour distinguer les temples, les portiques, les basiliques, les ponts, les murailles de la
ville et ses portes, enfin les trois théâtres construits à mi-côte et dont l'un , celui qui est représenté
dans celte vue, peut défier ses pareils en étendue et surtout en profondeur. Quelle voix assez puissante
pouvait se faire entendre depuis la scène jusqu'au cinquante-deuxième gradin, quels poumons avaient
assez de force pour transmettre la parole de cette profondeur à cette élévation? J'admets les masques qui
font l'effet de porte-voix, les dispositions imaginées parles architectes pour rendre sonore la scène en
répercutant la voix, j'admets enfin le velamen, bien nécessaire pour arrêter à la fois les rayons du soleil
qui tombent sur les spectateurs et les sons de la voix qui tendent à se perdre dans l'air; malgré tout, je
me demandeencore comment l'acteur pouvait entrer en communication avec le spectateur. Quoi qu'il en
soit, ce théâtre, au moins ses gradins, sont dans un état de conservation remarquable. On sait qu'ils
étaient assis dans le sol ou sur des portions dérocher taillées à vif, mais sans une bien solide fondation
de maçonnerie; quant à la scène,elle n'a conservé que ses substructions, ses assises ayant été enlevées
pour servir ailleurs de matériaux de construction. La vue dont on jouit du haut des gradins est à la fois
délicieuse et instructive. Cette plaine, qu'arrose le Lycus, s'offre avec tout le charme que donne une fer-
tilité naturelle, et aussi avec l'intérêt qui s'attache à des sites célèbres, remplis de souvenirs historiques.
Je n'ai pas publié la vue que j ai prise de l'autre théâtre, parce qu'elle ne diffère de celle-ci que par un
(1) J'avais dessiné de près et en détail le stade de Laodicée, mais j'ai trouvé dans le vol. II des Diletlanti, année 1797, une vue et des détails qui me
permettent de laisser mon dessin de côté.
DE HJERAP0L1S
DENISLOU.
25 OCTOBRE.
r> heures de marche.
DENISLOU (PI. XXXIX, 82).
Vue des ruines de Laodicée, dans le fond la plaine du Méandre et la ville d'Hiérapolis.
(Dessinée par Léon de Laborde.)
Après trois heures de marche, nous avions traversé la vallée du Lycus, animée par les troupeaux des
Yurouks, et le Lycus lui-même, resserré du nord au sud entre des rives escarpées, bruyant et rapide plu-
tôt qu'abondant; remontant ensuite un de ses affluents de Bosbouroun, encaissé dans une étroite vallée,
nous passâmes près d'un viaduc de construction ancienne qui, dans l'antiquité, réunissait les deux
parties de la ville de Laodicée. Nous descendîmes dans le plus beau khan de Denislou. Cette ville toute
moderne s'est substituée, dans une plaine délicieuse, au pied du Cadinus, à l'ancienne et brillante ville
de Laodicée, aujourd'hui abandonnée sous le nom de Eskihissar.
Nos affaires réglées et justice obtenue de l'offense des habitants deYenikeui, nous allâmes étudier l'an-
cienne Laodicée, après nous être assurés que Denislou ne conservait dans ses rues et dans ses cimetières
aucun fragment d'antiquité (une inscription grecque exceptée). Les habitants de Laodicée, ville que la
domination romaine rendit florissante, avaient choisi, sans doute pour se défendre plus facilement, une
position bien moins riante que celle qu'occupe la moderne Denislou. Là, ni végétation ni eaux cou-
rantes, mais une colline, ou plutôt un groupe de trois collines isolées et admirablement disposées pour
la défense et pour l'établissement des stades et théâtres, cette condition première de l'existence des villes
de l'Asie Mineure. Je me borne à expliquer les vues publiées dans cet ouvrage; je ne citerai donc que
les monuments que nous apercevons d'ici, tels que l'aqueduc, vaste construction dont les assises sont
cachées par les dépôts calcaires des eaux qu'il transportail, le stade immense, assis dans une petite vallée
qu'il occupe entièrement, avec ses gradins et ses dispositions spéciales bien conservées; non loin de là,
les vastes constructions que la tradition désigne comme étant, ou tout au moins comme comprenant
au milieu d'elles l'église de Laodicée, l'une des sept églises; enfin l'acropole, dont on distingue quel-
ques constructions. Si l'on détache les yeux des ruines de Laodicée, ils se promènent sur les montagnes
qui bordent la vue au nord, et où brille un feston blanc surmonté de quelques dentelures : c'est
Hiérapolis, ses cascades et ses ruines (1).
DENISLOU (PI. XXXIX, 83).
/vue de la plaine du Méandre prise du haut du théâtre de Laodicée.
(Dessinée par Léon de Laborde.)
Nous n'avions sous les yeux, dans la vue précédente, qu'un petit nombre de monuments; il fallait se
placer autrement pour distinguer les temples, les portiques, les basiliques, les ponts, les murailles de la
ville et ses portes, enfin les trois théâtres construits à mi-côte et dont l'un , celui qui est représenté
dans celte vue, peut défier ses pareils en étendue et surtout en profondeur. Quelle voix assez puissante
pouvait se faire entendre depuis la scène jusqu'au cinquante-deuxième gradin, quels poumons avaient
assez de force pour transmettre la parole de cette profondeur à cette élévation? J'admets les masques qui
font l'effet de porte-voix, les dispositions imaginées parles architectes pour rendre sonore la scène en
répercutant la voix, j'admets enfin le velamen, bien nécessaire pour arrêter à la fois les rayons du soleil
qui tombent sur les spectateurs et les sons de la voix qui tendent à se perdre dans l'air; malgré tout, je
me demandeencore comment l'acteur pouvait entrer en communication avec le spectateur. Quoi qu'il en
soit, ce théâtre, au moins ses gradins, sont dans un état de conservation remarquable. On sait qu'ils
étaient assis dans le sol ou sur des portions dérocher taillées à vif, mais sans une bien solide fondation
de maçonnerie; quant à la scène,elle n'a conservé que ses substructions, ses assises ayant été enlevées
pour servir ailleurs de matériaux de construction. La vue dont on jouit du haut des gradins est à la fois
délicieuse et instructive. Cette plaine, qu'arrose le Lycus, s'offre avec tout le charme que donne une fer-
tilité naturelle, et aussi avec l'intérêt qui s'attache à des sites célèbres, remplis de souvenirs historiques.
Je n'ai pas publié la vue que j ai prise de l'autre théâtre, parce qu'elle ne diffère de celle-ci que par un
(1) J'avais dessiné de près et en détail le stade de Laodicée, mais j'ai trouvé dans le vol. II des Diletlanti, année 1797, une vue et des détails qui me
permettent de laisser mon dessin de côté.