Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Laborde, Alexandre Louis Joseph de; Laborde, Léon Emmanuel Simon Joseph de [Hrsg.]
Voyage de l'Asie mineure — Paris, 1838

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.4046#0216
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
131

DE TEK1R KEUI

A

AYASCH.

M DÉCEMBRE.

5 heures.

Sur le versant méridional de la chaîne du Taurus, on aperçoit des cabanes de Yurouks. Ces pasteurs se
rapprochent de la côte en hiver, et s'enfoncent dans les montagnes pendant l'été, toujours plus avant et
dans des régions plus élevées, selon que l'exigent la chaleur et le soin de leurs troupeaux. Une fois qu'on
a tourné la pointe des dernières collines, on marche parallèlement à la mer, sur le bord de marais qui
ont envahi presque tout le littoral. Tekir-Keui est situé à mi-côte des derniers rameaux de la montagne.
Au-dessous du village surgit avec violence une source abondante. C'est un puits artésien naturel, qui
a son explication, comme son origine, dans la montagne voisine. L'eau sort d'un trou au milieu des
rochers, en s'élevant à une certaine hauteur et bouillonnant avec force; elle est fraîche et excellente
à boire.

Nous sommes reçus amicalement par les habitants et servis avec empressement. C'est chose singulière,
dans toute l'Asie Mineure, que ces changements subits de caractère et d'humeur chez les populations de
villages voisins. On ne saurait attribuer ces contrastes au climat, au sol, à la race ; les conditions de cette
nature ne diffèrent pas à si petite distance. 11 faut chercher l'explication de cette bizarrerie dans le gou-
vernement plus ou moins habile d'une province, d'un district. La justice, l'ordre, la fermeté, et, à leur
suite, la prospérité, rendent douce et hospitalière une population qui devient farouche, soupçonneuse
et disposée au brigandage, si la misère et l'injustice l'accablent.

Nous avons amené à grand'peine le tactaravan j-iisqu'ici, avec l'espoir de lui faire passer les six lieues
d'un horrible chemin qu'on nous avait indiqué entre Selefke et Tarsous. Nous voici à l'entrée de cette
espèce de corniche. Nous demandons des hommes pour nous aider dans les moments les plus difficiles,
nous ne trouvons personne qui veuille s'engager à faire passer le défilé au tactaravan; bien plus, on doute
que nos chevaux de bagage, que nos chevaux de selle eux-mêmes puissent se tirer de toutes les diffi-
cultés qui s'opposeront à leur passage. Force est donc d'abandonner cette douce litière et d'imposer à
mon père sa part de fatigue et d'intempéries. Le tactaravan fut mis en pièces, avec celte habileté des-
tructive que possède si bien l'homme en général, et ces peuples en particulier. Notre chagrin se perdit
dans le feu de joie qu'on alluma avec les débris de ce bon serviteur.

En sortant de Tekir-Keui, on trouve immédiatement la mauvaise route, et en même temps les traces
évidentes, continues, de la route antique, taillée dans le roc même avec cette régularité, cette force gran-
diose, cette habileté d'hommes pratiques et positifs, qui distinguent le peuple romain au milieu des peuples
de l'antiquité. Nous retrouvons celte route sur toute la côte; elle porte sur chaque bord ses traces d'é-
videment, et là où les chars antiques n'ont pas laissé les ornières de leurs roues, là où les pieds des che-
vaux n'ont pas usé et poli comme une glace la surface du rocher, on voit le soin avec lequel les anciens
avaient assuré le pas des chevaux, en rayant la route de longs sillons parallèles ou croisés les uns sur
les autres. Elle passe dans des rochers d'une pierre molle, criblés de petites excavations formées par l'ac-
tion de l'airdela mer. Cette ancienne route, autrefois si bien nivelée, est devenue,par lepassage des che-
vaux et des vagues de la mer, une surface bosselée et accidentée sur laquelle les chevaux placent toujours
leurs pieds à faux. De distance en distance, des veines de rochers plus durs présentent des surfaces unies
comme des glaces, et alors nos montures sont exposées à manquer des quatre pieds à la fois. Cette dé-
testable route est la seule qu'on ait suivie depuis l'antiquité, la seule qui se puisse pratiquer dans le bas
des collines, entre'la montagne à gauche et les marais à droite. Après une heure de marche, nous
entrons dans une petite plaine sablonneuse et marécageuse. Du côté de la mer le terrain se relève et
forme un bourrelet ou une digue de petites dunes couvertes de broussailles. A gauche, dans la mon-
tagne, est une gorge étroite, bordée de rochers à pic; à l'entrée, on trouve quelques soubassements d'é-
difices antiques, au milieu de ruines étendues. A un quart d'heure plus loin est le petit village de Perchendy.
Nous y allons, guidés par de faux renseignements qui indiquaient des ruines dans cet end roi t. Nous n'y
trouvons rien qui soit digne de remarque. Derrière nous, une haute montagne s'élève isolée, et paraît
une île dans la mer : c'est la montagne Kelendré. Enfin, à droite, au milieu des marais, nous voyons en-
core des édifices en ruines, une porte monumentale et d'autres restes d'une ville ancienne, dont nouslais-
sons l'exploration aux voyageurs à venir. Ils ne seront pas ici, comme nous, pendant la saison des pluies,
et ces ruines pourront être abordées, tandis qu'elles sont pour nous à l'état d'îles au milieu des eaux.

Le village de Kounbat est situé également dans la montagne, à une demi-heure plus à l'est. Nous cô-
toyons la mer; l'oeil est attiré sur les collines par quelques tentes de Yurouks, plantées auprès des ruines
d'un édifice antique dont la voûte, à moitié ruinée, se soutient encore. On arrive ainsi àTchouran, qui
n'est pas une ville ni même un village habité, mais un amoncellement de ruines au fond d'une baie
assez profonde, dans un ravin entre deux collines. L'antiquité a bien eu quelque part dans la construc-

66
 
Annotationen