i5a Voyages b'A n t e n o r
comme à-présent, nu pieds, tête nue, le vi~
sage ombragé d'une barbe épaisse. Les passans
s'amusoient à me considérer, ils m'examinoient
comme un animal curieux. Je trouvai dans la
première cour du palais une garde nombreuse
qui me laissa passer : on m'arrêta dans la
seconde. Je demandai à l'un des esclaves si
quelqu'un d'eux entendoit le dialecte ionien.
— « Moi, me répond le plus apparent de la
troupe. — Eh bien, va-t'en dire à Cyrus qu'un
grec veut le voir, et lui parler >>. Cet homme
au lieu d'y aller me toisoit, et me regardoit
fixement. — « Obéissez , lui dis-je, en jetant
sur lui un regard d'indignation et de fierté,
et apportez-moi la réponse ». Ce ton le décida,
et il partit. Je m'assis en attendant sur une
pierre, exposé à l'ardeur du soleil ; ce qui
étonnoit beaucoup les soldats de la garde,
qui, la têle couverte de leur cittaris («), se
blottisoient dans l'ombre; ma figure hétéroclite
les amusoit, on me regardoit, on chuchotoit,
on rioit tout bas ; mais aucun ne fut assez
hardi pour me railler en face. Dans cette situa-
tion je songeois à ma gloire passée. « Voilà
donc cet Aristide, qui, dans sa jeunesse, a
(a) C'est le nom du bonnet des perses. II est pointu.
Celui du roi étoit orné d'un ruban bleu et blanc.
comme à-présent, nu pieds, tête nue, le vi~
sage ombragé d'une barbe épaisse. Les passans
s'amusoient à me considérer, ils m'examinoient
comme un animal curieux. Je trouvai dans la
première cour du palais une garde nombreuse
qui me laissa passer : on m'arrêta dans la
seconde. Je demandai à l'un des esclaves si
quelqu'un d'eux entendoit le dialecte ionien.
— « Moi, me répond le plus apparent de la
troupe. — Eh bien, va-t'en dire à Cyrus qu'un
grec veut le voir, et lui parler >>. Cet homme
au lieu d'y aller me toisoit, et me regardoit
fixement. — « Obéissez , lui dis-je, en jetant
sur lui un regard d'indignation et de fierté,
et apportez-moi la réponse ». Ce ton le décida,
et il partit. Je m'assis en attendant sur une
pierre, exposé à l'ardeur du soleil ; ce qui
étonnoit beaucoup les soldats de la garde,
qui, la têle couverte de leur cittaris («), se
blottisoient dans l'ombre; ma figure hétéroclite
les amusoit, on me regardoit, on chuchotoit,
on rioit tout bas ; mais aucun ne fut assez
hardi pour me railler en face. Dans cette situa-
tion je songeois à ma gloire passée. « Voilà
donc cet Aristide, qui, dans sa jeunesse, a
(a) C'est le nom du bonnet des perses. II est pointu.
Celui du roi étoit orné d'un ruban bleu et blanc.