6( LES RUINES DES MONUMENTS
PAmbàssadeur , se contenta de dire quelques .paroles au Visir, qui fit toute la réponse pour lui. ' Je
rie parle pas de tous les diamants, de tous les rubis, de toutes les perles du trône, & des tapis
filés d or & de soie <jui couvrent le pavé de cette salle & celui de ses vestibules ; & je n'ai dit qu'un
mot de Constantinople, où trois mois de séjour , & l'occasion que j'ai eu d'y voir les plus belles
cérémonies, m'ont donné le moyen de faire un très-grand nombre de remarques. Mais s'il en
coûte aux voyageurs qui ont été fortement frappés dé tous les lieux qu'ils ont vus, & de toutes les
cérémonies où ils se sont trouvés, d'en sùpprimer la.description, il n'en coûte pas moins au le&eur
dé les life-v quand elles sont déplacées, & qu'elles nuisent à l'objet principal d'un ouvrage. Je me
hâte donc de parler au jour de mon départ de cette ville. 11 fut marqué par un de ces événements
qui en Turquie renversent en un instant les plus hautes fortunes, & élèvent souvent les hom-
mes.des plus vils-emplois aux premières dignités de l'Empire. Le Grand-Seigneur étoit retenu au
Serrâil pàr'Hh mal qu'il avoit à l'épaule ; le peuple commençoit à murmurer, comme il a coutume
de le-saire, lbrsqu il ne le voit pas les vendredis à laMosquée. Cependant on faisoit dans le Serrail
tout ce' que' l'on pouVoit pour en imposer sur la santé de Ce Prince ; les Kïosq'ues étoient ouverts
comme s'il y eût été ; on poussoit même la dissimulation jusqu'à' faire promener à cheval sur une
-terrasse de ce Palais qui regarde le port, un homme qui lui ressembloit. Mais enfin le peuple mur-
murant toujours, le Sultan prit la résblution, quelque malade qu'il fût, d'aller le vendredi 13 Dé-
cembre à là Mosquée. A peine y •fut-il arrivé, qu'il lui prit une foiblesse ; on l'enveloppa d'une
pelisTe, & on le transporta au Serrail, où il expira sur les deux heures après midi. Cette nouvelle
■ se répandit-aussi-tôt dans Constantinople & dans ses fàuxbourgs, & fut confirmée par une décharge
générale" ;de l'artillerie du Serrail, suivie bien-tôt après d'une autre plus considérable qui an-
nonça l'avènement d'Osman III au trône. Dans le même moment, où je m'embarquai au port de
Tophànà-V'ily accourut une foule de Turcs dans le plus grand tumulte; il passa sous notre bord:
beaucoup dé petits bateaux chargés de Grecs, de Juifs & d'Arméniens ', qui se retiroient à la cam-
pagne, dé crainte de quelque révolution: le trouble Se l'effroi étoient peints sur leur visage.
Tel bt6 it l'état 'de Coristantinople, lorsque nous levâmes l'ancre & fîmes voile pour Smir-
ne. Je sejournai peu dans cette dernière ville ; & ayant visité disférentes isses de l'Archipel, peu
intéréssàntes p'bùr mon objet, je mè rendis à celle de Miconi, d'où je fis de fréquents voyages à
Délos. : :-- - -
Cette isle, le centre des Cyclades, qui donnanaissànce à Apollon, &où les Grecs pen-
sbierit qu'il- faisoit sa résidence , est aujourd'hui entièrement désèrte & inculte. Sa slérilité àduelle
vient' en partie de sa magnificence passée : des marbres la couvrent de toutes parts. Mais le fameux
Temple qu'Eriâonius, fils de Triopas, y sit élever à Apollon s'y distirïgue particulièrement, par
l'espace considérable qu'occupent ses débris. Il devint, après celui de Delphes, le plus augusle de tous
ceux qui étoient cbnsàcrés à ce Dieu. On lisbit sur sbn frontispice' une longue suite de vers, qui en-
sèignoientlés diverses propriétés des plantes, & la manière de' s'en servir pour guérir toutes sortes
de maladies. Les particuliers & les peuples de la Grèce persuadés qu'il s'y faisoit de fréquents mi-
racles , y fàisoient où y envoyoient faire à l'envi les plus célèbres sacnfices. Les Hyperboréens
mêmes qui chez lés Grecs passoient pour les peuples les plus septentrionaux, y fàisoient présenter les
prémices de leurs fruits par les Athéniens. On donnoit à Athènes lé nom de sacré au vaisseau qui
portoit les osfrandes de cette République ; on y sùspendoit l'exécution de tous les arrêts de mort,'
. depuis le jour de son départ jusqu'à celui de son retour. On sait que le sùpplice de Socrate fut
différé d'un mois par cette raison. Enfin la République d'Athènes ne consioit le soin de cette cérémo-
nie importante qu'à sis plus illustres magistrats.
Ce Temple sirevéré des Grecs a subsisté long-temps après sa fondation , & même long-
temps après la ruine de Tille, comme on l'apprend par Pausanias. Il rapporte que de son temps
elle auroitéte désertè , sans là garnison que les Athéniens y entretenoient pour le garder. Mais
comme les édisices les plus renommés sùbissènt à la fin les loix du temps, ou l'outrage de la barba-
rie, le fameux Temple d'Apollon, le premier, sélon Vitruve , où l'on imita.la lyre de ce Dieu,
dans l'ornement qui prit dans la suite le nom. de Triglyphe ; enfin cet édifice, l'un des chefs-d'œu-
vre de la Grèce, ne présente plus qu'un amas de débris de colonnes si consus, qu'il m'a été im-
possible d'en faire une vue. On y trouve à la vérité quelques chapiteaux, mais on n'y voit au-
cuns fragments d'architrave, de frise & de corniches. On y remarquecependant encore le piedestal
de la Statue du Dieu qui, au rapport de Plutarque, fut donnée par les Naxiotes ", L'inscription
; Voyez les mçiures des sragments de ce Temple dans la séconde Partie, ,
qu on
PAmbàssadeur , se contenta de dire quelques .paroles au Visir, qui fit toute la réponse pour lui. ' Je
rie parle pas de tous les diamants, de tous les rubis, de toutes les perles du trône, & des tapis
filés d or & de soie <jui couvrent le pavé de cette salle & celui de ses vestibules ; & je n'ai dit qu'un
mot de Constantinople, où trois mois de séjour , & l'occasion que j'ai eu d'y voir les plus belles
cérémonies, m'ont donné le moyen de faire un très-grand nombre de remarques. Mais s'il en
coûte aux voyageurs qui ont été fortement frappés dé tous les lieux qu'ils ont vus, & de toutes les
cérémonies où ils se sont trouvés, d'en sùpprimer la.description, il n'en coûte pas moins au le&eur
dé les life-v quand elles sont déplacées, & qu'elles nuisent à l'objet principal d'un ouvrage. Je me
hâte donc de parler au jour de mon départ de cette ville. 11 fut marqué par un de ces événements
qui en Turquie renversent en un instant les plus hautes fortunes, & élèvent souvent les hom-
mes.des plus vils-emplois aux premières dignités de l'Empire. Le Grand-Seigneur étoit retenu au
Serrâil pàr'Hh mal qu'il avoit à l'épaule ; le peuple commençoit à murmurer, comme il a coutume
de le-saire, lbrsqu il ne le voit pas les vendredis à laMosquée. Cependant on faisoit dans le Serrail
tout ce' que' l'on pouVoit pour en imposer sur la santé de Ce Prince ; les Kïosq'ues étoient ouverts
comme s'il y eût été ; on poussoit même la dissimulation jusqu'à' faire promener à cheval sur une
-terrasse de ce Palais qui regarde le port, un homme qui lui ressembloit. Mais enfin le peuple mur-
murant toujours, le Sultan prit la résblution, quelque malade qu'il fût, d'aller le vendredi 13 Dé-
cembre à là Mosquée. A peine y •fut-il arrivé, qu'il lui prit une foiblesse ; on l'enveloppa d'une
pelisTe, & on le transporta au Serrail, où il expira sur les deux heures après midi. Cette nouvelle
■ se répandit-aussi-tôt dans Constantinople & dans ses fàuxbourgs, & fut confirmée par une décharge
générale" ;de l'artillerie du Serrail, suivie bien-tôt après d'une autre plus considérable qui an-
nonça l'avènement d'Osman III au trône. Dans le même moment, où je m'embarquai au port de
Tophànà-V'ily accourut une foule de Turcs dans le plus grand tumulte; il passa sous notre bord:
beaucoup dé petits bateaux chargés de Grecs, de Juifs & d'Arméniens ', qui se retiroient à la cam-
pagne, dé crainte de quelque révolution: le trouble Se l'effroi étoient peints sur leur visage.
Tel bt6 it l'état 'de Coristantinople, lorsque nous levâmes l'ancre & fîmes voile pour Smir-
ne. Je sejournai peu dans cette dernière ville ; & ayant visité disférentes isses de l'Archipel, peu
intéréssàntes p'bùr mon objet, je mè rendis à celle de Miconi, d'où je fis de fréquents voyages à
Délos. : :-- - -
Cette isle, le centre des Cyclades, qui donnanaissànce à Apollon, &où les Grecs pen-
sbierit qu'il- faisoit sa résidence , est aujourd'hui entièrement désèrte & inculte. Sa slérilité àduelle
vient' en partie de sa magnificence passée : des marbres la couvrent de toutes parts. Mais le fameux
Temple qu'Eriâonius, fils de Triopas, y sit élever à Apollon s'y distirïgue particulièrement, par
l'espace considérable qu'occupent ses débris. Il devint, après celui de Delphes, le plus augusle de tous
ceux qui étoient cbnsàcrés à ce Dieu. On lisbit sur sbn frontispice' une longue suite de vers, qui en-
sèignoientlés diverses propriétés des plantes, & la manière de' s'en servir pour guérir toutes sortes
de maladies. Les particuliers & les peuples de la Grèce persuadés qu'il s'y faisoit de fréquents mi-
racles , y fàisoient où y envoyoient faire à l'envi les plus célèbres sacnfices. Les Hyperboréens
mêmes qui chez lés Grecs passoient pour les peuples les plus septentrionaux, y fàisoient présenter les
prémices de leurs fruits par les Athéniens. On donnoit à Athènes lé nom de sacré au vaisseau qui
portoit les osfrandes de cette République ; on y sùspendoit l'exécution de tous les arrêts de mort,'
. depuis le jour de son départ jusqu'à celui de son retour. On sait que le sùpplice de Socrate fut
différé d'un mois par cette raison. Enfin la République d'Athènes ne consioit le soin de cette cérémo-
nie importante qu'à sis plus illustres magistrats.
Ce Temple sirevéré des Grecs a subsisté long-temps après sa fondation , & même long-
temps après la ruine de Tille, comme on l'apprend par Pausanias. Il rapporte que de son temps
elle auroitéte désertè , sans là garnison que les Athéniens y entretenoient pour le garder. Mais
comme les édisices les plus renommés sùbissènt à la fin les loix du temps, ou l'outrage de la barba-
rie, le fameux Temple d'Apollon, le premier, sélon Vitruve , où l'on imita.la lyre de ce Dieu,
dans l'ornement qui prit dans la suite le nom. de Triglyphe ; enfin cet édifice, l'un des chefs-d'œu-
vre de la Grèce, ne présente plus qu'un amas de débris de colonnes si consus, qu'il m'a été im-
possible d'en faire une vue. On y trouve à la vérité quelques chapiteaux, mais on n'y voit au-
cuns fragments d'architrave, de frise & de corniches. On y remarquecependant encore le piedestal
de la Statue du Dieu qui, au rapport de Plutarque, fut donnée par les Naxiotes ", L'inscription
; Voyez les mçiures des sragments de ce Temple dans la séconde Partie, ,
qu on