Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La Lune — 1.1865

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.6766#0015
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA LU .NE

3

tes joies. Te souviens-tu, l'an dernier? La brise était tiède, par-
fumée, toute pleine de mystérieuses vapeurs; nous étions à Ve-
nise, courant de lagune en lagune, tandis que la reine de l'Adria-
tique, voilée d'un immense crêpe, te chantait ses douleurs. Quand
la musique, notée avec des larmes et des sanglots, so tut, et que
nous n'entendîmes plus que le clapotis du flot, tu te penchas
sur la tète de la pauvre désolée, et tu laissas sur son front un long
baiser.

Plus tard, une nuit encore, dans les grands bois de l'Alle-
magne, inoins blonde et moins poétique que toi, tu évoquais les
ombres de Faust et de Marguerite. Ah! les amoureux! le bras
sous le bras, ils couraient par les sentiers, se penchant à chaque
fleur que la jeune fille cueillait et plaçait dans sa chevelure on-
doyante et voluptueuse... Elle était blonde comme toi... Il était
beau, tu leur souris, et pendant un instant, pour ne point trou-
bler leurs joyeux ébats, je te vis, complaisante, te cacher un
instant derrière les monts. Quand vint Méphislophélès, tu parus
de nouveau et le méchant s'enfuit au fond du bois.

*

* *

Nocturne voyageuse, je t'ai accompagnée au milieu des campa-
gnes désertes de la brumeuse Albion ; ensemble nous avons en-
tendu de blondes et frêles enfants nous réciter Shakspeare à la
fenêtre du manoir, et tu savais faire ondoyer ta jupe étoilée de
telle lagon qu'entre les rayons et les ombres il me semblait voir
danser les sorcières de Macbeth.

Te souviens-tu avec quel bonheur lu te plongeais frémissante
et toute nue dans les lacs bleus de l'Ecosse pendant que les pâ-
tres, s'accompagnant de leur musette, redisaient les chants île
Burns? J'étais là... .le suivais de l'œil tas formes gracieuses glis-
sant sur le miroir liquide, et lorsque, sortant de l'onde, tu se-
couais ta chevelure mouillée, je baisais les perles que lu semais
sur tog chemin.

* *

Dans les bois, dans les monts, au nord et au midi, su»' les mers
glacées, sur les ondes brûlantes, je t'ai suivie constamment, te di-
sant mes peines et mon amour, et tu riais de mon martyre.

Oh ! c'est aussi trop de cruauté... Je veux ma part des laveurs
que tu prodigues... Il me faut tes baisers et tes tiôdes caresses...
il me les faut ou j'expire à les pieds.

Vierge folle, viens ce soir éclairer les lambris de la mansarde
du poëte qui t'adore et se meurt d'amour pour toi. Viens sécher
les pleurs dont chaque soir j'inonde mon chevet. Viens! viens!

* *

Elle ne répondit pas, mais un nuage passa sur son front, el
pendant quelques minutes tout fut sombre et noir; mon cœur
battait à se rompre... j'étais haletant... il me semblait qu'une lave
ardente courait dans mes veines... j'avais la tète en feu !

Soudain elle reparut à mes yeux, plus brillante et plus ra-
dieuse... Elle souriait sans mot dire.

Comme un insensé' je gravis rapidement mes cinq étages, el
d'un bond je pénétrai dans ma mansarde.

Elle y était avant moi...

Et alors murmurant des mots d'amour, de folle ivresse, d'in-
commensurable passion, je tombai à ses pieds.
Elle me sourit encore el...

* *

Quoi donc? censeurs pudibonds, ma maîtresse adorée, c'é-
tait...

C'était la lune.

S1RIUS.

LES SIGNES DU CAPRICORM

Prologue

Il était une fois deux jeunes gens vivant en bonne santé, ce
qui leur donna l'idée de se marier en premières noces. Je n'ai
pas le courage de leur en vouloir; il vaut peut-être mieux
épouser une héritière que de gagner sa vie dans le quadrille
de MM. Clodochc et G".

Un seul de mes héros aurait dû apporter à l'acte matrimo-
nial une légère défiance : il se nommait Joseph. L'autre avait
été intitulé Arthur par des parents insensés. D'ailleurs, ils
étaient braves et convaincus, comme la Belgique, que l'union
l'ait la force.

Donc, un beau malin, nos amis se mirent en quête de deux
futures.

Dire qu'ils les trouvèrent dans le pas d'un âne serait peut-
être porter atteinte h la vérité, d'autant que les excellents
principes qu'ils tenaient de leurs parents leur interdisaient
toute idée de mariage avec des filles pauvres.

A Paris, quand on cherche bien, on finit par trouver. Ils
trouvèrent donc deux jeunes filles, amies de pension, qui ne
demandaient qu'à être traînées à l'autel par deux chevaux
pur sang. Elles ne descendaient point des Montmorency ; en
chercbanl bien, on aurait peut-être trouvé des cheveux sur la
réputation de leurs ascendants. Mais il ne faut pas se mon-
trer exigeant quant on tient à la fortune.

En s'aidant mutuellement, nos deux amis arrivèrent à leurs
fins. Les lettres de faire part furent lancées, et un bon curé
leur donna la bénédiction nuptiale dans une église quel-
conque.

Le soir on soupa, on dansa; un notaire éprouva quelques
nausées par suite d'une ingurgitation excessive d'aliments;
puis, comme dans la chanson de Marlborough, chacun s'alla
coucher, les uns avec leurs femmes, et en première ligne les
mariées, et les autres tout seuls.

Le lendemain Joseph partit pour la province.

Arthur resta à Paris.

TroiN an» «pir»

Arthur a Joseph.

Paris, tS septembre.

Je suis inquiet, mon cher Joseph : hier j'ai cassé une glace, et
ce matin ma femme m'a dit zut! Je n'ignore pas que cette inter-
jection a cours dans la meilleure société; mais, c'est égal, elle m'a
fortement troublé. Je me suis donc mis à réfléchir, et je me suis
souvenu que notre ami Chevillart, tu sais bien, Ghevillart, m'a
présenté depuis peu un jeune lieutenant de lanciers qui fait des
madrigaux. Ma femme paraît l'adorer,

Tais-toi, cu'iir frémissant,
Il sera toujours temps de répandre du sang.

Et puis, ces militaires ont de la chance dans les combats. D'ail-
leurs, je ne me suis aperçu de rien, et je ne veux pas croire au
mal. Mais écris-mC/i promptement et donne quelques bons conseils
à ton ami.

Arthuu.

I>> Mme Arthur n Mme Joseph.
*

Paris, -m septembre.

Il faut à tout prix, ma chère Cécile, que tu décides ton mari à
venir passer quelques jours à Paris. Ta présence me sauvera peut-
être. A nous deux nous ferons face à l'ennemi. J'ai lutté tant que
j'ai pu. J'allais succomber lorsque lui-même a introduit dans ma
maison un homme, dont il voulait se faire un auxiliaire. Mais ce
dernier, qui est militaire et plein de loyauté, s'est aperçu qu'on
voulait lui faire jouer un rôle de paravent. 11 a alors combattu
tous les plans de M. Chevillart. 11 a retardé ma chute; je dis re-
tardé, car ce lieutenant, une fois parti, je retombe sous les ob-
sessions du prétendu ami d'Arthur, qui ne voit rien, l'imbécile !
Viens, viens vile.

Caroline.

De Joseph ii Arthur.

B**", 25 septembre.

Ah! ah! je vois ce que c'est, ma pauvre vieille, tu voudrais
que je te refisse la théorie des signes du Capricorne. Nous avons
donc peur, brillant Parisien; c'est bien fait. En ma qualité de
philosophe, j'ai pris le moyen le plus sûr, je suis allé en pro-
vince, où règne la vertu, et j'y suis tranquille comme un poisson
rouge dans son bocal.

Toi, tu as préféré la grande mer, el déjà tu cries au secours.
On y va, malheureux, on y va.

Je commence ma consultation.

Quand on a une femme bien élevée et qu'on ne peut lui suppo-
ser les instincts do Mme Putiphar, il faut donc penser qu'avant
de vous capricornifier elle luttera contre le brigand qui aura su
loucher son cœur. Le moment de cette lutte ne doit pas passer
inaperçu pour toi. Le premier des prodromes — c'est un mot de
mon journal qui en a abusé pendant le choléra — le premier des
prodromes, dis-je, est une inquiétude vague, des colères inatten-
dues et presque sans raison. Mais je ne dois pas m'arrêter ici,
car si elle a dit zut, le cas est grave. Tu as mis le doigt sur la
plaie, l'officier est à craindre, là est le danger. Sois habile, ne le
llanque pas à la porte, il deviendrait intéressant. Force-le à s'en
aller par un moyen ingénieux, en le rendant ridicule si c'est pos-
sible.

Mais surveille ta femme. Si elle soigne trop sa toilette ; si elle
sort souvent seule ; si elle te dit du mal de l'officier, si elle ne
veut plus recevoir Chevillart, crains tout. Ah! ce n'est pas moi
qu'on attraperait. Au reste, je ne m'expose pas, et quoique ma
femme me supplie de faire avec elle un voyage à Paris... je ne
céderai pas... j'irai tout seul.

Ton vieux,
Joseph.

De Cécile à Caroline.

B*** 28 septembre.
Aller à Paris! ah! ma chère belle, je ne demande que cela.

Outre que je te sauverais peut-être, je fuirais le danger. Car moi
aussi, je suis persécutée, adorée, madrigalisée, versifiée par un
gentilhomme de province, qui est très-bien, le monstre; très-spi-
rituel, le scélérat; très-distingué, l'infâme, et qui en abuse. Je
donnerais dix ans de la vie de Chevillart pour passer six mois à
Paris. J'ai à peine le temps de t'écrire, mon mari est toujours sur
mes talons, excepté quand l'autre est là, car il ne manque jamais
de" lui dire : Je vous confie ma femme. Est-il possible d'être plus
Joseph : je t'embrasse et vais faire des miracles pour aller te re-
joindre.

CÉCILE.

Artliur a Joseph.

Paris, 1" octobre.

Victoire ! victoire ! l'ennemi a battu en retraite honteusement.
C'est une bonne farce, va! Je ne me croyais pas si fort. Oh! là!
là! Je t'écris cela comme un bulletin sur le champ de bataille. Il
n'y a pas vingt minutes qu'il est parti. J'entends d'ici Chevillart,
qui en rit encore avec ma femme. Tu peux venir maintenant
passer un mois à Paris, je serai tout à toi. Si ce maudit lancier
n'était pas parti, je n'aurais pu te consacrer vingt minutes par
jour.

Figure-toi que je l'avais invité à dîner avec Chevillart. Mon
pharmacien m'avait vendu un biscuit tout particulier que j'ai dû
lui faire prendre au dessert, une heure après. Comment te dire?
Il y a une chanson là-dessus, tu sais

C'est vot' fille qiicj'vous ramène
Mais dans un bien triste état.

Mais ce qui est plus exact, c'est le couplet suivant :

Au milieu de 1» contredanse
Y a pris un mal de cœur.

Je ne continue pas. Mon malheureux lieutenant a été obligé de
sortir avec un précipitation digne d'un meilleur sort. Car mon
tapis en est encore profané.

Bref, je suis tranquille. Quand arrives-tu, cher?

Ton vieil ami,

Arthur.

Cécile à Caroline.

B"", 15 octobre.

Mon mari part demain et refuse de m'emmenor ! Que Dieu te
protège et moi aussi.

cécile.

Le 16 octobre au soir, Joseph et Arthur se prélassaient
dans un cabinet du café Anglais.

— Garçon, dit le premier, donnez-nous du madère, et aus-
sitôt que ces dames seront arrivées, vous ferez servir le po-
tage.

— Oui, monsieur.

Arthur. — C'est une bonne idée que tu as eue là de re-
trouver pour ce soir Cascadine et Turlurette.

joseph. — Bah ! pendant que ma femme fait des confitures.

arthur. — Et que la mienne est à l'Opéra avec Chevillart.
C'est drôle, elle ne peut pas le sentir, ce pauvre Chevillart.

JosErH. — Et le lieutenant?

arthur. Plus revu. Je l'ai échappé belle.

joseph. — Mon cher, rien ne vaut la sécurité de la pro-
vince.

le garçon. — Monsieur, voici ces dames et le potage.

Epilogue

Caroline a Cécile.

Paris, 11 octobre,

Tout est perdu.

Caroline.

Cécile à Caroline.

B*'*, 18 octobre.

Ah! ma chère, quel gentilhomme! il est parfait, le brigand.

Ckcile.

Et pour copie conforme :
Le Sagitt \ i i ni.
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
Les signes du capricorne
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14

Objektbeschreibung

Objektbeschreibung
Signatur: "Carlo Gripp"

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Tronsens, Charles
Entstehungsdatum
um 1865
Entstehungsdatum (normiert)
1860 - 1870
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Mann <Motiv>
Steinbock <Sternbild>
Mond <Motiv>
Brief <Motiv>
Frankreich
Karikatur
Tierkreiszeichen
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

Rechte am Objekt

Aufnahmen/Reproduktionen

Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 1.1865, Nr. 3, S. 3_3
 
Annotationen