LA LUNE
LE GRAND BAZAR DES IDÉES
Je flânais %ur le boulevard Poissonnière mardi dernier.
Flâner est une douce occupation à laquelle se livrent tous 1rs
mortels et même les notaires. La preuve, c'est que je fus ac-
costé par «M* Louis Z..., notaire à Paris. Il flânait égale-
ment en attendant l'heure de la signature d'un acte impor-
tant.
— Au fait, ajouta-t-il, venez avec moi. Il s'agit d'une idée
très-bizarre, et peut-être grosse d'argent, dont le premier
produit sera pour moi, bien (intendu... Venez-vous?
— Parbleu ! puisque je flâne.
Et nous montâmes chez mon ami le notaire, que cinq per-
sonnes attendaient : trois capitalistes et deux hommes de
lettres connus par leur scepticisme, et que je ne yeux pas
nommer.
Je fus présenté à ces messieurs. Les capitalistes me firent
un accueil des plus gracieux dans l'espoir d'une réclame. Les
hommes de lettres, malgré leur cynisme, parurent craindre
des révélations de ma part. Vous voyez qu'ils avaient tort.
*
* *
On procéda à la lecture de l'acte. Dès les premiers mots,
je fus frappé de l'utilité et de l'importance qu'aura cette af-
faire, si elle arrive à bonne fin.
Il s'agit de fonder une véritable maison de commerce lit-
téraire, un entrepôt de produits destinés aux journalistes,
aux dramaturges, aux vaudevillistes, aux moralistes, aux
bohèmes, aux académiciens sans idée.
Vous voyez si un pareil établissement aura des chalands
nombreux et empressés.
En effet, a une époque où l'on ne peut entrer dans un ca-
binet particulier sans trouver un journal nouveau, il faut
des rédacteurs intelligents, spirituels, mais surtout nom-
breux.
Or que voyons-nous ? Un nombre trôs-restreint de chro-
niqueurs instruits et intéressants. Et comme il faut gagner
sa vie, ces malheureux s'usent en un an, écrivant trois, qua-
tre articles par jour, soit vingt-cinq articles par semaine
pour dix journaux différents.
*
* *
Cet état de choses amènera évidemment une disette de
chroniqueurs et de littérateurs. C'est donc pour parer aux
inconvénients de cette disette que les trois capitalistes et les
deux journalistes ci-dessus désignés vont fonder le grand
bazar des idées qui fonctionnera de la manière suivante :
— Supposez, monsieur (c'est un des capitalistes qui parle),
supposez que notre bazar soit ouvert. Cela figurera assez bien
un immense magasin de gants. Tout autour seraient établis
des tiroirs numérotés. Beaucoup de jeunes gens très-bien
frisés et même de charmantes jeunes personnes à l'œil vif et
provoquant se tiennent derrière les comptoirs.
Entre un jeune provincial. La plus gracieuse de nos de-
moiselles s'avance vers lui.
— Mademoiselle, dit-il, je voudrais un feuilleton Saint-
Victor.
La jeune iille ouvre un tiroir à sa portée.
— Combien de lignes, monsieur?
— Trois cents.
— Voici, monsieur.
— Combien vous dois-je?
— On paye à la caisse, monsieur. Et la jeune fille, élevant
la voix, crie au caissier:
— Un Saint-Victor premier choix, trois cents lignes à
un franc.
Et le jeune homme, ayant déposé trois cents francs, va se
faire une réputation qui le conduira peut-être au Capitole.
— Alors, monsieur, dis-je au capitaliste, c'est une trom-
perie manifeste.
— Non, car ce dernier cas sera rare. Mais qu'un malheu-
reux chroniqueur ait mis ses idées à tremper dans une telle
quantité de Champagne, qu'il ne les retrouve plus le lende-
main, juste quand il lui faut un article soigné, il s'adresse
au bazar et trouve en cinq minutes son article tout fait.
Nous tiendrons également les articles pour les gens du
monde : petits vers, déclarations, acrostiches, marivauda-
ges, etc., destinés à faire briller l'esprit des imbéciles en so-
ciété. Nous aurons encore les proverbes pour la comédie de
salon que madame X... ou madame P... voudra bien payer
deux ou trois mille francs ; elles ont tant d'esprit !
* *
Ici j'arrêtai mon inlerlocuteur.
— Permettez, lui dis-je, mais pour pouvoir débiter ces ar-
licles, ces livres, ces mots, ces proverbes, ces drames, il
faudra bien que quelqu'un les fasse, et si vousles vendez aux
gens d'esprit, les imbéciles auront certainement beaucoup de
mal à faire aussi bien qu'eux.
— J'avais prévu votre objection. Vous êtes encore très-
naïf pour votre âge. Paris est plein de jeunes gens de
talent, qui imitent admirablement tous les styles avant d'en
avoir un qui leur soit propre. Ceux-là seront nos principaux
fournisseurs. Ensuite, il y a lts bohèmes, trop paresseux
pour écrire quelque chose d'original, qui arrangent de vieux
mots avec un goût exquis. Ce sont les savetiers du journa-
lisme, direz-vous? Soit, nous n'y regardons pas de si près.
Mon capitaliste s'échauffait.
— Enfin, monsieur, reprit-il, n'avons-nous pas aussi les
bagnes, les maisons de détention, qui renferment des indivi-
dus fort bien élevés : des notaires, des avoués, une foule de
bacheliers, monsieur, sans compter ceux chez lesquels l'es-
prit naturel remplace l'éducation. Nous ferons travailler
dans les prisons?
Et si cela ne suffit pas, nous avons sous la main une inven-
tion admirable. Il existe un ingénieur américain qui se met
à notre disposition, pour construire une machine de cin-
quante chevaux qui confectionnera des articles, des chroni-
ques, des échos, des romans.
A un bout de cette machine se trouvera un récipient dans
lequel vous mettrez tout simplement quelques vieux journaux,
et vous n'aurez qu'à faire trois pas pour retrouver hachés,
brisés, mêlés, reconstitués et rajeunis les articles les plus
connus.
Vous prendrez un dictionnaire de l'Académie, vous le
plongerez dans le récipient. Crac! vous trouverez de l'autre
côté une histoire de France en quarante volumes !
Mettez-y un code, v'ian ! voilà une A/faire Clemenceau du
meilleur aloi.
— Monsieur, votre idée est admirable, et à quand l'exécu-
tion?
— Dans un mois, monsieur, vous verrez, j'espère, sur le
boulevard Montmartre, maison Frascati, à l'ancien dépôt
des aquariums, une enseigne ainsi conçue :
AU CHRONIQUEUR VIDÉ
grand bazar des idées
Mais surtout, soyez discret.
— Comptez sur mon silence.
Ops.
UNE RÉCOMPENSE NATIONALE
Le 15 août fait s'épanouir bien des visages.
Pendant que les pauvres reçoivent des bons de pain et de
viande, on distribue aux affamés de considération plusieurs
pièces de ruban rouge.
Politiques, écrivains, commerçants, tout le monde en veut;
mais tout le monde n'en a pas.
Je souhaite aux chasseurs de récompenses d'en recevoir
d'aussi précieuses que celle que je raconte, et surtout de les
mériter autant que celui qui l'a reçue.
Un soir du mois da février 1840, un piéton, vêtu d'un
large paletot, la figure enveloppée d'un cache-nez, sortait du
couloir qui conduit aux coulisses du Gymnase,
Il était à peu près dix heures, le rideau venait de tomber
sur le dernier acte des Enfants de troupe, et la salle tremblait
encore des applaudissements décernés à Bouffé l'incompa-
rable.
Un enfant de douze à treize ans, portant la capote d'un
régiment de ligne, la tête coiffée de la casquette adoptée pour
les campagnes d'Afrique, vint à la rencontre du personnage
dont je viens de parler, et dit, en se dandinant sur ses han-
ches et en faisant le salut militaire :
— Pardon, excuse, bourgeois, si je vous arrête dans votre
itinéraire; mais faudrait que je sache où demeure, M. Bouffé,
le comédien, ou bien que je lui cause, si c'est possible, de
dessus son théâtre... pour affaire, même que j'ai eu pour ça
une permission de relard à la caserne.
— Mon ami, répondit l'homme au paletot, M. Bouffé
n'est plus au théâtre, et je doute que vous puissiez lui par-
ler chez lui ce soir, car il est fatigué et un peu malade, et je
pense qu'il se couchera aussitôt rentré.
— Fichtre, poursuit l'enfant, se grattant l'oreille, ça dé-
range les choses... Mais le connaissez-vous M. Bouffé, vous
qu'avez l'air d'être de la maison, et de flâner là en voisin.
— Je le connais.
— Eh ben, vous pourrez peut-être ben faire ma commis-
sion... c'est pas un secret : je suis chargé de remettre à M.
Bouffé... une récompense nationale, ji- L'homme au paletot
sourit. — Vlà la chose... les enfants de troupe de la nouvelle
France... la nouvelle France, c'est le haut du faubourg Pois-
sonnière ; donc les enfants de troupe de cette caserne ayant
vu sur l'affiche qu'on allait les jouer à la comédie, ont eu le
bonheur que la vivandière, qu'est bon garçon, les mène voir
le spectacle... Oh ! comme il est fameux, le Trim qu'est M.
Bouffé... oh! qu'c'est ça! L'tambour-major qu'était avec
nous, riait comme un bossu... et nous, j'pleurais. En sortant
de là, l'enfant de troupe véritable, c'était plus un homme,
nous pleurions à verse... Comme il vous pince ce rôle-là, t e
M. Bouffé !... Une idée nous est venue de lui offrir queuque
chose d'amical : si nous pouvions donner une croix d'hon-
neur, j'y aurais apporté ; mais le maître tailleur a dit qu'un
bonnet de police d'honneur, ça valait mieux, et que c'était
plus chaud... On a cotisé, on a fourni l'étoffe, un ancien a
brodé un B couronné d'une feuille de laurier, avec ces mots
au-dessous, toujours brodés :
Les enfants de troupe de la Noutxlle-France
à celui du Gymnase.
— Et voilà ! termina l'enfant en ouvrant sa capote et en
présentant un joli bonnet de police.
— Mon ami, dit son interlocuteur ému, ce cadeau fera
bien plaisir à M. Bouffé ; je le lui remettrai... je le connais...
Mais, comme vous ne me connaissez pas, voilà une pièce
d'or en garantie de ma fidélité...
— Une pièce d'or ! Eh ben ! excusez... j'ai pas d'envie de
m'acheter un remplaçant... Merci, j'en veux pas.
— Mon ami !... En ce moment la voix de l'homme au pa-
à saip
ment
Je mo mis à pleurer et
ncr du nez simultané-
LA PREMIERE AFFAIRE DU FUSILIER PILOR, par GÉDÉ0\ (Sipite).
— Bst-ee que vous vous prenez
pour des p-'kius, qui dit le sarment,
Iju'avail vu la chose Demain vous
vous aliénerez
— Mé battre, mé battre
avec Midou, mais je ne pour-
rai jamais.
Midou, lui, passa tonte la jour-
née à apprendre les armes pour
me tuer.
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LE GRAND BAZAR DES IDÉES
Je flânais %ur le boulevard Poissonnière mardi dernier.
Flâner est une douce occupation à laquelle se livrent tous 1rs
mortels et même les notaires. La preuve, c'est que je fus ac-
costé par «M* Louis Z..., notaire à Paris. Il flânait égale-
ment en attendant l'heure de la signature d'un acte impor-
tant.
— Au fait, ajouta-t-il, venez avec moi. Il s'agit d'une idée
très-bizarre, et peut-être grosse d'argent, dont le premier
produit sera pour moi, bien (intendu... Venez-vous?
— Parbleu ! puisque je flâne.
Et nous montâmes chez mon ami le notaire, que cinq per-
sonnes attendaient : trois capitalistes et deux hommes de
lettres connus par leur scepticisme, et que je ne yeux pas
nommer.
Je fus présenté à ces messieurs. Les capitalistes me firent
un accueil des plus gracieux dans l'espoir d'une réclame. Les
hommes de lettres, malgré leur cynisme, parurent craindre
des révélations de ma part. Vous voyez qu'ils avaient tort.
*
* *
On procéda à la lecture de l'acte. Dès les premiers mots,
je fus frappé de l'utilité et de l'importance qu'aura cette af-
faire, si elle arrive à bonne fin.
Il s'agit de fonder une véritable maison de commerce lit-
téraire, un entrepôt de produits destinés aux journalistes,
aux dramaturges, aux vaudevillistes, aux moralistes, aux
bohèmes, aux académiciens sans idée.
Vous voyez si un pareil établissement aura des chalands
nombreux et empressés.
En effet, a une époque où l'on ne peut entrer dans un ca-
binet particulier sans trouver un journal nouveau, il faut
des rédacteurs intelligents, spirituels, mais surtout nom-
breux.
Or que voyons-nous ? Un nombre trôs-restreint de chro-
niqueurs instruits et intéressants. Et comme il faut gagner
sa vie, ces malheureux s'usent en un an, écrivant trois, qua-
tre articles par jour, soit vingt-cinq articles par semaine
pour dix journaux différents.
*
* *
Cet état de choses amènera évidemment une disette de
chroniqueurs et de littérateurs. C'est donc pour parer aux
inconvénients de cette disette que les trois capitalistes et les
deux journalistes ci-dessus désignés vont fonder le grand
bazar des idées qui fonctionnera de la manière suivante :
— Supposez, monsieur (c'est un des capitalistes qui parle),
supposez que notre bazar soit ouvert. Cela figurera assez bien
un immense magasin de gants. Tout autour seraient établis
des tiroirs numérotés. Beaucoup de jeunes gens très-bien
frisés et même de charmantes jeunes personnes à l'œil vif et
provoquant se tiennent derrière les comptoirs.
Entre un jeune provincial. La plus gracieuse de nos de-
moiselles s'avance vers lui.
— Mademoiselle, dit-il, je voudrais un feuilleton Saint-
Victor.
La jeune iille ouvre un tiroir à sa portée.
— Combien de lignes, monsieur?
— Trois cents.
— Voici, monsieur.
— Combien vous dois-je?
— On paye à la caisse, monsieur. Et la jeune fille, élevant
la voix, crie au caissier:
— Un Saint-Victor premier choix, trois cents lignes à
un franc.
Et le jeune homme, ayant déposé trois cents francs, va se
faire une réputation qui le conduira peut-être au Capitole.
— Alors, monsieur, dis-je au capitaliste, c'est une trom-
perie manifeste.
— Non, car ce dernier cas sera rare. Mais qu'un malheu-
reux chroniqueur ait mis ses idées à tremper dans une telle
quantité de Champagne, qu'il ne les retrouve plus le lende-
main, juste quand il lui faut un article soigné, il s'adresse
au bazar et trouve en cinq minutes son article tout fait.
Nous tiendrons également les articles pour les gens du
monde : petits vers, déclarations, acrostiches, marivauda-
ges, etc., destinés à faire briller l'esprit des imbéciles en so-
ciété. Nous aurons encore les proverbes pour la comédie de
salon que madame X... ou madame P... voudra bien payer
deux ou trois mille francs ; elles ont tant d'esprit !
* *
Ici j'arrêtai mon inlerlocuteur.
— Permettez, lui dis-je, mais pour pouvoir débiter ces ar-
licles, ces livres, ces mots, ces proverbes, ces drames, il
faudra bien que quelqu'un les fasse, et si vousles vendez aux
gens d'esprit, les imbéciles auront certainement beaucoup de
mal à faire aussi bien qu'eux.
— J'avais prévu votre objection. Vous êtes encore très-
naïf pour votre âge. Paris est plein de jeunes gens de
talent, qui imitent admirablement tous les styles avant d'en
avoir un qui leur soit propre. Ceux-là seront nos principaux
fournisseurs. Ensuite, il y a lts bohèmes, trop paresseux
pour écrire quelque chose d'original, qui arrangent de vieux
mots avec un goût exquis. Ce sont les savetiers du journa-
lisme, direz-vous? Soit, nous n'y regardons pas de si près.
Mon capitaliste s'échauffait.
— Enfin, monsieur, reprit-il, n'avons-nous pas aussi les
bagnes, les maisons de détention, qui renferment des indivi-
dus fort bien élevés : des notaires, des avoués, une foule de
bacheliers, monsieur, sans compter ceux chez lesquels l'es-
prit naturel remplace l'éducation. Nous ferons travailler
dans les prisons?
Et si cela ne suffit pas, nous avons sous la main une inven-
tion admirable. Il existe un ingénieur américain qui se met
à notre disposition, pour construire une machine de cin-
quante chevaux qui confectionnera des articles, des chroni-
ques, des échos, des romans.
A un bout de cette machine se trouvera un récipient dans
lequel vous mettrez tout simplement quelques vieux journaux,
et vous n'aurez qu'à faire trois pas pour retrouver hachés,
brisés, mêlés, reconstitués et rajeunis les articles les plus
connus.
Vous prendrez un dictionnaire de l'Académie, vous le
plongerez dans le récipient. Crac! vous trouverez de l'autre
côté une histoire de France en quarante volumes !
Mettez-y un code, v'ian ! voilà une A/faire Clemenceau du
meilleur aloi.
— Monsieur, votre idée est admirable, et à quand l'exécu-
tion?
— Dans un mois, monsieur, vous verrez, j'espère, sur le
boulevard Montmartre, maison Frascati, à l'ancien dépôt
des aquariums, une enseigne ainsi conçue :
AU CHRONIQUEUR VIDÉ
grand bazar des idées
Mais surtout, soyez discret.
— Comptez sur mon silence.
Ops.
UNE RÉCOMPENSE NATIONALE
Le 15 août fait s'épanouir bien des visages.
Pendant que les pauvres reçoivent des bons de pain et de
viande, on distribue aux affamés de considération plusieurs
pièces de ruban rouge.
Politiques, écrivains, commerçants, tout le monde en veut;
mais tout le monde n'en a pas.
Je souhaite aux chasseurs de récompenses d'en recevoir
d'aussi précieuses que celle que je raconte, et surtout de les
mériter autant que celui qui l'a reçue.
Un soir du mois da février 1840, un piéton, vêtu d'un
large paletot, la figure enveloppée d'un cache-nez, sortait du
couloir qui conduit aux coulisses du Gymnase,
Il était à peu près dix heures, le rideau venait de tomber
sur le dernier acte des Enfants de troupe, et la salle tremblait
encore des applaudissements décernés à Bouffé l'incompa-
rable.
Un enfant de douze à treize ans, portant la capote d'un
régiment de ligne, la tête coiffée de la casquette adoptée pour
les campagnes d'Afrique, vint à la rencontre du personnage
dont je viens de parler, et dit, en se dandinant sur ses han-
ches et en faisant le salut militaire :
— Pardon, excuse, bourgeois, si je vous arrête dans votre
itinéraire; mais faudrait que je sache où demeure, M. Bouffé,
le comédien, ou bien que je lui cause, si c'est possible, de
dessus son théâtre... pour affaire, même que j'ai eu pour ça
une permission de relard à la caserne.
— Mon ami, répondit l'homme au paletot, M. Bouffé
n'est plus au théâtre, et je doute que vous puissiez lui par-
ler chez lui ce soir, car il est fatigué et un peu malade, et je
pense qu'il se couchera aussitôt rentré.
— Fichtre, poursuit l'enfant, se grattant l'oreille, ça dé-
range les choses... Mais le connaissez-vous M. Bouffé, vous
qu'avez l'air d'être de la maison, et de flâner là en voisin.
— Je le connais.
— Eh ben, vous pourrez peut-être ben faire ma commis-
sion... c'est pas un secret : je suis chargé de remettre à M.
Bouffé... une récompense nationale, ji- L'homme au paletot
sourit. — Vlà la chose... les enfants de troupe de la nouvelle
France... la nouvelle France, c'est le haut du faubourg Pois-
sonnière ; donc les enfants de troupe de cette caserne ayant
vu sur l'affiche qu'on allait les jouer à la comédie, ont eu le
bonheur que la vivandière, qu'est bon garçon, les mène voir
le spectacle... Oh ! comme il est fameux, le Trim qu'est M.
Bouffé... oh! qu'c'est ça! L'tambour-major qu'était avec
nous, riait comme un bossu... et nous, j'pleurais. En sortant
de là, l'enfant de troupe véritable, c'était plus un homme,
nous pleurions à verse... Comme il vous pince ce rôle-là, t e
M. Bouffé !... Une idée nous est venue de lui offrir queuque
chose d'amical : si nous pouvions donner une croix d'hon-
neur, j'y aurais apporté ; mais le maître tailleur a dit qu'un
bonnet de police d'honneur, ça valait mieux, et que c'était
plus chaud... On a cotisé, on a fourni l'étoffe, un ancien a
brodé un B couronné d'une feuille de laurier, avec ces mots
au-dessous, toujours brodés :
Les enfants de troupe de la Noutxlle-France
à celui du Gymnase.
— Et voilà ! termina l'enfant en ouvrant sa capote et en
présentant un joli bonnet de police.
— Mon ami, dit son interlocuteur ému, ce cadeau fera
bien plaisir à M. Bouffé ; je le lui remettrai... je le connais...
Mais, comme vous ne me connaissez pas, voilà une pièce
d'or en garantie de ma fidélité...
— Une pièce d'or ! Eh ben ! excusez... j'ai pas d'envie de
m'acheter un remplaçant... Merci, j'en veux pas.
— Mon ami !... En ce moment la voix de l'homme au pa-
à saip
ment
Je mo mis à pleurer et
ncr du nez simultané-
LA PREMIERE AFFAIRE DU FUSILIER PILOR, par GÉDÉ0\ (Sipite).
— Bst-ee que vous vous prenez
pour des p-'kius, qui dit le sarment,
Iju'avail vu la chose Demain vous
vous aliénerez
— Mé battre, mé battre
avec Midou, mais je ne pour-
rai jamais.
Midou, lui, passa tonte la jour-
née à apprendre les armes pour
me tuer.
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Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La premiére affaire du fusilier Pilor, par Gédéon (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift:
"Jé me mis à pleurer et à saigner du nez simultanément."
"Est-ce que vous vous prenez pour des pekins, qui dit le sargent, qu'avoit vu la chose. Demain vous vous alignerez."
"Mé battre, mé battre avec Midou, mais je ne pourrai jamais."
"Midou, lui, passa toute la journée à apprendre les armes pour me tuer."
Signatur: "G"
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1866
Entstehungsdatum (normiert)
1861 - 1871
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)