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La Lune — 2.1866

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https://doi.org/10.11588/diglit.6785#0110

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2

LA LUNE

L'ÈRE DES MENUS

Je ne suis pas content du dernier menu de la Liberté, —
celui qui vient de paraître au moment où je mets la main à
la plume pour écrire cet article :

Potage à la citrouille.
Gigot bouilli sauce aux câpres.
Perdrix aux choux.
Éperlans frits.
Croûte aux champignons.
Crème aux prunes do mirabelle.

Voyons, baron Brisse, il faudrait voir à ne pas vous négli-
ger : potage à la citrouille, gigot bouilli, perdrix aux choux,
croûte aux champignons... Que diable! mais c'est commun
ça, vulgaire, bourgeois, rue Saint-Denis!

Il est vrai que vous ajoutez une phrase charmante à ce
défilé de mets prosaïques : « L'abondance et le bas prix du
gibier, dites-vous, bien plus encore que le temps orageux,
rendent aujourd'hui messieurs les saumons on ne peut plus
abordables. »

Messieurs les saumons, à la bonne heure ! voilà qui rachète
un peu le bouilli, la citrouille et les choux... Ventre-saint-
gris! baron, soignons nos menus, soignons-les!

*
* *

Aujourd'hui, tout procède par menus, et ceux ou celles
qui les fabriquent arrivent vite à la fortune et à la re-
pu lation.

Je parie qu'il y a beaucoup plus de gens connaissant le
nom de Sophie, la cuisinière du docteur Véron, que de gens
pouvant citer de prime-abord celui de l'ingénieur qui a pré-
sidé à la pose du câble transatlantique.

Voyons, vous qui me lisez, dites-le ce nom?

Le moment que nous traversons me paraît plutôt appar-
tenir au siècle des fourneaux qu'au siècle des lumières.

Après tout, le fourneau n'est-il pas un foyer?

* *

Le menu, tout est là.

Foin des questions sociales, et vive la question sanciale!

Ouvrez nos grands journaux, vous n'y trouverez plus les
mets substantiels d'autrefois, les premiers Paris bien pon-
dérés, bien écrits; les articles de dogme longuement pensés
et ayant des muscles sous leur enveloppe de phrases.

li en faut pour le goût du public, et on lui sert de chétifs
bulletins, de maigres entrefilets, où manque généralement
le beurre de la réflexion.

Nous n'avons plus le temps de mâcher, nous avalons;
aussi a-t-on soin de retirer du poisson toutes les arêtes qui
pourraient nous étrangler.

0 petits plats de la politique, que vous êtes menus, me-
nus, menus !

Ou si vous aimez mieux :

0 petits menus de la politique, que vous êtes plats, plats,
plats !

*

Et dans le roman donc!

A Chaillot les peintures de caractères ! Du Balzac, il n'en
faut plus !

Nous voulons des récits qui courent la poste sur les ailes
d'un style haché, menu, menu, menu, comme chair à pâté.

— C'est toi!

— Oui, moi !

— Quoi, toi !

— En doutais-tu?

— Tu trembles?

— Jamais.
-Ah!

Même chanson au théâtre.

Vous apportez une pièce à un directeur. Tl la lit... quel-
quefois. Enfin supposons qu'il la lise.

Un beau jour, vous vous décidez à aller lui demander son
avis louchant votre œuvre.

— Ah! fort bien, cher monsieur ; vous avez perpétré là
quelque chose de charmant.

Vous, naïf, vous commencez à boire du lait. L'itnprtts i<>
poursuit.

— Votre intrigue est intéressante, corsée, parfaitement
conduite, ménageant bien tous les effets.

Ce n'est plus du lait que vous buvez, c'est du nectar.

— Quant à vos personnages, ils se tiennent bien debout,
fidèles de la première à la dernière scène à leurs caractères
respectifs.

Le nectar est de plus en plus doux; vous vous en barbouil-
lez les lèvres.

— Et quel style! Permettez-moi de vous féliciter sur la>
façon dont vous écrivez notre langue.

— Vous êtes vraiment trop indulgent.

— Je ne suis que juste !... Sur ce, permettez-moi de vous
rendre votre manuscrit. - s

— Ah! oui, vous voulez que je tasse copier les rôles, afin
de mettre de suite la pièce en répétitions.

— Mais pas du tout.

— Cependant?

— Relus ! cher monsieur, le public ne comprendrait rien à
vos belles conceptions. Vous avez trop bien réussi pour lui.

— Plaît-il?

Il n'admet aujourd'hui que les œuvres sans rime ni rai-
son ; beaucoup de petits tableaux se reliant entre eux aussi
peu que possible par une intrigue uitrabanale, Je tout agré-
menté de chansons à cascades, de scènes d'imitaiion, de
danses excentriques, d'animaux savants et autres babioles.

Actuellement, on mettrait en action le récit de Théranièee,
avec un beau décor de Chéret et un monstre marin de car-
ton, à moins que le directeur ne puisse se procurer un cro-
codile vivant auquel on apprendrait à dévorer tous les soirs
le mannequin d'Hippolyle bourré de viande de cheval, et dont
les exercices de mastication attireraieuf tout Paris. Croyez-
moi, hachez vos idées; il nous faut du menu, fût-ce un
menu de crocodile.

*
* *

C'est aussi l'avis des modistes.

Admirez les chapeaux de femme, ils sont tellement me-
nus, menus, menus, qu'à peine les voit-on.

Toutes ces dames aujourd'hui ont l'air de se promener en
cheveux.

Si ces cheveux encore leur appartenaient !

De l'amour du menu est née, en musique, cette machi-
nette qu'on nomme l'opérette : petit poëme, petite partition,
interprétés dans de petits théâtres, devant un petit pu-
blic, par de petits acteurs, accompagnés d'un petit or-
chestre, ira- <f% a-lai nPM

Les volumes composés d'articles de journaux et de nou-
velles à la main, cousus on décousus à la queue leu leu,—tel
par exemple que le dernier livre du jeune Koning, —décou-
len également de l'amour du menu.

Le menu nous envahit.

Notre vie politique, littéraire et artistique est une vie de
menus propos, et un directeur intelligent, me dit-on, va
baptiser la nouvelle salie, qu'il fait du nom de spectacle des
Menus-Plaisirs. . mn

Dans toutes les professions, le succès est généralement
pour le petit fretin.

Peuple français, peuple de braves, gare au myrmido-
nisme! ,

Nox.

ROGER DE BEAUVOIR

Il y a huit jours, à Trouville, j'étais assis sur la plage. La
Manche me léchait les bottes avec la même écume dont elle
baïse illuminent, des pieds jusqu'à la têle, les corps fashiona-
bles des Amphitrites du Casino et des Aphrodites de l'hôtel
des Roches-Noires. Sur la jetée aux charpentes enfumées par
le goudron, des femmes en bonnet de coton hàlaient, avec une
mélodie plaintive et nasillarde, un gros bateau à voiles
brunes. Tout à coup, je vis accourir vers moi un garçon de
café qui agitait un journal. Ce garçon m'avait reconnu pour
un Parisien du boulevard, pour m'avoir vu causer avec
Orner, Raynard, Albert Monnier et Alfred de Caston.
Aussi m'apportait-il une primeur funèbre : le numéro de
Y Evénement qui annonçait la mort de Roger de Beauvoir.

Quoique l'âge eût creusé une sorte de fossé entre nous,
j'avais jadis été assez intimement lié avec ce charmant écri-
vain. Je le savais souffrant depuis longtemps; mais j'avais
toujours espéré que sa constitution robuste le ferait sortir
vainqueur de la maladie. 'Et voilà qu'on ensevelissait son ca-
davre à l'heure où j'apprenais la fatale nouvelle, et qu'un
abîme de cent lieues, ouvert entre la falaise normande et la
chapelle des Batignolles, m'empêchait de me joindre au cor-
tège d'amitiés qui allongeait son sillage derrière son cercueil.
Quoi ! la veille, rien ne m'avait averti que cette flamboyante
intelligence venait de sombrer dans le néant! La nature in-
souciante ne s'était pas émue. La lame ourlée de blanc avait
continué à déferler sur le sable en serpents d'étincelles; les
toilettes des belles dames avaient l'ait leur froufrou accou-
tumé; la pêche des crevettes n'avait pas été plus mauvaise,
et, le soleil emplissant l'horizon de lumière, les ailes des
bricks et des goélettes'n'avaient point cessé de papillonner
au large entre le ciel' et l'eau, comme des flocons de neige sur
un banc d'émeraudes et de saphirs. Que dis-je ! j'avais bu du
Champagne, le soir, à la villa Montebello, et le Champagne
n'avait pas frémi dans mon verre... Hélas ! ceux qui s'en

LA DERSÏÈRE

î fllORT DU R0CAIB0L1

Par GILL (suite)

C'était
lui ! mais
c'était un
cadavre ! 11

avait le
corps cris-
péjesreins
eusses, l'es-
tomac dé -
foncé, la tê-
te fêlée,les
j umbes é -
c rabouil-
lées, l'œil
poché , le
cœur brisé,
le nez rnang

Dans la Seine,
il y a une île
dans l'île, il y
a un cabaret;
quarante co-
quins y man-
gent, une ogres-
se les sert; ils
mangent des
arlequins.

Les coquins sont des gredins. ,
Voilà qui va bien : qu'on apportç le cadavre!
Le voilà; on l'apporte...

Un arlequin,
c'est un arle-

Un cabaret,
c'est une mai-
son bâtie en tw-
chis. Une ogres-
se, c'est une
beauté fatale et
hardie.

Est-ce bien un cadavre? — Une fois? — Deux fois? est-ce un
cadavre ? — Trois f...?
— As-tu fini, c'est Rocambole!!!
Alors il sera le chef des quarante gredins. É

Mais tout ça, ce n'était rien; il avait mieux que ça !

Il avait :

Une jolie boutonnikre
au milieu de la poitri-

^ ne.

Aie ! aie! aie !

Aie ! aie ! aie !

11 est temps de soi-
gner cet homme là!...
Allons-y !

Bravo !

Vive la joie et les
arlecrains !

Oui!... mais le pâtissier? C'est le pâtissier quiest le chef pour
le moment...

— Zut pour le pâtissier !

Seigneur! seigneur! que va devenir le pâtissier? Le voilà dans
le pétrin !

Il s'éloigne la rage dans le cœur. \
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
La dernière mort de Rocambole, par Gill (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Gill, André
Entstehungsdatum
um 1866
Entstehungsdatum (normiert)
1861 - 1871
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Frankreich
Rocambole <Fiktive Gestalt>
Karikatur
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

Rechte am Objekt

Aufnahmen/Reproduktionen

Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 2.1866, Nr. 27, S. 27_2
 
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