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LA LUNE
CROQUIS DE SAISON, par PÉPIN
Quelques fournisseurs. — Gare les notes à payer !
— D'abord nous ne recevons que des minis-
tres et des ducs... Grâce au ciel, nous n'avons
pas de relations avec les classes Inférieures.
E/Fet de brouillard. — Offrir un souper en cabinet
pari culier à une jeune et charmante femme, et recon-
naître en elle votre tante des Batignolles.
— Si ça fait pas suer... un caniche z'avec une robe,
et ça fait des conférences sur le pauvre monde 1
— Nom d'une bouteille, qué vent!... Paa moyen
de se tenir debout... Avec ça qui souffle de la Vil-
lette, comme dirait môssleu Tenillot.
Ah ! quel plaisir d'être soldat! !
— Et dire qu'il y a un monsieur Achard
qui chante ça avec beaucoup de chaleur...
Ou voit bien qu'il n'a jamais servi qu'à
l'Opéra-Comique.
— Vous avez l'infamie d'appeler ça de la musique de chambre, de la
musique sacrée. Dites plutôt de la sacrée musique...
— Monsieur Linot, mesurez vos expressions. Je vous ferai remarquer
qu'il y a ici des oreilles chastes 1
Lettres d'amis ou d'amonr, lettres char-
gées, tristes on gaies, c'est lui qui les porte
toutes, qu'il pleuve ou qu'il vente.— Vous
ne l'avez pas au moins oublié, ami lecteur,
dans la répartition de vos étrennes ?
LE JOI R DE L AN
Ne leur avoir pas même donné une orange
de deux sous ! Que je vous y prenne à retourner
chez votre grigou d'oncle !...
La nuit était noire et humide ; les rues, pleines de boue et de
tumulte ; le boulevard, insupportable de ioutiques et d'ache-
teurs...
Je regardais de tous côtés...
L'âme de la vieille année n'allait-elle pas passer — sur le coup
de minuit — avec un frémissement et un soupir?...
La vieille année ne passa pas!...
Elle craignait sans doute de rencontrer son fils, son héritier —
le Nouvel An — parmi tous les badauds, les filles et les nommes
soûls 1...
r Un monsieur, après avoir fait, chez Siraudin, l'acquisition
d'un superbe coffret, s'en va le faire remplir, chez un épicier, de
dragées à vingt-huit sous la livre.
— Permettez-moi, entame l'épicier, de vous faire observer que
ces bonbons sont de qualité inférieure...
— Bast.
— Je les crois môme très-mauvais.,,
— Peuh!
— Enfin, je ne vous cacherai pas qu'ils doivent être excessive-
ment nuisibles à la santé.
— Qu'est ce que ça me fait? Ce n'est pas moi qui les man-
gerai.
Mademoiselle M..., que subventionne M. de S...., habite en
face d'un magasin que je nommerai la semaine prochaine.
Dans le magasin, il y a des cachemires et des commis.
Mademoiselle M.... avait particulièrement remarqué un com-
mis, qui était joli, et un cachemire, qui était magnifique.
Le 31 décembre, au soir, elle vit entrer M. de S...
Celui-ci était suivi du commis...
Le commis portait un carton...
Dans le carton était le cachemire.
*
* *
—Ma bonne ami, dit M. de S... en désignant le jeune homme à
la jeune femme, voici monsieur qui a bien voulu se déranger
pour t'apporter mon cadeau d'étrennes... J'espère qu'il ne refu-
sera pas de prendre une tasse de thé avec nous...
Le commis se défendit vainement de l'honneur...
Bon gré mal gré, il lui fallut s'asseoir auprès de mademoi-
selle M...
Celle-ci était aux anges I
A onze heures, le gentilhomme se lova, prit le carton s'a-
dressant à sa maîtresse :
— Eh bien, ma chère, vous avez fait votre choix, n'est-ce pas ?
1 ' . am r-t- * - 'r?. »•„• .»».•
— Quel choix !
— Dame, je m'étais aperçu que monsieur et ce châle vous plai-
saient égalemént;' je vous lés ai apportés tous les deux, afin que
vous pussiez comparer; vous n'avez eu des yeux que pour mon-
sieur. Il e^t évident que c'est lui que vous préférez. Je vous le
laisse, et je vais faire cadeau du cachemire à ma femme.
Le fils d'un compositeur de la maison Towne, où s'imprime
le journal la Lune, M. J. Formigé, vient d'obtenir un succès
mérité à l'école des beaux-arts. Sa reproduction .de la cheminée
de l'hôtel du franc de Bruges lui a valu le premier prix d'archi-
tecture au concours de fin d'année.
Cela ne nous étonne pas : les typographes sont des hommes
intelligents qui ne reculent devant aucuns sacrifices, quelque
lourds qu'ils soient, pour aider leurs enfants à parvenir dans les
arts et les sciences.
Nous félicitons ce jeune homme, fils de ses œuvres, que ses
professeurs croient appelé à un brillant avenir.
Théâtres
Une aventure que nous avons racontée dernièrement, et que
Léon Gozlan avait rapportée avant nous, a fourni le sujet de la
nouvelle pièce de l'Ambigu.
Vidocq et Canler avaient déjà publié cet épisode de la Restau-
ration, et Victorien Sardou s'en était emparé pour introduire le
drame dans Maison neuve.
Un amant meurt subitement dans la chambre, entre les bras,
sous les baisers de la duchesse de Monte-Mayor...
Le duc est jaloux. Tandis que sa femme court à la préfecture
de police pour demander conseil au chef de la sûreté, il rentre et
trouve le cadavre...
La duchesse revient... *
Ici se place une fort belle scène :
Monte-Mayor, qui a fait disparaître le corps... du délit, feint
de ne rien savoir et engage avec la duchesse une conversation
insignifiante où il joue aveo la terreur, les angoisses et le déses-
poir que la pauvre créature est obligée de cacher, comme la griffe
du chat jongle avec la souris...
Puis, tout à coup, la colère bouillonne de son cœur à son cer-
veau, et il s'élance sur sa femme, une épéo à la main...
Heureusement un certain d'Aspinval se trouve sur son passage
et vous l'embroche galamment d'un très-joli coup de seconde !.. •
Un chevalier de la Table-Ronde; ce d'Aspinval!...
Tout pour les dames 1
* *
L'œuvre de Léon Gozlan a réussi.
Mademoiselle Périga est admirable dans le rôle de la duchesse.
Clément Just, le duc, et Castellano, le chevalier, m'ont rappelé
les deux cousins de Bazan : don Salluste et don César.
La Lune vous parlera prochainement des débuts de miss Addah
Menken à la Gaîté, et le crayon de Gill vous donnera le fac-
similé de l'intrépide amazone.
Bornons-nous aujourd'hui à constater le bruyant succès de lu
reprise des Pirates de la savane.
Dumaine, Manuel et Latouche ont été très-applaudis dans
Andrès, Paul Bénard et Ribeiro.
A Valentino
une dame grincheuse, à un monsieur. — Qu'est-ce que vous
avez donc à me regarder comme ça? Est-ce que vous voulez m'a-
valer ?
le monsieur, très-poliment. — Oh! madame, pendant dix ans
que j'ai été zouave, j'ai assez mangé de vache enragée !
Emile Blondet.
Le directeur-gérant : Daniel Lèvt.
paris. — imprimerie internationale de o. towne
9, rue d'abqukir.
LA LUNE
CROQUIS DE SAISON, par PÉPIN
Quelques fournisseurs. — Gare les notes à payer !
— D'abord nous ne recevons que des minis-
tres et des ducs... Grâce au ciel, nous n'avons
pas de relations avec les classes Inférieures.
E/Fet de brouillard. — Offrir un souper en cabinet
pari culier à une jeune et charmante femme, et recon-
naître en elle votre tante des Batignolles.
— Si ça fait pas suer... un caniche z'avec une robe,
et ça fait des conférences sur le pauvre monde 1
— Nom d'une bouteille, qué vent!... Paa moyen
de se tenir debout... Avec ça qui souffle de la Vil-
lette, comme dirait môssleu Tenillot.
Ah ! quel plaisir d'être soldat! !
— Et dire qu'il y a un monsieur Achard
qui chante ça avec beaucoup de chaleur...
Ou voit bien qu'il n'a jamais servi qu'à
l'Opéra-Comique.
— Vous avez l'infamie d'appeler ça de la musique de chambre, de la
musique sacrée. Dites plutôt de la sacrée musique...
— Monsieur Linot, mesurez vos expressions. Je vous ferai remarquer
qu'il y a ici des oreilles chastes 1
Lettres d'amis ou d'amonr, lettres char-
gées, tristes on gaies, c'est lui qui les porte
toutes, qu'il pleuve ou qu'il vente.— Vous
ne l'avez pas au moins oublié, ami lecteur,
dans la répartition de vos étrennes ?
LE JOI R DE L AN
Ne leur avoir pas même donné une orange
de deux sous ! Que je vous y prenne à retourner
chez votre grigou d'oncle !...
La nuit était noire et humide ; les rues, pleines de boue et de
tumulte ; le boulevard, insupportable de ioutiques et d'ache-
teurs...
Je regardais de tous côtés...
L'âme de la vieille année n'allait-elle pas passer — sur le coup
de minuit — avec un frémissement et un soupir?...
La vieille année ne passa pas!...
Elle craignait sans doute de rencontrer son fils, son héritier —
le Nouvel An — parmi tous les badauds, les filles et les nommes
soûls 1...
r Un monsieur, après avoir fait, chez Siraudin, l'acquisition
d'un superbe coffret, s'en va le faire remplir, chez un épicier, de
dragées à vingt-huit sous la livre.
— Permettez-moi, entame l'épicier, de vous faire observer que
ces bonbons sont de qualité inférieure...
— Bast.
— Je les crois môme très-mauvais.,,
— Peuh!
— Enfin, je ne vous cacherai pas qu'ils doivent être excessive-
ment nuisibles à la santé.
— Qu'est ce que ça me fait? Ce n'est pas moi qui les man-
gerai.
Mademoiselle M..., que subventionne M. de S...., habite en
face d'un magasin que je nommerai la semaine prochaine.
Dans le magasin, il y a des cachemires et des commis.
Mademoiselle M.... avait particulièrement remarqué un com-
mis, qui était joli, et un cachemire, qui était magnifique.
Le 31 décembre, au soir, elle vit entrer M. de S...
Celui-ci était suivi du commis...
Le commis portait un carton...
Dans le carton était le cachemire.
*
* *
—Ma bonne ami, dit M. de S... en désignant le jeune homme à
la jeune femme, voici monsieur qui a bien voulu se déranger
pour t'apporter mon cadeau d'étrennes... J'espère qu'il ne refu-
sera pas de prendre une tasse de thé avec nous...
Le commis se défendit vainement de l'honneur...
Bon gré mal gré, il lui fallut s'asseoir auprès de mademoi-
selle M...
Celle-ci était aux anges I
A onze heures, le gentilhomme se lova, prit le carton s'a-
dressant à sa maîtresse :
— Eh bien, ma chère, vous avez fait votre choix, n'est-ce pas ?
1 ' . am r-t- * - 'r?. »•„• .»».•
— Quel choix !
— Dame, je m'étais aperçu que monsieur et ce châle vous plai-
saient égalemént;' je vous lés ai apportés tous les deux, afin que
vous pussiez comparer; vous n'avez eu des yeux que pour mon-
sieur. Il e^t évident que c'est lui que vous préférez. Je vous le
laisse, et je vais faire cadeau du cachemire à ma femme.
Le fils d'un compositeur de la maison Towne, où s'imprime
le journal la Lune, M. J. Formigé, vient d'obtenir un succès
mérité à l'école des beaux-arts. Sa reproduction .de la cheminée
de l'hôtel du franc de Bruges lui a valu le premier prix d'archi-
tecture au concours de fin d'année.
Cela ne nous étonne pas : les typographes sont des hommes
intelligents qui ne reculent devant aucuns sacrifices, quelque
lourds qu'ils soient, pour aider leurs enfants à parvenir dans les
arts et les sciences.
Nous félicitons ce jeune homme, fils de ses œuvres, que ses
professeurs croient appelé à un brillant avenir.
Théâtres
Une aventure que nous avons racontée dernièrement, et que
Léon Gozlan avait rapportée avant nous, a fourni le sujet de la
nouvelle pièce de l'Ambigu.
Vidocq et Canler avaient déjà publié cet épisode de la Restau-
ration, et Victorien Sardou s'en était emparé pour introduire le
drame dans Maison neuve.
Un amant meurt subitement dans la chambre, entre les bras,
sous les baisers de la duchesse de Monte-Mayor...
Le duc est jaloux. Tandis que sa femme court à la préfecture
de police pour demander conseil au chef de la sûreté, il rentre et
trouve le cadavre...
La duchesse revient... *
Ici se place une fort belle scène :
Monte-Mayor, qui a fait disparaître le corps... du délit, feint
de ne rien savoir et engage avec la duchesse une conversation
insignifiante où il joue aveo la terreur, les angoisses et le déses-
poir que la pauvre créature est obligée de cacher, comme la griffe
du chat jongle avec la souris...
Puis, tout à coup, la colère bouillonne de son cœur à son cer-
veau, et il s'élance sur sa femme, une épéo à la main...
Heureusement un certain d'Aspinval se trouve sur son passage
et vous l'embroche galamment d'un très-joli coup de seconde !.. •
Un chevalier de la Table-Ronde; ce d'Aspinval!...
Tout pour les dames 1
* *
L'œuvre de Léon Gozlan a réussi.
Mademoiselle Périga est admirable dans le rôle de la duchesse.
Clément Just, le duc, et Castellano, le chevalier, m'ont rappelé
les deux cousins de Bazan : don Salluste et don César.
La Lune vous parlera prochainement des débuts de miss Addah
Menken à la Gaîté, et le crayon de Gill vous donnera le fac-
similé de l'intrépide amazone.
Bornons-nous aujourd'hui à constater le bruyant succès de lu
reprise des Pirates de la savane.
Dumaine, Manuel et Latouche ont été très-applaudis dans
Andrès, Paul Bénard et Ribeiro.
A Valentino
une dame grincheuse, à un monsieur. — Qu'est-ce que vous
avez donc à me regarder comme ça? Est-ce que vous voulez m'a-
valer ?
le monsieur, très-poliment. — Oh! madame, pendant dix ans
que j'ai été zouave, j'ai assez mangé de vache enragée !
Emile Blondet.
Le directeur-gérant : Daniel Lèvt.
paris. — imprimerie internationale de o. towne
9, rue d'abqukir.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Croquis de saison, par Pépin
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1867
Entstehungsdatum (normiert)
1862 - 1872
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 3.1867, Nr. 44, S. 44a_4
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg