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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0046

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LA LUNE

M, THIERS

Monsieur Thiers —, ces deux mots symboliquss imprimés sur
un petit carton représentent encore plus la personnalité que la
personne do l'orateur dont le crayon spirituel de Gill VOtis
donne aujourd'hui la physionomie.

Monsieur Thiers —, ce n'est ni le député, ni l'académicien, ni
l'ex-ministre, ni l'ex-journaliste, ni..., c'est monsieur Thiers. Com-
bien existe-t-il aujourd'hui, dans notre belle France, d'hommes
dont on puisse en dire autant'?

Il comptera soixante et onze années accomplies ië lfi du mois
prochain ; mais s'il a été hâtif comme les fruits de lil Provence;
sa patrie, il est encore vert et solide comme lêS {fiantes du
Midi, que n'atteignent jamais les rigueurs dë f MHfci Petit et
droit, la tôte campée au milieu d'épaules un pë(J trop épaisses ,
s'il n'avait pas tant de sang bourgeois dans léa VfÏHêgj il ailfâil
un faux air de l'aigle duJardin des plantes, qui Wgfgttë sort ro-
cher. Sous ses lunettes pétillent deux petits yëÙM rilbuiles qui un;
une puissance surprenante.L'homme, en total, a éËfjj alllires tirti-
ples, le type n'a rien d'étudié, ni pose de corps spéciale, ni at-
titude de tête, ni habitude d'habillement j il fi'ifitJUléié pflS, il
n'attire point, il ne repousse pas non plus1 ; il ittiëge ihdilPveiit.
Mais attendez... voilà qu'il se lève. Soit qu'il i'iëgffë a la Khc-
minéc du salon de son petit hôtel de la place Saint-Georges, soit
que commodément assis dans son fauteuil d'académicien, ou que
du haut d'une tribune, il parle, aussitôt le silence se fait auteur
de lui. Sa voi.t.qst petite .commejui, grêle comme lui, mais per-
sistante et vigoureuse comme sa petite personne ; c'est une clo-
chette un peu fêlée: d'abord on n'entend qu'un bruit d'ailes de
mouche; mais, au fur et à mesure que le silence se fait plus pro-
fond, la voix s'enfle, prend du volume et arrive à une ampleur
suffisante pour contenir l'attention de tous les auditeurs.

M. Thiers est un causeur : — un causeur en histoire — un cau-
seur en littérature — un causeur en politique. Il ne plaide pas,
il n'écrit pas, il parle, et il parle utilement, clairement, spirituel-
lement. Dans sa jeunesse, en 1819, M. Thiers concourut à l'aca-
démie d'Aix pour un prix dont le sujet était l'éloge de Vauve-
nargues ; on prétend que, sous deux noms ditférents, il écrivit
deux mémoires sous des1 points de vue également différents : l'un
des mémoires obtint le prix, l'autre l'aecessit. Je ne sais si le
fait est vrai; mais, s'il ne l'est pas, il aurait fallu l'inventer pour
caractériser le génie particulier de M. Thiers ; dans une ques-
tion, il n'est jamais empoigné par un seul côté; au contraire, il
cherche le fin et le fort, le menu et le gros, il bataille dans les
détails, les découpe et les élague, il les réunit ensuite ; pour lui,
un argument, c'est une muscade entre les doigts d'un prestidigi-
tateur : vous croyez que c'est le Vauvonargues du prix qu'il vous
montre ; eh bien, non, tfest le Vauvenargucs de l'accessit. — Pas-
sez muscade !

M. Thiers croit à la puissance de la parole. Napoléon a dit —
ceci n'est pas de la politique, c'est de l'histoire : — « L'empire
du monde appartient à celui qui sait bien formuler sa pensée. »
M. Thiers, qui volontiers se serait taillé un paletot dans la redin-
gote grise, a retenu cette parole. Il sait parler... Lorsqu'il ouvre
la bouche, il est sûr d'avance de ce qu'il va dire.

Ses moyens oratoires sont singuliers, personnels et très-décou-
pés. Des faits, encore des faits, toujours des faits I telle est sa
devise. Vous connaissez le travail de ce mineur qili va attacher
un pétard sous les murs d'une place assiégée; il descend au fond
de sa mine, donne un coup de pioche, puis remonte prendre de
l'air; il redescend, redonne un coup de pioche, et toujours ainsi.
C'est là l'image fidèle du mécanisme oratoire de M. Thiers ; ja-
mais vous ne le verrez se prononcer carrément contre son objec-
tif, il l'écorne d'un coup d'argument, puis il fait quelque éloge
à ses adversaires : c'est la bouffée d'air qu'il avale; puis il re-
pousse une botte assassine : toujours l'accessit et le prix pour
l'éloge de Vauvonargues, toujours le travail du mineur.

M. Thiers est affligé de la màiudie des hommes' d'esprit, il
aime faire des mots.

Sur tous les événements — sur l'éclipsé qui rate comme sur
l'homme nouveau qui surgit — M. Thiers dit son mot. Un char-
mant qui me revient et qui date d'il y a vingt-cinq ans peint ad-
mirablement l'action de M. Thiers sur les hommes qui l'ont ap-
proché, et dont il a toujours fait un peu la fortune, Un ingrat
l'avait quitté brusquement :

« M. X..., dit-il, a fait comme les bonnes cuisinières; aussitôt
qu'il a su faire la cuisine, il a changé de maître. »

Le nombre est incalculable des gens qui ont appris à cuisiner
chez M. Thiers, et qui l'ont lâche, pour me servir de l'expression
consacrée par le langage vulgaire. Malheùreusement la cuisine de
M. Thiors ressemble à la cuisine de son pays, elle a du goût,
mais elle est indigeste; elle n'engraisse que ceux qui la font et
donne la colique à ceux qui la mangent.

M. Thiers passe pour être le premier général en chambre du
dix-neuvième siècle, et les petits journaux de 1810 no l'appe-
laient que Mars icr, parce qu'il était ministre du 1ermars, et pré-
tendaient qu'il faisait admirablement manœuvrer les" soldats de
plomb. La vérité est que lorsqu'on lit dans l'Histoire cle la Révolu-
tion, dans l'Histoire du Consulat et de l'Empire, des récits de ba-
taille, on les touche du doigt, tandis qu'on ne comprend rien du
tout aux descriptions techniques des livres militaires. M. Thiors
se complaît dans les plans de campagne, les mouvements des ba-
tailles, les énumérations de corps d'armée; il fait mouvoir sur lé
papier les gros bataillons et les escadrons, il sonne la charge et
chante le Te Deum. Les gens du métier assurent que ses histoires

ne sont pas de l'histoire ; mais les gens du métier peuvent mettra
dans cette assertion un peu de jalousie.

M. Thiers aime les arts, il a débuté dans le journalisme par
un compte rendu de salon ; Usait la valeur des bibelots, et VAu-
tographe rënfeffne Me lettre à l'expert Mafthéim qui constate le
goût dorbotilme d'Etat pour la «curiosité.» OU dit qu'il possède
lâ plus bëlfê collection de gravures des maîtres italiens rjtl'bn
puisse nfîaginer.

H> Thiers a touché à tout et un peu en enfant terrible, caf 11 8
htlîd bien dos choses qu'il a touchées. Je n'ai pas le droll ct'ëfi
/lire ici davantage ; aussi je termine par un mot de l'homme jïf)-
Htique sur des adversaires qui lui reprochaient des faits trop" élé-
gants de son administration ministérielle :

« Ils se croient vertueux, dit-il, parce qu'ils sont mal élevés. »

J. R.

LES MIETTES DE LA SEMAINE

Le dernier pàrfUfebot arrivé de. Chine la séfflalHÔ 'dernière hbtiS ilfttcliH
si* bllitiûis, «ïortl (l'ois Chinoises, tJ„t vannent installer sur la MM lin
Imkan-fiews, $ i'inslar di-s iMiibhsH'lritftf* de mffl Hattire qui pullulent
sur les tleuves du Céleste-Empire. Ces batenvx-jteur.i font des cafés-
concerts flotlahtë d'un aspect des plus pittoresques. On y entend de la
musique chinoise, et l'on y consomme des nids d'hirondelles..., de l'har-
monie et de l'huile de ricin...

On nage- en pleine couleur locale. % .

Dans l'empire du milieu, ces jonques de plaisance ont encore une auti0
spécialité.;, assez scabreuse à expliquer. Les petites dames de l'endroit y
donnent leurs rendez-vous... C'est à bord de ces bateaux enchanteurs que
chacune vient faire son petit magot.

Le même paquebot nous a versé aussi une ambassade siamoise. Ce
peuple, assez rare sur la place de Paris, nous reposera un peu du Japo-
nais, qui a tant donné depuis quelques piois. H me semble que nous
n'avons pas vu ici d'échantillon du peuple dé Siam depuis les frèraê
siamois?..... ces jumeaux si unis qui ont fait l'admiration de la capitale.

Les fusils à aiguille ayant suffisamment fait parler d'eux cette année,
voilà les fusils à vent qui se incitent à cMiér les vitres. Pas de jour
maintenant où l'on ne signale quelque attentat mystérieux contre les
croisées donnant sur la rue.

Voici ce qui arrive régulièrement aujourd'hui : vous êtes en train de

digérer paisiblement au coin de votre feu un menu du baron Lirisse.....

qnand tout à coup un projectile vient faire un trou rond dans vos car-
reaux... Heureux quand on ne le reçoit pas ailleurs!...

On se perd en conjectures...

En y rélléchissant, tout de même..., est-ce que les vitriers ne seraient
point pour quelque chose là-dedans?... ,

Outre le tunnel qui doit réunir l'Angleterre à la France par un rail-
way sons-marin, H est encore question d'un pont suspendu supporté par
des piles s'élcvànt dn fond de la Manche pour donner passage ù un
chemin de fer. Les navires flleraicilt dessous, et les becs de gaz de la
voie serviraient de phares.

On ne demande que l(i millions de livres sterling pour mellro la chose
à exéculion : nne misère !...

C'est évidemment à un passager en proie aux nausées du mal de mer
que nous deveriis la première idée do cette jonction des côtés de France
à celles d'Atïjflétcrrc.

Quoi qu'il en soit, ce pont et ce chemin aérien nous semblent Être un
projet mi peii en l'air.

Une variante à la formule de l'avis : Fermé pour vaine de Héeè.i, en
usage dans le rommerce de détail. On pouvait le lire hier sur la devan-
ture" de BeHtt'in magasin dti boulevard :

lii.f.ï'.tti:

pour aujourd'hui SEULEMENT

Voici encore la question do l'impôt sur les célibataires qui revient sir
le lapis. On parle d'une pétition cquvede de signatures féminines qui va
être adressée au Sénat à ce sujet. D'un entre côté, on prétend que les
dames du monde interlope se proposent do réclamé* conlra l'adoption de
celte mesure. Elles perçoivent, en effet, des contributions assez élevées
sur celte classe de là société, pour désirer que l'administration ne leur
fasse pâs concurrence ert diminuant les ressources de leurs contribuables.

Ëlie PrebAult.

PÏUMË DE LA LUNE

Toute personne qui prendra un abonnement d'un
an à LA LuttS recevra gratuitement en prime tous les
numéros parus depuis le 25 novembre 1868 jusqu'au
15 mars lSfiT.

Envoyer directement le montant de l'abonnement
en mandat ou timbres-poste, à M. Daniel Lévy, direc-
teur du journal, 5, cité Bergère, à Paris.

POUR OU CONTRE ?

J'ai rencontré co matin mon ami Mitouchet en costume de
Vàj*a'ge.

— Il n'y a plus moyen d'y tenir, m'a dit Mitouchet; je quitte
Paris.

— Je la connais, c'est l'Exposition, tout augmente...

— Oh ! non, c'est bien autre chose.

Et Mitodchct m'a raconté ses infortunes.

* *

Mitouchet n'a pas d'opinions arrêtées, pas plus en politique qu'en
gastronomie ou autre chose; de là, ses malheurs.

Mitouchet remontait l'autre jour le boulevard. Au coin de la
rué llautcville, Brijti et Frapoin l'arrêtent :

— Tu vas nous dire ça?

— Quoi?

— lirijti prétend rjuë l'Inquisition a persécuté ce pauvre astro-
nome do Galilée, sur lequel M . Ponsard fait faire tous les soirs
tthé conférence en vers et en costume au Théâtre-Français.

— Certainement, dit Brijo, on l'a fourré en prison pour lui
prouver que la terre no bouge pas ! Quoi idiot I quoi crétin, (t
tcM ça îi caille de Josilé. Oh là là!...

— Mais puisque je vous dis qu'on l'a logé dans un beau palais;
que tous lil matins un inquisiteur venait s'informer de sa santé
et s'excuser de ce qu'on ne pouvait lui fournir un dîner selon les
menus du baron Brissc d'alors, ot qu'on lui demandait comment
il voulait employer sa journée ! Enfin Mitouchet va nous dire ça.
VoyonS; Mitouchet, prononce!

— Mais, sapristi, je n'y étais pas plus que vous, s'écrie Mitou-
chet. Laissez-moi tranquille. Je croirai, si vous voulez, que G-ali-
léo a persécuté l'Inquisition !

— Quel crétin ! s'écrièrent Briju et Frapoin.
Mitouchet avait perdu deux amis.

* *

Au faubourg Poissonnière, Mitouchet so trouve tout à coup en
face de Tauchardatot de Chatrumard.

— Mitouchet, s'écria ce dernier, n'est-ce pas qu'on fait bien
d'ôter cet idiot d'obélisque de la place de la Concorde, où il gène
tout le monde, et qu'on le plantera sur le Trocadéro?

— Avec ça! répliqua aigrement Tauchardat, Qu'est-ce que vous
lui voulez à cette aiguille égyptienne ? elle décore très-bien la
place, et vous avez beau l'appeler le gros caillou, ceux qui l'y ont
mise n'étaient pas si bêtes, voyons, dis, Mitouchet?

— Mais je ne sais pas moi; l'obélisque... c'est une affaire de
savants... qui comprennent les inscriptions.

— Quelle buse ! répondirent en chœur Tauchardat et Chatru-
mard.

Et Mitouchet s'en alla on pensant : J'aurais mieux fait de pas-
ser de l'autre côté.
C'est ce qu'il lit.

* *

— Tiens, Mitouchet, s'écria devant le passage des Panoramas
une voix qui appartenait à Brouillesec, ta viens bien : justement
nous no sommes pas du même avis, Poichonsin et moi. Tu sais,
il n'est jamais content do rien. Voilà qu'il trouve à redire à la
récompense nationale offerte à Lamartine , et Dieu sait s'il la
mérite !

— Est-co qu'on me demandera mon avis, à moi, et j'en paye-
rais ma part pourtant. Et que tu serais bien embarrassé si tu
devais me dire pourquoi on lui donne 400,000 francs. Je suis sûr
que Mitouchet est de mon avis.

— .le suis sûr qu'il est du mien.

— Mai?, dit Mitouchet, est-il bien sûr qu'on vadonner 400,000
francs à Lamartine ?

— Mais vous revenez donc de Pontoise ? s'exclamèrent Poichon
sin ot BroùiliBsec.

Mitouchet partit sans siluor et tourna Io coin de la rue Vi-
vionno pour éviter les rencontres des connaissances et des arbi-
trages sur le boulevard.

Devant la Bourse il vit deux de ses amis causant.

Pour leur échapper, il voulut passer do l'autre côté ; mais trois
omnibus, qui se croisaient en cet endroit, le forcèrent de retour-
ner sur ses pis et d'ontendre le dialogue des amis...

— Ils ouvriront.

— Jamais.

— A jour fixe.

— Ils ne seront pas prêts.

— Que si.

— Que non.

— Quel est votre avis, Mitouchet?

— Mais de quoi parloz-vous ?

— Vous êtes donc sourd? Il y a une heure que nous discutons
pour savoir si l'Exposition ouvrira le 1" avril. Vous allez nous
dire votre opinion.

— Je n'en ai pas là-dessus.

— C'est-à-dire que notre discussion n'est pas digne de votre
attention. Eh bien, merci !

— Allez-vous asseoir, s'écria Mitouchet furieux, et il entra au
café en tuce.

*

Là il tomba tout droit sur Brindinelle et Sintravo

rs, ses amis
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