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La Lune — 3.1867

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LA LUNÉ

LE BARON BRISSE

Le dos au feu, le ventre à table, l'estomac rempli de choses
exquises, l'âme détendue, le front épanoui, c'est à l'instant où
l'on vient de donner à regret le baiser d'adieu à sa serviette, en
attendant l'apparition bénie d'un café sans égal et d'un cigare sans
reproche, qu'il convient de parler du prêtre convaincu, que dis-
je, de l'apôtre du dieu Cornus, cette divinité rubiconde, à la tête
réjouie.

Ainsi fais-je !

Mais en ce moment solennel, avant que d'abreuvrer d'encre
ma plume, vierge encore, laissez-moi regretter d'être forcé, par
le temps qui me presse et par l'espace qui n'est pas mesuré, de
célébrer en vile prose une gloire aussi profondément nationale
que celle du baron Brisse, le « dernier boulevard » de la cuisine
française !

Qu'il m'eût été doux de composer en son honneur un poëmo
de seize mille vers, richement rimés, que j'aurais chantés sur
une musique composée tout exprès, en compagnie do cent cin-
quante marmitons, vêtus de neuf, portant des casseroles, ces
tympanons d'airain, et des grils, ces lyres aux cordes do ferl

* *

Hélas ! cette joie suprême m'est refusée , et les divins accents
d'Apollon doivent faire place à la langue naturelle du Bourgeois
gentilhomme.

AU right '.

A cette heure unique dans ma vie, qu'on me laisse évoquer,
pour me donner du courage, les gueulards illustres de tous les
temps, dont les vastes bouches sont à jamais fermées, cuisiniers
et gastrolâtres défunts dont l'histoire des cuisines a gardé le
souvenir impérissable. ,

Apparaissez, spectres obèses, mânes ventru?, ombres épaisses
de ceux que l'art de la bouche a décorés de rayons immortels !

Inppirez-moi, protégez-moi, goinfres et maîtres d'hôtel dé-
cédés !

Hercule, vaste mangeur, Eve, gourmande aux cheveux blonds,
et vous, les Apicius, les Trois-Gras do l'antiquité, mettez-vous &
ma droite ; ventricoles grecs et romains, placez-vous à ma gau-
che. — Trimalchion, Vitellius, Lucullus, Milon de Crotono, sa-
lut 1 — Salut aussi, Balthazar, Sardanapale et Nabuchodonosor.

Falstaff déploie les splendeurs de ton ventre; Gargantua, Gar-
gamelle, Grandgousier, Pantagruel et toi, leur père, Habolais,
soyez les bienvenus! — Gamache, tu peux entrerI Roi d'Yvetot,
bonjour !

Venez aussi sans distinction rie rang ou de fortune, maîtres-
queux et porte-chapes, fermiers généraux cousus d'or, goulus et
gloutons merveilleux, nobles seigneurs bien endentés : Vatel,
Carême, Béchamel, Griraod de la Ueynière, Coudé, Richelieu,
Cambacérès, d'Aigrefeuille, Brillât-Savarin, Camérani, Beauvil-
liers, Ducray-Dumênil, les Trois Frères provençaux, Désaugiers,
Véry, Robert, de Cutsy, Chabot, Potel, Chevet!

Salut cordial à vous tous, maîtres et aïeux du baron Brisse,
noblesse de vieille broche !

*
* *

Quant à vous, bons vivants spirituels, jolis entripaillés, rivaux
courtois du héros que je chante : — Rossini, A. Dumas, docteur
Véron, A. Jubinal, Monselet, Vachette, souriez à mes efforts,
conduisez ma plume. Que ma parole soit appétissante comme une
bisque, veloutée comme un coulis, onctueuse comme un roux
parfait, pleine de charmes comme les suites d'une poularde aux
truffes. Que mon stylo enfin soit à la hauteur du sujet que je
traite.

Où naquit le baron Brisse? je l'ignore. Probablement dans les
!>ouches...-du-Rhône, mais qu'importe I Le berceau des grands
hommes se dérobe toujours sous le voile du mystère. D'ailleurs

ils n'appartiennent à aucune localité ; ils sont citoyens du monde.
Plus tard, j'aime à me le figurer, sept villes sa disputeront
l'honneur de lui avoir donné le jour, comme s'il s'agissait de
notre vieil Homère.

Le baron a aujourd'hui — soyons discret — un peu plus de
cinquante ans. Mais le Temps ne semble pas l'accabler, au con-
traire I

De belle et haute taille, bien râblé, bien membré, il semble
bâti par les Romains, à chaux et à sable.

Large d'épaules comme Platon, la poitrine solide et vaste,
digno coffre de son estomac précieux, chargeant de son ventre
abondant des jambes que Salomon aurait pu prendre pour co-
lonnes de son temple, l'œil vif, la joue lourde et grosse, la lèvre
épaisse, tel se manifeste, — rose comme une jeune pivoine, à
moustaches noires, sous des cheveux poudrés à frimas par les
ans, — le rédacteur valeureux des menus de la Liberté, dont la
voix n'a aucune ressemblance avec la voix de Stentor.

:

Sous Louis-Philippe, le baron Brisse, garde général des forêts,
gagnait non-seulement un appétit formidable, grâce à l'air vif
du bois qu'il administrait, mais encore il méditait un livre dont
le titre seul est tout un poënao forestier ) « Des reprises à exercer
pour abus de jouissance dans les forêts de la liste civile. »

Cet ouvrage parut en 1849.

Rentré dans la vie privée, après la Révolution, le baron Brisse
se jeta dans les bras de la déesae de la Bonne-chère et y resta.

Son ventre se développait dans une heureuse oisiveté, lorsqu'il
prit fantaisie au gourmand expert de créer un journal : l'Abeille
impériale, où passèrent des rédacteurs d'un goût épuré.

En 1855, l'Album de l'Expotition universelle, œuvre de beaucoup
de mérite, fit son apparition dans le monde des albums, sous sa
direction. Ce travail obtint un succès véritable.

Mais à ce succès s'ajoutèrent bientôt les triomphes d'une four-
chette expérimentée, et les journaux commencèrent à s'entre-
tenir à voix basse de cet homme, décoré de plusieurs ordres, en
qui semblait devoir se perpétuer la race des fines bouches du
passé.

*

Soudain parut le journal à deux sous du bouillant Emile de
Girardin, Le baron tressaillit. 11 sentit que son temps était venu.
En effet, au milieu des mondes et des demi-mondes que le secré-
taire de la rédaction Virmaître avait organisés, se faufila tout à
coup le monde culinaire du baron Brisse.

Dès lors, Paris, ce ventre affamé qui a des yeux, s'il n'a point
d'oreilles, lut tous les jours, avec des cataractes d'eau à la bou-
che, les menus excentriques du gastronome en chef, menus exé-
cutés tous les soirs par le café de l'Opéra.

On sait sur quel ton lyrique le baron Brisse parla des comesti-
bles sans nombre de la Halle. Il fut d'abord austère, puis sédui-
sant, puis appétissant; onfln il finit par attendrir.

Parfois il s'indignait ; sa voix inspirée faisait couler des lar-
mes amôres des yeux do ceux que la table laisse froids et muets.
Bref, il opéra plusieurs conversions chez des profanes railleurs,
des buveurs d'eau, qui récitent, a l'heure qu'il est, leur meâ cutpû
devant sa prose alléchante.

*
* *

Je ne sais, pour terminer, si le solide gourmand de la Liberté
(pour qui une bonne chose est une chose « religieuse ») est de la
force des gourmets romains qui reconnaissaient, rien qu'au fu-
met, si le foie d'une oie avait été développé au moyen de figues
fraîches, ou au moyen de figues sèches ; mais je suis certain
qu'il appartient à la race de ceux qui, dans leur enthousiasme,
jettent avec plaisir margaritas ante porcos, des diamants devant les
cochons, ces « anges » comme les appelle Monselet.

Je n'ose ajouter, après ce qui précède, que le baron Brisse vient
d'entrer, comme causeur, à la rédaction du Figaro. Honni soit qui
mal y pense !

Le voilà donc au comble do la félicité abdominale, ce brave

baron. Tout lui réussit. Ses menus font loi, son public est qua-
druplé.

Aussi ce bonheur fait germer la basse jalousie dans mon âme,
et c'est avec ivresse que je me représente, parfois, le robuste ba-
ron devenu un martyr de la Science.

Le voyez-vous, devant une casserole en activité de service)
préparant une sauce blanche sans reproche. Tous les ingrédients
indispensables ont été mariés à propos. Hélas! la sauce ne veut
pas se lier!

Voyez-vous, dis-je, le baron Brisse se frappant le front comme
Galilée, en murmurant : E pur si muove, et pourtant elle tourne !

Ernest d'IIervilly.

LES VAUDEVILLISTES CHEZ EUX

RÉVÉLATIONS D'UN FROTTEUR (0

llarrlère (Xliéodore)

96, avenue dos Ternes. — Sa demeure, d'avril à septembre, est
une ravissante oasis, n'en déplaise à M. Wolff... qu'on appelait
autrefois le rôdeur de Barrière, et qui en est maintenant le dé-
bineur.

Berceaux d'arbres, allées ombreuses, corbeilles de fleurs,
vignes grimpantes, apportent à la vie agitée et fiévreuse de l'au-
teur des Parisiens un calme nécessaire, un repos réparateur.

Et ce n'est pas trop des odorantes effluves du printemps et des
tièdes exhalaisons de l'été, pour combattre les miasmes1 alcalins
des nombreux matous qu'entretient Barrière, rival en cela de feu
Richelieu, de Paul de Kock et de Théophile Gautier.

Le cabinet do Barrière est vaste et bien éclairé, une large table
de chêne occupe le milieu; j'y vois dessus le manuscrit à peine
achevé d'une réjouissante pièce en collaboration avec Stapleaux,
destinée au Palais-Boyal, et celui de la Vie à grandes guides, qui
replacera l'écrivain des Brebis galeuses à son véritable rang.

L'auteur des Faux Bonshommes vit encore!

Vu son éloignement du centre de la capitale, messieurs les co-
chers rechignaient pour ramener Barrière, le soir, à son domi-
cile ; un beau jour, le commissaire de police vint installer ses
bureaux à ce même numéro 90. Depuis lors les automédons
étaient empressés et polis avec leur client, et le reconduisaient
chez lui en un coup de fouet; il n'avait eu qu'à leur dire : Au
commissariat des Ternes !

Maintenant le commissaire est redéménagé : Barrière prend
tout bonnement l'omnibus.

A pied ou en voiture, il n'en a pas moins fait son chemin — et
un beau chemin.

C'est égal, je rechigne sur le frottage; les chats... c'est trop sa-
lissant !

Signe particulier : chez lui, M. Barrièro porto une casquette ;
quelquefois même, il sort avec elle dans le voisinage.

I*ea*walïet (Léon)

A son domicile dans ce même enclos des Ternes, illustré déjà
par Barrière, About, Armand d'Artois — un maréchal du flonflon,
décédé il y a quelques jours — et le poète Philibert.

Beauvallet a quelque peu lâché le Vaudeville pour le roman il-
lustré, et c'est tant pis!

Il a publié cependant, je ne sais où. une amusante étude des
théâtres de la banlieue, intitulée la Bohème dramatique,.que nous
retrouverons, je l'espère, un de ces quatre matins en volume.

Si le petit Léon voulait se remettre franchement à son genre
favori et ne craignait pas de collaborer avec un frotteur, j'ai à
lui proposer un titre de revue de fin d'année : l'An caustique.

(I) Voir les numéros des 21 et 31 mars.

LES ÉCUMEURS BE CLAMART

^;tl^",» ISOMAN saisissant» utiachnnt, étonnant9
stupéfiant, renversant, etc.,,, etc...

Par GILL,

— Suile et lin —

« L'intrépide et beau jeune homme reprend sa course vertigi-
neuse à l'issue de cette belle action, J'en profite pour placer de
a rechef cette interrogation :

— Où va-t-ilet j'ajoute...

— Mystère !

a Ça me fait deux lignes ; c'est toujours ça de gagné.
« 11 va chez le mouleur, et c'est là que je place adroitement
« mon quatrième chapitre intitulé

Le mouleur des tronclies sanglante»

Agénor de Torchetux franchit le seuil terrible en comprimant
de» deux mains son pauvre cœur..................

Pâle comme un spectre, il essuyait la sueur qui dégouttait do
son front livide............................

Sur la table de marbre noir étaient rangées sinistrement cinq

tronches exsangues, cinq tronches de guillotinés, pâles comme
des spectres.............................

Le vicomte pâlissait visiblement.................

Un rictus horrible..........................

Une odeur fade et étrange, l'odeur du sang ! !...

« Vous voyez ça d'ici : C'est charmant; mais j'abrège, j'ai en-
« core une phrase qui commence comme ça :

L'étrange et mystérieuse ressemblance des misérables qu'a frap-
pés l'inexorable glaive... « J'en ai encore bien d'autres ; j'en ai
« tant que je veux. J'ai tant de talent ! Le jeune monsieur Cha-
brillat n'en a pas davantage, je le parierais.

« Au reste, je no doute pas qu'on ne m'achète sous peu le droit
<t d'imprimer mon grand roman, que je veux vendre très-cher,
« et alors vous connaîtrez tous les jolis détails de mon volume.

« Pour le moment, contentez-vous de la charpente.

« Vous avez deviné que mon Agénor chéri cherche toujours la
« tronche de son beau-pire bien-aimé.

« Il ne la trouve
« pas chez le mou-

LJ^Xffllffl/. « tronches ne sont

^ WiA « pas celle qu'il faut

^■""-J^Nim « à Trombolina. —

« Il repart! après
« avoir écrit un mot
« d'espoir à la ba-

^~^'^r^~~^;^^>- « ronne.

« Course vertigi-
S « neuse, etc. H bon-
« dit enfin dans un
s\'.Jr « de mes plus beaux
« chapitres, celui

« que j'appelle :

t,o court-bouillon des cadavres ou la marmite à
squelettes

«Je conduis le lecteur en un riant paysage où cent carabins,
« le sourire aux lèvres, dissèquent nuit et jour en chantant.

« Au centre de la salle est un pot-au-feu. Ici je glisse quelques
« plaisanteries de bon goût, et tout d'un coup... je découvre la
marmite...

Horreur ! !

« Des cada-
« vres ! des
« cadavres!..
« j'en mets
« plein la
« marmite.,.
« Ils s'y bâ-
te lancent, ils
« sautent, pa-
ît raissent et

« disparaissent, dansent et mijotent, le père avec le frère, la
« sœur avec le petit et la fille avec la croix de sa mère.

« Je compte beaucoup, mon cher Polo, sur cette petite scène
« de famille pour jeter du vague à l'âme de ma concierge, et je
« crois qu'avec deux ou !trois calembours que j'y mêlerai, mes
» lecteurs auront de l'agrément.

« Mais continuons :

« Vous pensez bien que Torchetux, qui cherche toujours, ne
« trouve pas là encore la tronche précieuse qui fait le nœud de
« mon intrigue.

« Il repart.

« Course vertigineuse, etc....
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Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
Les écumeurs de Clamart, par Gill
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
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Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
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Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Gill, André
Entstehungsdatum
um 1867
Entstehungsdatum (normiert)
1862 - 1872
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

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Mann <Motiv>
Schreibfeder
Frankreich
Karikatur
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

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Universitätsbibliothek Heidelberg
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Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 3.1867, Nr. 58, S. 58_2
 
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