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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0099

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la tuni

8

« la terre fraîchement remuée... On remarquait dans l'assistance
« MM. A., B., G., D.»(Les Amis du Chroniqueur.)

Plusieurs donneront in extenso le plus ronflant des discours dé-
bités, non point pour faire l'éloge du mort, mais pour faire de la
réclame à l'auteur vivant.

Quelques jeunes gens parleront de « monument à élever, »
mais leur voix sera étouffée...

Puis les anecdotes pleuvront à torrents dans les* ohron:ques,
sans compter les biographies.

Les révélations suivront : « Ga pauvre X avait une singulière
« manie ; il aimait à mettre dans ses poches, au dessert, les
« couverts d'argent de ses hôtes, en murmurant : rien n'est beau
o que le vrai ; le vrai seul est vendable h

Le lendemain, à ce sujet, lettre de rectification d'un ami, dans
le journal : « Non, mon pauvre X... ne volait pas les couverts. Il
était gâteux, voilà tout, depuis trois ans. On ne saurait reprocher
à un enfant... etc. »

Cependant, on s'empressera de publier des vers inédits du poëte
regretté. Ces vers, comme toujours, seront exécrables ou mal
choisis. Cet habile hommage sapera la légitime réputation du
malheureux.

Trois jours après l'inhumation, le libraire Z... fera insérer cet
avis dans les journaux : « La librairie Z... vient de mettre en
« vente le dernier roman de X... Sa mort récente donne une
« piquante actualité !... »

La Comédie française reprendra une do mes pièces. M. Thierry
fera subir des changements au dialogue. C'est son tic, à cet
homme!

En sortant du théâtre, un auteur dramatique de mes amis
s'écriera: « Pas fort, tout do même, le deuxième acte! X... n'a
« jamais voulu m'ôcouter; je lui disais.....»

A dîner, chez Brébant ou chez Bignon, on m'érointera sec et
dru. « On doit la vérité aux morts ! »

Le journal en vogue reproduira une nouvellede moi, en la
faisantprôcéder d'un boniment... sorti du cœur du caissier.

Mon portrait — d'après une photographie do M. Pouillemolle
(toujours de la rédame) — s'étalera à la première page des recueils
illustrés. Ce portrait sera affreux : un air de gredin, un habit de
forçat libéré.

Pendant un mois encore, de ci de là, dans les feuilletons, dans
les articles, ditsvariétés, mon nom prononcé ou des citations prises
dans mes'œuvres, me rappelleront à la mémoire de la foule qui
dira : « Ah ! oui ! chose?... Il est mort, n'est-ce pas ? »

Sur les quais, dans la boite à 90 centimes, on commencera à
trouver des volumes non coupés, pariant sur la page consacrée aux
dédicaces : — « à mon meilleur ami, à mon vieux camarade..., son
copain X. « ou encore » à monsieur de S..., hommage des plus sym-
patiques X...

De 90 centimes, un joli prix, mes livres tomberont à 50 cen-
times. Le dos blanchira, les côtes conserveront leur couleur.

Quelques années après ma mort, on trouvera, à la première
représentation d'une comédie d'un Sardou futur, que le fonds de
la pièce se trouve contenu en entier dans une de mes nouvelles
oubliées.

Ma veuve, la pauvre femme, délaissée depuis longtemps par
les hôtes de mon salon, n'en saura rien, et ne réclamera pas.
Mais mon éditeur, qui déclarera avoir été un père pour moi,
jettera des cris perçants et intentera un procès au dramaturge.

A ce propos, la partie adverse fera observer que o l'illustre
« mort prenait également son bien où il le trouvait. »

Après ce bruit d'une heure, l'oubli pesant m'enveloppera de
nouveau.

Enfin, suprême félicité, dans un siècle peut-être, un jeune
homme, un chercheur, demandera les Œuvres complètes de X..., à
la Bibliothèque impériale.

Et tout sera dit.

Ernest d'Hervillt.

PRIMK DK LA LUNE

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juin

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en mandat ou timbres-poste, à M. Daniel Lévy, direc-
teur du journal, 5, cité Bergère, à Paris.

GAZETTE A LA MAIN

A la bonne heure, au moins : Paris a la fièvre !
La fièvre de la vie, du mouvement, du plaisir!...
La fièvre de l'imprévu, de l'extraordinaire, de l'inouï !...
La fièvre des cortèges, des réceptions, des bals, des courses.
revues, des spectacles, des galas, des musiques !...

La fièvre de l'émotion, — aussi, — de l'indignation et de la
protestation !...

Chaque jour — en ce genre— lui ramène son pain! que dis-
je? son nanan, son bonbon, sa brioche! Hier, c'étaient les Francs-
Tireurs. Aujourd'hui, c'est le czar, c'est M. de Bismark, c'est le
roi de Prusse. Que sera-ce demain? Peut-être le grand Mogol, ou
l'orphéon de Fouilly-aux-Oies? Peut-être le.khan de Tartarie ou
les sapeurs-pompiers de Bouzy-le-Têtu ? Dieu et le Moniteur
le savent!

Pourquoi faut-il que ces liesses internationales aient été trou-
blées — jeudi soir — par un attentat insensé qu'il est de notre
devoir de déplorer ici de toutes les forces de notre vieille réputa-
tion de courtoisie et de loyauté?...

A propos de souverains étrangers, j'ai entendu l'histoire qui
suit :

Fontenay, — nn bon comédien du temps passé, — étant allé
donner des représentations à Anvers, se promenait un matin sur
les remparts.

Un particulier — modestement couvert — flânait sur un plan
parallèle...

Un coup de vent lui enlève son chapeau et le jette au fond du
fossé...

Fontenay reconnaît le roi de Hollande!

*

* *

Ce prince jouissait d'une bruyante réputation d'affabilité et de
munificence à l'endroit des artistes—et notre comédien n'eût
pas été fâché d'en éprouver les effets...

Il s'approche aussitôt, sans témoigner qu'il sait à qui il a
affaire, et offre à Sa Majesté son prorrj couvre-chef pour rem-
placer celui qu'elle vient do perdre...

Le roi accepte gracieusement...

— Venez demain, à midi, au palais, rechercher votre chapeau,
ajoute-t-il.

... Ici, je passe la parole à Fontenay lui-même :

*

— Je ne me sentais pas de joie ! Etre introduit à la cour, causer |
avec une tête couronnée, recevoir d'une main auguste un souvenir,
une tabatière, une décoration !... Ah ! monsieur, je no dormis
pas de la nuit, et, le lendemain, plein d'agitation, de crainte et
d'espérance, je me présentai, à midi, au château, en costume de
cérémonie !... Eh bien....

— Eh bien?

— Eh bien, je trouvai mon chapeau chez le concierge.

Je rencontre des choses éminemment réjouissantes dans le
Rapport annuel lu — le 27 mai dernier — à l'Assemblée générale de
l'Association des Artistes dramatiques. Ces choses foisonnent à ce
chapitre du Rapport qui a trait aux dons et aux libéralités volon-
taires des membres de ladite Association. J'en veux détacher
quelques-unes. Écoutez :

« M. Blandin, directeur du théâtre de lleims, nous a adressé
77 fr. 50 c, fruit d'une petite loterie improvisée dont le lot unique
était une jarretière de mariée, celle de MlleLéontine Toudouze,
maintenant Mme Vauthier. »

Soiixante-dix-sept francs cinquante, une jarretière de mariée —
remarquez, en passant, comme les cinquante centimes donnent un
petit air honnête à ce caoutchouc nuptial — c'est pour rien, en
vérité, surtout si la mariée est jolie !

Je regrette que le Rapport ne nous ait point édifié à cet endroit,
en nous apprenant combien Mlle Léontine Toudouze porte de
centimètres au-dessus ou au-dessous du genou.
• Au moins, celui qui l'a gagnée, cette jarretière dans les prix
forts, a-t-il eu le droit de la décrocher lui-môme?
Du reste, il n'y a que la première jarretière qui coûte...
Pendant qu'il y était, pourquoi M. Blandin n'a-t-il pas mis la
seconde en loterie, et, après celle-ci, les bas blancs, les souliers
de satin, le bouquet, la couronne et toutes les autres différentes
pièces de la toiletts de sa pensionnaire?

Il me semble seulement que, dans ce cas, ce n'est pas la géné-
rosité du directeur, M. Blandin — mais celle du mari, M. Vau-
thier — qui devrait être mise à l'ordre du jour.

*

Le Rapport poursuit :

« A la suite de la dernière assemblée générale, les membres
do votre comité se réunirent pour fêter le succès de notre excel-
lent collègue Omer, comme secrétaire-rapporteur. Au dessert,
M. Castellano se leva, tenant une de ces figurines qui dansent au
bout d'un caoutchouc :

« — Elle est aux enchères, nous dit-il, à la mise à prix de
dix centimes. Tout le monde peut surenchérir, mais j'aurai seul
le droit de racheter et do prendre livraison.

«De 10 centimes en 20 centimes jetés instantanément sur la
nappe, en une seconde la figurine monta à 22 sous. De par la loi
élaborée, édictée et promulguée par lui, M. Castellano la rachète 25
et la remet aux enchères sur les mêmes bases. Elle arrive à 5 fr.
Omer se lève et prend la parole :

« Messieurs, dit-il, notre collègue Dumaine n'a pu, à son
grand regret, assister à notre réunion; il est mis à l'amende, et
je porte en son nom l'enchère à 10 francs.

« Castellano se contenta de jouir du résultat de son idée, et la
poupée allait être adjugée au directeur de la Gaîtô, quand M. Bon-
nesseur, jaloux de sauver la dignité hiérarchique de l'Opéra, sur-
mène d'un bond prodigieux jusqu'à 20 fr. Devant les rayonne-
ments fauves du louis rebondissant sur la table, le Drame courba
la tête et l'Opéra fut mis en possession du petit bonhomme. »

Qu'est-ce que vous dites des rayonnements fauves du louis rebon-
dissant sur la table?
; Comme on voit que ces gaillards-la ont joué quelques mélo-
drames et qu'ils en feraient au besoin ! I

Et comme cette prose où l'image rayonne venge suffisammen
l'association de3 artistes dramatiques de Mlle Paurelle qui écrit
puerystile, et de Mlle Grônisse qui prononce ormoire !

*

Allons toujours :

« Le succès de cette opération mit les imaginations en éveij.
M. Emile Thierry offrit comme appât aux enchérisseurs un por-
trait gravé de S. M. l'Empereur. Quand les enchères furent cou-
vertes à la satisfaction du cessionnaire, le portrait fut livré au
plus olt'rant. C'était un timbre-poste — pour Paris — et en vert
encore ! »

En vert encore'....

Il y a là sans doute nn mot, un trait, une pointe!...

Ne nous arrêtons point à ces bagatelles de l'esprit !

Que diable ! messieurs do la Comédie, livrez-vous sans remords
à tous les enfantillages de la bienfaisance, puisqu'ils peuvent être
utiles à ceux de vos camarades qui [font partie [de {votre [coterie,
mais ne souffrez point qu'on les imprime !

Autrement je croirais que l'espoir de cette publicité est pour
beaucoup dans vos ingéniosités!

Exercez la charité.

Ne la ridiculisez pas.

Le fusilier Pilou lit le journal à haute voix dans la chambrée

— Nouvelles maritimes : La traversée à Londres de notre ambas-
sadeur a été favorisée par un bon vent de S.-E.

Le fusilier s'arrête et se gratte l'oreille...

— Bon vent deS.-E,... Bon vent de S.-E.... Qu'est-ce que ça
signifie ?

Toute la chambrée regarde le sergent,..
Celui-ci étend le bras :

— Passez-moi la Gazette, être innocent et subsidiaire!
Puis, aprè3 avoir jeté un coup d'œil :

— Que c'est une abréviation diplomatique, et que, les abrévia-
tions diplomatiques, elles n'ont pas de secret pour moi!

— Alors, vous savez ce que ça veut dire?

— Parbleu ! Ça veut dire : La traversée à Londres de notre ambas-
sadeur a été favorisée par un bon venl de SON EXCELLENCE, voilà
ce que ça veut dire!

Un joli mot d'Adrien Marx que je retrouve dans le numéro du
Gaulois du 4 novembre 1860 :
C'était chez Dinochau, — vendredi dernier.
D..., qui était un peu lancé, dit:

— Voilà douze ans que j'étais gris. Je me suis dégrisé au-
jourd'hui.

— Diable ! dit Marx, vous avez dû trouver la France joliment
changée.

Quelqu'un se plaignait du peu d'effet que produit—aujour-
d'hui —>' Mme Doche dans la scène du souper de la Dame aux Ca-
mélias.

— Que voulez-vous? hasarda un Dochiste, pendant le premier
acte, le rôle est aride.

— Alors, riposta un partisan de Phèdre-Duverger, elle a tout
ce qu'il faut pour le jouer.

Tliéàti-e»

J'espérais bien vous parler aujourd'hui du Rcre Gâchette, et de
Frédérick...

Mais la pièce et le comédien — le grand comédien dont la Lune
vous offre, par anticipation, la biographie et la charge — ne se-
ront guère prêts qu'à l'heure où nous mettrons sous presse...

Nous vous les raconterons la semaine prochaine.

D'un autre côté, M. Eugène Déjazet nous tient rancune, — du
diable si je sais pourquoi! — ni lui non plus — probablement —
et néglige avec soin de nous convier à ses petites fêtes de famille...

Lorsque c'est M. de Jallais qui en fait le fond, nous considé-
rons cet oubli volontaire comme une délicate attention.

Mais quand la femme charmante, qui a l'esprit de ne pas vieil-
lir, ranime de son inimitable personnalité une de ses plus frin-
gantes créations du passé, — le Vicomte de Lêtoriéres, par exem-
ple, — c'est différent : nous sommes furieux — et, ma foi, gare
au premier vaudeville de M. Dunan-Mousseuxl

Reprise du Courrier rte Lyon

Ce fut le 8 floréal an IV de la République française — une et
indivisible, — que la malle-poste de Paris à Lyon fut, entre
Montgeron et Lieursaint, arrêtée et attaquée par cinq bandits :
Dubosc, Durochat, Rossi, Vidal et ce muscadin Couriol, que feu
Lequien incarnait avec un réalisme si puissant de physionomie,
de costume et de terreur.

Gouriol et ses complices — à l'exception de Dubosc — subirent
en place de Grève la peine capitale, le 10 mars 1797.

Malheureusement, une ressemblance fatale, jointe à un inex-
plicable concours de circonstances, avait fait asseoir un innocent
au milieu d'eux sur la sinistre et sanglante charrette.

Quelques années plus tard, Dubosc, condamné à mort pour
d'autres crimes, avouait qu'il avait été le principal instigateur
du meurtre du courrier de Lyon et de son postillon, et que Le-
surques avait été injustement guillotiné à sa place.

Le théâtre de la Gaîté n'a pas moins contribué à la réhabilita-
tion de cet infortuné que l'éloquente parole de certains orateurs
et les réclamations du pauvre Môquillet.

Le soir do la lecture du Courrier de Lyon aux comédiens, Paulin
Mônier sortit du cabinet de M. Ilostcin, furieux et navré à la fois.

Son rôle — celui de Chopard — n'était qu'une simple utilité,
un modeste accessoire, une panne, comme on dit dans le javanais
des coulisses !
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