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l'apocalypse d'élie
Steindorff n'a pas poussé plus loin la recherche, et s'il
l'eût fait il serait sorti du plan qu'il s'était tracé. Je regrette
pourtant qu'en sa qualité d'égyptologue il n'ait point cherché
à pénétrer au delà de l'auteur juif, et qu'il ne se soit pas
demandé si les idées et les images mises en jeu par ces
Égyptiens d'extraction et de religion étrangères ne se
rattachaient point par certains côtés aux idées et aux images
des Égyptiens indigènes. Un détail de l'Apocalypse anonyme
l'avait frappé comme appartenant sans aucun doute aux
mythes d'époque pharaonique; la balance sur laquelle on
pèse le mal et le bien lui avait rappelé aussitôt la balance de
Thot au tribunal d'Osiris1. J'imagine que, s'il avait continué
ses investigations, il aurait trouvé sans difficulté des ressem-
blances fort curieuses entre la conception que son auteur se
fait de l'autre monde et celles que nous connaissons aux Égyp-
tiens. Sans entrer dans le détail, ce qui serait hors de propos
ici, on peut affirmer d'une manière générale que l'anonyme
se représente l'enfer comme une cité aux portes de fer et
de cuivre d'où s'échappent des flammes, et dans l'enceinte
de laquelle habitent des êtres aux faces bestiales, hommes
à tète de panthère armés de fouets, serpent à tête de lion et
à crinière de femme; les damnés plongent dans une mer de
feu. Pour passer de cet enfer au séjour des élus, l'anonyme
monte dans une barque divine; à peine déposé sur la rive
bienheureuse, on le pèse dans la balance, et, le résultat
constaté, un ange le proclame inscrit au Livre de vie. Tous
ceux qui ont étudié les dogmes funèbres de l'Égypte pharao-
nique connaissent bien ces villes éternelles, où le double
allait habiter lorsqu'il abandonnait enfin le tombeau dans
lequel sa momie reposait. Elles avaient des murailles, et l'on y
accédait par des pylônes ou par des portes simples, dont les
battants, bardés de métal, étaient défendus magiquement
par un serpent immense, puis par des rangées d'urœus
1. Steindorff, Die Apo/ialypse des Elias, p. 57, note 5.
l'apocalypse d'élie
Steindorff n'a pas poussé plus loin la recherche, et s'il
l'eût fait il serait sorti du plan qu'il s'était tracé. Je regrette
pourtant qu'en sa qualité d'égyptologue il n'ait point cherché
à pénétrer au delà de l'auteur juif, et qu'il ne se soit pas
demandé si les idées et les images mises en jeu par ces
Égyptiens d'extraction et de religion étrangères ne se
rattachaient point par certains côtés aux idées et aux images
des Égyptiens indigènes. Un détail de l'Apocalypse anonyme
l'avait frappé comme appartenant sans aucun doute aux
mythes d'époque pharaonique; la balance sur laquelle on
pèse le mal et le bien lui avait rappelé aussitôt la balance de
Thot au tribunal d'Osiris1. J'imagine que, s'il avait continué
ses investigations, il aurait trouvé sans difficulté des ressem-
blances fort curieuses entre la conception que son auteur se
fait de l'autre monde et celles que nous connaissons aux Égyp-
tiens. Sans entrer dans le détail, ce qui serait hors de propos
ici, on peut affirmer d'une manière générale que l'anonyme
se représente l'enfer comme une cité aux portes de fer et
de cuivre d'où s'échappent des flammes, et dans l'enceinte
de laquelle habitent des êtres aux faces bestiales, hommes
à tète de panthère armés de fouets, serpent à tête de lion et
à crinière de femme; les damnés plongent dans une mer de
feu. Pour passer de cet enfer au séjour des élus, l'anonyme
monte dans une barque divine; à peine déposé sur la rive
bienheureuse, on le pèse dans la balance, et, le résultat
constaté, un ange le proclame inscrit au Livre de vie. Tous
ceux qui ont étudié les dogmes funèbres de l'Égypte pharao-
nique connaissent bien ces villes éternelles, où le double
allait habiter lorsqu'il abandonnait enfin le tombeau dans
lequel sa momie reposait. Elles avaient des murailles, et l'on y
accédait par des pylônes ou par des portes simples, dont les
battants, bardés de métal, étaient défendus magiquement
par un serpent immense, puis par des rangées d'urœus
1. Steindorff, Die Apo/ialypse des Elias, p. 57, note 5.