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M. BERTHELOT.
fournies par l'analyse pour la provenance des métaux que je viens de nommer, ainsi que pour la
connaissance des procédés suivis dans leur fabrication.
Je m'occuperai d'abord du cuivre, de l'étain et du bronze, formé par leur alliage.
Le cuivre peut être obtenu par le traitement du cuivre natif, comme on l'observe avec les
minerais du Lac Supérieur, dans l'Amérique du nord. Mais le plus ordinairement on le prépare soit
par la réduction de ses minerais oxygénés (oxydes, carbonates, etc.), soit par le grillage de ses
sulfures simples ou complexes, combiné avec l'emploi des agents réducteurs. Quels étaient les pro-
cédés suivis dans l'ancienne Egypte? Pour le savoir, il faudrait bien connaître les minerais exploités
à cette époque, et spécialement ceux du Sinaï, si importants à l'époque des premières dynasties.
Les mines existent encore, ainsi que les traces des anciennes exploitations, et leur examen, celui
des inscriptions que l'on doit y trouver, jettera sur ces questions une vive lumière. On y retrouvera
sans doute les anciens minerais et peut-être les restes des fourneaux antiques, ou tout au moins les
scories qu'ils ont dû laisser. Jusqu'à ce qu'on ait recueilli ces documents et analysé ces minerais et
ces scories, il convient de demeurer sur la réserve. Le seul fait essentiel à cet égard, résultant des
analyses que je vais présenter, c'est l'existence dans certains échantillons d'une dose d'arsenic très
notable, lequel accuse la mise en œuvre de certains minerais déterminés.
Jusqu'ici je n'ai parlé que du cuivre pur. Mais l'existence du bronze parmi les objets analysés
soulève des problèmes particulièrement intéressants. En effet, le bronze implique l'emploi de l'étain.
Or, les gîtes de l'étain étaient rares et fort éloignés des centres des anciens empires, tels que ceux
de l'Egypte et de la Chaldée. La présence de l'étain et de ses alliages, surtout à l'état d'alliages
riches en ce métal et d'un usage courant, soulève dès lors des problèmes capitaux, relatifs aux an-
ciennes navigations depuis l'Indo-Chine, ou les Iles Britanniques, et aux routes de commerce des
temps préhistoriques. Par là même, l'existence d'un âge du cuivre pur, ayant précédé l'âge du
bronze, a été soulevée et rendue fort probable.
L'analyse chimique joue ici un rôle d'autant plus essentiel, que les bronzes pauvres en étain
sont rouges comme le cuivre, et que les bronzes, même riches en étain, à la suite d'une altération
prolongée au sein de la terre, revêtent le même aspect que le cuivre pur, placé dans les mêmes
conditions, en raison de la formation des sous-oxydes de cuivre. Tel est, par exemple, un anneau
dont je vais présenter l'analyse et qui renferme 8 centièmes d'étain et 76 centièmes de cuivre;
le tout s'étant fortement oxydé, par suite de l'action du temps, offre maintenant la même teinte et
le même aspect qu'un vase de cuivre pur, trouvé au voisinage. Aussi les conservateurs des musées
ont-ils souvent confondu tous ces objets, sous une même dénomination; par une habitude tradition-
nelle, ils ont désigné sous le nom de bronzes à la fois les alliages et les objets de cuivre pur, dé-
signation qui a jeté la plus grande confusion dans nos études.
Cette confusion ne fait d'ailleurs que reproduire celle qui existait chez les Anciens entre les
matières constitutives des objets désignés sous les noms de ^aXxoç, d'œs, d'airain, etc.
Le mot cuivre, employé aujourd'hui par l'industrie dans un sens aussi compréhensif, serait pré-
férable au mot bron\e, dont le sens est plus limité.
Malheureusement l'emploi des dénominations rigoureusement définies par la Chimie ne s'est
pas. encore vulgarisé chez les historiens et les archéologues, ainsi que le montre l'emploi absolu-
ment erroné qu'ils continuent à faire de certains mots, tels que le mot moderne nitre ou salpêtre,
sel inconnu de l'antiquité, au lieu de la dénomination ancienne natron (sulfate ou carbonate de
soude); tel encore le mot de sel ammoniac, qui désignait dans l'antiquité un sel fixe, tout à fait
différent du chlorhydrate d'ammoniaque des chimistes d'aujourd'hui; le mot à'aiar, au moyen âge,
#re
del'orc
M. BERTHELOT.
fournies par l'analyse pour la provenance des métaux que je viens de nommer, ainsi que pour la
connaissance des procédés suivis dans leur fabrication.
Je m'occuperai d'abord du cuivre, de l'étain et du bronze, formé par leur alliage.
Le cuivre peut être obtenu par le traitement du cuivre natif, comme on l'observe avec les
minerais du Lac Supérieur, dans l'Amérique du nord. Mais le plus ordinairement on le prépare soit
par la réduction de ses minerais oxygénés (oxydes, carbonates, etc.), soit par le grillage de ses
sulfures simples ou complexes, combiné avec l'emploi des agents réducteurs. Quels étaient les pro-
cédés suivis dans l'ancienne Egypte? Pour le savoir, il faudrait bien connaître les minerais exploités
à cette époque, et spécialement ceux du Sinaï, si importants à l'époque des premières dynasties.
Les mines existent encore, ainsi que les traces des anciennes exploitations, et leur examen, celui
des inscriptions que l'on doit y trouver, jettera sur ces questions une vive lumière. On y retrouvera
sans doute les anciens minerais et peut-être les restes des fourneaux antiques, ou tout au moins les
scories qu'ils ont dû laisser. Jusqu'à ce qu'on ait recueilli ces documents et analysé ces minerais et
ces scories, il convient de demeurer sur la réserve. Le seul fait essentiel à cet égard, résultant des
analyses que je vais présenter, c'est l'existence dans certains échantillons d'une dose d'arsenic très
notable, lequel accuse la mise en œuvre de certains minerais déterminés.
Jusqu'ici je n'ai parlé que du cuivre pur. Mais l'existence du bronze parmi les objets analysés
soulève des problèmes particulièrement intéressants. En effet, le bronze implique l'emploi de l'étain.
Or, les gîtes de l'étain étaient rares et fort éloignés des centres des anciens empires, tels que ceux
de l'Egypte et de la Chaldée. La présence de l'étain et de ses alliages, surtout à l'état d'alliages
riches en ce métal et d'un usage courant, soulève dès lors des problèmes capitaux, relatifs aux an-
ciennes navigations depuis l'Indo-Chine, ou les Iles Britanniques, et aux routes de commerce des
temps préhistoriques. Par là même, l'existence d'un âge du cuivre pur, ayant précédé l'âge du
bronze, a été soulevée et rendue fort probable.
L'analyse chimique joue ici un rôle d'autant plus essentiel, que les bronzes pauvres en étain
sont rouges comme le cuivre, et que les bronzes, même riches en étain, à la suite d'une altération
prolongée au sein de la terre, revêtent le même aspect que le cuivre pur, placé dans les mêmes
conditions, en raison de la formation des sous-oxydes de cuivre. Tel est, par exemple, un anneau
dont je vais présenter l'analyse et qui renferme 8 centièmes d'étain et 76 centièmes de cuivre;
le tout s'étant fortement oxydé, par suite de l'action du temps, offre maintenant la même teinte et
le même aspect qu'un vase de cuivre pur, trouvé au voisinage. Aussi les conservateurs des musées
ont-ils souvent confondu tous ces objets, sous une même dénomination; par une habitude tradition-
nelle, ils ont désigné sous le nom de bronzes à la fois les alliages et les objets de cuivre pur, dé-
signation qui a jeté la plus grande confusion dans nos études.
Cette confusion ne fait d'ailleurs que reproduire celle qui existait chez les Anciens entre les
matières constitutives des objets désignés sous les noms de ^aXxoç, d'œs, d'airain, etc.
Le mot cuivre, employé aujourd'hui par l'industrie dans un sens aussi compréhensif, serait pré-
férable au mot bron\e, dont le sens est plus limité.
Malheureusement l'emploi des dénominations rigoureusement définies par la Chimie ne s'est
pas. encore vulgarisé chez les historiens et les archéologues, ainsi que le montre l'emploi absolu-
ment erroné qu'ils continuent à faire de certains mots, tels que le mot moderne nitre ou salpêtre,
sel inconnu de l'antiquité, au lieu de la dénomination ancienne natron (sulfate ou carbonate de
soude); tel encore le mot de sel ammoniac, qui désignait dans l'antiquité un sel fixe, tout à fait
différent du chlorhydrate d'ammoniaque des chimistes d'aujourd'hui; le mot à'aiar, au moyen âge,
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del'orc