L’ÉCOLE D'ATHÈNES. 345
son intention quelque humaniste de ses amis, il s’est par contre in-
spiré, pour plusieurs de ses figures, de considérations purement artisti-
ques. Il n’a pas hésité, lorsqu’il avait quelque vide à remplir, à y placer
un personnage contemporain, sans lien apparent avec l’action princi-
pale, le duc François-Marie d’Urbin, le jeune Frédéric de Mantoue^
le Pérugin, enfin lui-même. C’est ainsi qu’il a introduit dans la compo-
sition une vie nouvelle, et réalisé ce groupement d’une pureté et d’une
harmonie inimitables.
Mais s’il faut renoncer à découvrir une figure historique dans chacun
des acteurs de VÉcole d’Athènes, il n’en paraît pas moins prouvé que
Raphaël a voulu retracer dans cette page immortelle le développement
de la philosophie grecque depuis Pythagore et Démocrite, c’est-à-dire
depuis le sixième siècle avant notre ère, jusqu’à Archimède, mort
en 212.
Tout est matière à surprise, à stupéfaction, dans cette œuvre qui
confond la raison et paraît peinte, non par un homme de génie, mais
par un dieu. C’est ainsi qu’en commençant l’histoire de la philosophie
par le groupe inférieur de gauche et en la terminant par le groupe cor-
respondant de droite, Raphaël a en même temps placé dans la partie
inférieure de la composition les représentants des sciences exactes,
donnant ainsi les mathématiques pour base à la philosophie spécu-
lative. Zoroastre seul se trouve en dehors de l’ordre chronologique.
En le donnant pour voisin à Ptolémée, l’artiste a en effet commis un
anachronisme ; mais l’incertitude qui règne sur l’époque de la vie de ce
personnage autorisait une pareille licence.
Nous suivrons l’ordre même adopté par Raphaël et nous commen-
cerons notre description par le groupe de gauche. Tous les critiques
sont d’accord pour reconnaître, dans le vieillard assis et écrivant avec
ardeur, Pythagore, le fondateur de l’Ecole mathématique. Un disciple,
agenouillé à côté de lui, soutient les tables harmoniques inventées par le
maître. D’après une dissertation récemment publiée par un savant alle-
mand, M. Naumann, les personnages représentés à côté de Pythagore
seraient Terpandre et Aristoxène, les inventeurs de deux systèmes
musicaux différents de celui du philosophe de Samos; le groupe tout
entier formerait donc une sorte de résumé de l’histoire de la musique
grecque primitive *. Mais M. C.-E. Ruelle, dans la discussion très appro-
fondie qu’il a consacrée à la thèse de M. Naumann2, a démontré que
1. Zeitschrift für bildende Kunst, 187g, n° 1.
2. Revue et Galette musicale de Paris, numéros des 17, 24 et 3i août 187g.
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son intention quelque humaniste de ses amis, il s’est par contre in-
spiré, pour plusieurs de ses figures, de considérations purement artisti-
ques. Il n’a pas hésité, lorsqu’il avait quelque vide à remplir, à y placer
un personnage contemporain, sans lien apparent avec l’action princi-
pale, le duc François-Marie d’Urbin, le jeune Frédéric de Mantoue^
le Pérugin, enfin lui-même. C’est ainsi qu’il a introduit dans la compo-
sition une vie nouvelle, et réalisé ce groupement d’une pureté et d’une
harmonie inimitables.
Mais s’il faut renoncer à découvrir une figure historique dans chacun
des acteurs de VÉcole d’Athènes, il n’en paraît pas moins prouvé que
Raphaël a voulu retracer dans cette page immortelle le développement
de la philosophie grecque depuis Pythagore et Démocrite, c’est-à-dire
depuis le sixième siècle avant notre ère, jusqu’à Archimède, mort
en 212.
Tout est matière à surprise, à stupéfaction, dans cette œuvre qui
confond la raison et paraît peinte, non par un homme de génie, mais
par un dieu. C’est ainsi qu’en commençant l’histoire de la philosophie
par le groupe inférieur de gauche et en la terminant par le groupe cor-
respondant de droite, Raphaël a en même temps placé dans la partie
inférieure de la composition les représentants des sciences exactes,
donnant ainsi les mathématiques pour base à la philosophie spécu-
lative. Zoroastre seul se trouve en dehors de l’ordre chronologique.
En le donnant pour voisin à Ptolémée, l’artiste a en effet commis un
anachronisme ; mais l’incertitude qui règne sur l’époque de la vie de ce
personnage autorisait une pareille licence.
Nous suivrons l’ordre même adopté par Raphaël et nous commen-
cerons notre description par le groupe de gauche. Tous les critiques
sont d’accord pour reconnaître, dans le vieillard assis et écrivant avec
ardeur, Pythagore, le fondateur de l’Ecole mathématique. Un disciple,
agenouillé à côté de lui, soutient les tables harmoniques inventées par le
maître. D’après une dissertation récemment publiée par un savant alle-
mand, M. Naumann, les personnages représentés à côté de Pythagore
seraient Terpandre et Aristoxène, les inventeurs de deux systèmes
musicaux différents de celui du philosophe de Samos; le groupe tout
entier formerait donc une sorte de résumé de l’histoire de la musique
grecque primitive *. Mais M. C.-E. Ruelle, dans la discussion très appro-
fondie qu’il a consacrée à la thèse de M. Naumann2, a démontré que
1. Zeitschrift für bildende Kunst, 187g, n° 1.
2. Revue et Galette musicale de Paris, numéros des 17, 24 et 3i août 187g.
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