LA MADONE DE FOLIGNO. 3g3
tingue par un coloris chaud et lumineux, qualités que l’on a attribuées,
non sans raison, à l’influence de Sébastien, alors fraîchement débarqué
à Rome, où sa manière excitait l’admiration universelle. Ce ne sera pas
la seule fois que nous verrons Raphaël s’inspirer de ce brillant élève
de Giorgione. On comprend que, dans une certaine mesure, ces
témoignages d’estime, venant d’un si grand maître, aient fait illusion
à l’ambitieux Vénitien et l’aient encouragé à se poser en rival du
Sanzio. Lutte inégale, et qui n’a servi qu’à faire éclater l’immense
supériorité de celui dans lequel semblait s’être incarné le génie de la
peinture.
Le graveur Boucher-Desnoyers qui, en 1802, a vu transporter sur
toile, au Louvre, la Vierge de Foligno, nous a laissé sur la technique
de ce tableau quelques détails dignes d’être rapportés. « Après que
tout le bois du tableau de la Vierge de Foligno fut enlevé, dit-il,
j’eus le bonheur de voir la peinture de Raphaël à l’envers, avant qu’elle
fût fixée définitivement sur une toile. Ce grand tableau était placé
horizontalement sur une table; il n’y restait plus qu’une légère impres-
sion blanche, que l’on supposait faite à la colle, et au travers de laquelle
j’ai vu le trait des figures exécuté au pinceau. On y trouvait un grand
repentir. C’était le trait de la main droite du saint Jérôme, dont
Raphaël avait changé le mouvement, de manière qu’il y avait le tracé
de deux mains droites. Celle que l’on voit présentement a été seule
peinte. »
La Madone de Foligno fut commandée à Raphaël par Sigismond de’
Conti (f le 2.3 février 1512), qui semble l’avoir fait peindre en exécution
d’un vœu. La bombe qui éclate dans le ciel paraît être, en effet, une
allusion aux dangers courus par Conti pendant le siège de Foligno, sa
ville natale. — D’abord exposé sur le maître-autel de l’église d’Ara-Cæli,
le tableau fut ensuite transporté à Foligno. Envoyé à Paris, à la suite
de nos victoires, il fut rendu en 1815 et placé dans la Pinacothèque
du Vatican, qu’il n’a point quittée depuis.
Nous nous séparons à regret de cette page exquise, de cette belle
fleur éclose pendant les jours les plus radieux de la jeunesse de Raphaël,
et cependant l’œuvre que nous devons étudier après la Madone de
Foligno n’est pas moins célèbre. Nous voulons parler de la Vierge an
poisson.
La Vierge au poisson est à la fois la plus grave et la plus tou-
chante des Madones de Raphaël. Un adolescent, aux longs cheveux
5o
tingue par un coloris chaud et lumineux, qualités que l’on a attribuées,
non sans raison, à l’influence de Sébastien, alors fraîchement débarqué
à Rome, où sa manière excitait l’admiration universelle. Ce ne sera pas
la seule fois que nous verrons Raphaël s’inspirer de ce brillant élève
de Giorgione. On comprend que, dans une certaine mesure, ces
témoignages d’estime, venant d’un si grand maître, aient fait illusion
à l’ambitieux Vénitien et l’aient encouragé à se poser en rival du
Sanzio. Lutte inégale, et qui n’a servi qu’à faire éclater l’immense
supériorité de celui dans lequel semblait s’être incarné le génie de la
peinture.
Le graveur Boucher-Desnoyers qui, en 1802, a vu transporter sur
toile, au Louvre, la Vierge de Foligno, nous a laissé sur la technique
de ce tableau quelques détails dignes d’être rapportés. « Après que
tout le bois du tableau de la Vierge de Foligno fut enlevé, dit-il,
j’eus le bonheur de voir la peinture de Raphaël à l’envers, avant qu’elle
fût fixée définitivement sur une toile. Ce grand tableau était placé
horizontalement sur une table; il n’y restait plus qu’une légère impres-
sion blanche, que l’on supposait faite à la colle, et au travers de laquelle
j’ai vu le trait des figures exécuté au pinceau. On y trouvait un grand
repentir. C’était le trait de la main droite du saint Jérôme, dont
Raphaël avait changé le mouvement, de manière qu’il y avait le tracé
de deux mains droites. Celle que l’on voit présentement a été seule
peinte. »
La Madone de Foligno fut commandée à Raphaël par Sigismond de’
Conti (f le 2.3 février 1512), qui semble l’avoir fait peindre en exécution
d’un vœu. La bombe qui éclate dans le ciel paraît être, en effet, une
allusion aux dangers courus par Conti pendant le siège de Foligno, sa
ville natale. — D’abord exposé sur le maître-autel de l’église d’Ara-Cæli,
le tableau fut ensuite transporté à Foligno. Envoyé à Paris, à la suite
de nos victoires, il fut rendu en 1815 et placé dans la Pinacothèque
du Vatican, qu’il n’a point quittée depuis.
Nous nous séparons à regret de cette page exquise, de cette belle
fleur éclose pendant les jours les plus radieux de la jeunesse de Raphaël,
et cependant l’œuvre que nous devons étudier après la Madone de
Foligno n’est pas moins célèbre. Nous voulons parler de la Vierge an
poisson.
La Vierge au poisson est à la fois la plus grave et la plus tou-
chante des Madones de Raphaël. Un adolescent, aux longs cheveux
5o