DE FL0 RËNCE. „
des yeux grands, mais foibles; un air décent; un front paré de fes cheveux,
dont la perte, dans un tems poftérieur, fut G fenfible à ce Prince vain.
Fils de Vefpafien, fucceffeur & frère de Tite, il n'eut pas leurs vertus. Par
Nature femblable à Caligula , & à Néron par étude, il approcha plus de
Tibère. Dans fa conduite, il réunit tout ce qui peut rendre odieux ou.mépri-
fable un Souverain. Infatiable de titres, il fe fit appeller Maître, Seigneur ,
Dieu, & traitoit de lit facré, de Temple même, la couche impure où il rap-
pelloit l'adultère Domitia, après l'avoir répudiée. Curieux de toute efpèce de
monumens & d'éloges flatteurs, il remplit encore le monde entier de fes Statues,
fuivant l'expreffion de Dion; & il ne fouffioit pas qu'on lui en élevât dans la
Capitale, qui ne fuffent d'argent ou même d'or, & d'un certain poids. Pline
allure que l'on verfoit autant de fang des animaux , pour honorer l'image de cet
atroce Dominateur, qu'il verfoit lui-même de fang humain pour affouvir fa
cruauté. Cette cruauté prenoit, chez Domitien , fa fource dans plufieurs autres
pafiions; jaloux de quiconque fe difiinguoit , tout mérite étoit un crime auprès
de lui; fombre de caractère, il fe déficit de tous ceux qui l'approchoient , le
moindre foupçon excitoit fa colère ; ombrageux & lâche, il immoloit à fes crain-
tes & à fes défiances injufies, les têtes les plus illufires. La fourberie & l'artifice
accompagnoient fes violences tyranniques; & fouvent il combloit de careffes
l'infortuné qu'il alloit faire périr. Cruel de fang froid, il vouloir être témoin du
fupplice qu'il commandoit. On l'a vu tremper fon bras dans le fang, & c'étoit
un bain digne d'un tyran. Tout-à-Ia-fois fuperbe & craintif, il vouloir des adu-
lateurs , & s'offenfoit de l'adulation. L'indolence faifoit un de fes plaifirs , &,
fans rougir, il employoit des heures entières à chaffer aux mouches. Sa mol-
Ieffe étoit fi grande, qu'il fe faifoit toujours porter en litière ; & , s'il voyageoit
par eau , redoutant le bruit des rames, il ordonnoit que la manœuvre fe fît
dans d'autres batteaux auxquels on attachcit le fien. Dans la guerre, ce Prince
n'avoit ni courage, ni capacité; &, s'il obtint des triomphes, des arcs, des fiatues
il les dut à la feule flatterie & à ton orgueil; ces triomphes même, au rapport
de Pline , font autant de preuves de fes défaites. Une jeuneffe corrompue ne fit
pas éclore en lui la fageffe dans un âge plus avancé, fes adultères & fes inceftes
font fes moindres crimes. Ennemi de toute vertu , les Chrétiens ne pouvoient
que lui déplaire, il les perfécuta , & cette perfécution eft une des plus terribles
qu'ils ayent effuyées. Les leçons des fages étoient à fes oreilles des cris fédi-
tieux : les Philofophes ne furent donc pas à l'abri de fes coups : & fi Vefpafien
peut être loué d'avoir puni ceux qui, par leurs déclamations, troubloient le
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des yeux grands, mais foibles; un air décent; un front paré de fes cheveux,
dont la perte, dans un tems poftérieur, fut G fenfible à ce Prince vain.
Fils de Vefpafien, fucceffeur & frère de Tite, il n'eut pas leurs vertus. Par
Nature femblable à Caligula , & à Néron par étude, il approcha plus de
Tibère. Dans fa conduite, il réunit tout ce qui peut rendre odieux ou.mépri-
fable un Souverain. Infatiable de titres, il fe fit appeller Maître, Seigneur ,
Dieu, & traitoit de lit facré, de Temple même, la couche impure où il rap-
pelloit l'adultère Domitia, après l'avoir répudiée. Curieux de toute efpèce de
monumens & d'éloges flatteurs, il remplit encore le monde entier de fes Statues,
fuivant l'expreffion de Dion; & il ne fouffioit pas qu'on lui en élevât dans la
Capitale, qui ne fuffent d'argent ou même d'or, & d'un certain poids. Pline
allure que l'on verfoit autant de fang des animaux , pour honorer l'image de cet
atroce Dominateur, qu'il verfoit lui-même de fang humain pour affouvir fa
cruauté. Cette cruauté prenoit, chez Domitien , fa fource dans plufieurs autres
pafiions; jaloux de quiconque fe difiinguoit , tout mérite étoit un crime auprès
de lui; fombre de caractère, il fe déficit de tous ceux qui l'approchoient , le
moindre foupçon excitoit fa colère ; ombrageux & lâche, il immoloit à fes crain-
tes & à fes défiances injufies, les têtes les plus illufires. La fourberie & l'artifice
accompagnoient fes violences tyranniques; & fouvent il combloit de careffes
l'infortuné qu'il alloit faire périr. Cruel de fang froid, il vouloir être témoin du
fupplice qu'il commandoit. On l'a vu tremper fon bras dans le fang, & c'étoit
un bain digne d'un tyran. Tout-à-Ia-fois fuperbe & craintif, il vouloir des adu-
lateurs , & s'offenfoit de l'adulation. L'indolence faifoit un de fes plaifirs , &,
fans rougir, il employoit des heures entières à chaffer aux mouches. Sa mol-
Ieffe étoit fi grande, qu'il fe faifoit toujours porter en litière ; & , s'il voyageoit
par eau , redoutant le bruit des rames, il ordonnoit que la manœuvre fe fît
dans d'autres batteaux auxquels on attachcit le fien. Dans la guerre, ce Prince
n'avoit ni courage, ni capacité; &, s'il obtint des triomphes, des arcs, des fiatues
il les dut à la feule flatterie & à ton orgueil; ces triomphes même, au rapport
de Pline , font autant de preuves de fes défaites. Une jeuneffe corrompue ne fit
pas éclore en lui la fageffe dans un âge plus avancé, fes adultères & fes inceftes
font fes moindres crimes. Ennemi de toute vertu , les Chrétiens ne pouvoient
que lui déplaire, il les perfécuta , & cette perfécution eft une des plus terribles
qu'ils ayent effuyées. Les leçons des fages étoient à fes oreilles des cris fédi-
tieux : les Philofophes ne furent donc pas à l'abri de fes coups : & fi Vefpafien
peut être loué d'avoir puni ceux qui, par leurs déclamations, troubloient le
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