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https://doi.org/10.11588/diglit.75293#0068
58 LE MUSEUM
Sénat & du peuple. Plein de bienveillance , généreux, prompt à la clémence ,
il pleuroit en voyant des criminels condamnés aux bêtes, & , le premier mou-
vement de haine qu'éprouva fon ame, la cruauté de Plautien le fit naître;
mais il n'avoit que fept ans.
Au fortir de l'enfance , il devint méconnoiffable ; fon vifage , qu'une beauté
douce décoroit, prit le caractère de la cruauté de fon cœur : le meurtre de Géta
fur le fein de fa mère en fut le premier trait public ; mais il fut fuivi de bien
d'autres, & Dion compte jufqu'à vingt mille perfonnes dont le feu! prétexte
de leurs liaifons avec ce frère infortuné caufa la mort. Un parricide fe com-
met plus facilement qu'il ne s'excufe : accufer un innocent mis à mort, c'efl
être parricide foi-même : Papinien ofa le dire à l'Empereur, & fa tête tomba
fous le fer des foldats qui accompagnoient le tyran. Une fille de Marc-Aurèle,
Pompéien petit-fils de ce même Empereur , Sévère fon propre coufin , le
fils de Pertinax, Thraféa Prifcus, Sérénus Sammonicus, furent de nobles vic-
times immolées par le cruel Baffien. Ce Prince renverfa toutes les ftatues
élevées à Géta, & s'il confentit aux honneurs divins que le Sénat lui décerna,
ce ne fut que par une complaifance intéreffée , & en accompagnant fon
confentement de cette phrafe barbare : Qu'il foit Dieu, il ne vit plus. Le
poifon lui étoit auffi familier que le fer, & fi le témoignage de Macrin, fon
meurtrier, n'étoit pas fufpe&, nous pourrions répéter d'après lui, comme Dion,
qu'à fa mort, on en trouva, dans le Palais , pour la fomme de trois millions fept
cents vingt-cinq mille livres de notre monnoie. Son inhumanité étoit alimentée
par les délations qu'il favorifoit. Ses extorfions & fes rapines : fon averfion pour
les Lettres & fon ignorance : fes débauches affreufes & fon hypocrifie en ont
fait un des plus méprifables Empereurs. La préfence des bons Souverains
dans les Provinces de l'Empire y portoit la joie & le bonheur, celle de
Baffien n'etoit que le fignal de nouvelles cruautés. C'étoit un bourreau plutôt
qu'un Empereur, & fon pacage ne laiffoit par-tout que des traces de fang.
Apologifte de Tibère & de Sylla & leur trop fidèle imitateur dans fa con-
duite, il voulut imiter Antonin & Marc-Aurèle dans fon extérieur. Sacrilége,
il ufurpa leurs noms & laiffa croître fa barbe , comme fi la barbe feule étoit
la fource de la vénération & du refpe& des peuples. C'eft à cette folle pré-
tention que l'on doit attribuer l'origine de cette barbe épaiffe que l'on
remarque, foit dans les Pierres gravées, foit dans les médailles qui nous
repréfentent cet Empereur , &: que les Graveurs avoient grand foin de ne
pas oublier plus que les cheveux touffus que ce Prince affedoit d'avoir en
Sénat & du peuple. Plein de bienveillance , généreux, prompt à la clémence ,
il pleuroit en voyant des criminels condamnés aux bêtes, & , le premier mou-
vement de haine qu'éprouva fon ame, la cruauté de Plautien le fit naître;
mais il n'avoit que fept ans.
Au fortir de l'enfance , il devint méconnoiffable ; fon vifage , qu'une beauté
douce décoroit, prit le caractère de la cruauté de fon cœur : le meurtre de Géta
fur le fein de fa mère en fut le premier trait public ; mais il fut fuivi de bien
d'autres, & Dion compte jufqu'à vingt mille perfonnes dont le feu! prétexte
de leurs liaifons avec ce frère infortuné caufa la mort. Un parricide fe com-
met plus facilement qu'il ne s'excufe : accufer un innocent mis à mort, c'efl
être parricide foi-même : Papinien ofa le dire à l'Empereur, & fa tête tomba
fous le fer des foldats qui accompagnoient le tyran. Une fille de Marc-Aurèle,
Pompéien petit-fils de ce même Empereur , Sévère fon propre coufin , le
fils de Pertinax, Thraféa Prifcus, Sérénus Sammonicus, furent de nobles vic-
times immolées par le cruel Baffien. Ce Prince renverfa toutes les ftatues
élevées à Géta, & s'il confentit aux honneurs divins que le Sénat lui décerna,
ce ne fut que par une complaifance intéreffée , & en accompagnant fon
confentement de cette phrafe barbare : Qu'il foit Dieu, il ne vit plus. Le
poifon lui étoit auffi familier que le fer, & fi le témoignage de Macrin, fon
meurtrier, n'étoit pas fufpe&, nous pourrions répéter d'après lui, comme Dion,
qu'à fa mort, on en trouva, dans le Palais , pour la fomme de trois millions fept
cents vingt-cinq mille livres de notre monnoie. Son inhumanité étoit alimentée
par les délations qu'il favorifoit. Ses extorfions & fes rapines : fon averfion pour
les Lettres & fon ignorance : fes débauches affreufes & fon hypocrifie en ont
fait un des plus méprifables Empereurs. La préfence des bons Souverains
dans les Provinces de l'Empire y portoit la joie & le bonheur, celle de
Baffien n'etoit que le fignal de nouvelles cruautés. C'étoit un bourreau plutôt
qu'un Empereur, & fon pacage ne laiffoit par-tout que des traces de fang.
Apologifte de Tibère & de Sylla & leur trop fidèle imitateur dans fa con-
duite, il voulut imiter Antonin & Marc-Aurèle dans fon extérieur. Sacrilége,
il ufurpa leurs noms & laiffa croître fa barbe , comme fi la barbe feule étoit
la fource de la vénération & du refpe& des peuples. C'eft à cette folle pré-
tention que l'on doit attribuer l'origine de cette barbe épaiffe que l'on
remarque, foit dans les Pierres gravées, foit dans les médailles qui nous
repréfentent cet Empereur , &: que les Graveurs avoient grand foin de ne
pas oublier plus que les cheveux touffus que ce Prince affedoit d'avoir en