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il lifoit l'Iliade , il croyoit entendre les Dieux lui dicter dans leur langage divin
des leçons de courage , de prudence , de magnanimité; enfin lui manifefier toutes
les vertus & les devoirs des Rois. De-Ià cet emprciïement avec lequel, après
la bataille d'Arbelles, il fit mettre dans l'inappréciable cadette d'or de Darius
les Œuvres d'Homère,revues par Ariftote,& qui du nom du Dépôt furent appellées
l'Edition de la Caffette. Les exercices du corps croient familiers à Alexandre, &
par la manière tout-à-la^fois adroite & hardie avec laquelle il dompta le fameux
Bucéphale, on peut juger que la Nature l'avoit pourvu de toute efpèce de talens.
ATfi le grand Alexandre paffa le tems fugitif de fa première jeunefl'e. Formé
par l'éducation la plus foignée, à feize ans il étoit déjà mûr pour le Trône , &
pendant l'abfence de Philippe, revêtu de toute fon autorité, l'on fçait avec
quelle prudence & quel courage il gouverna les Etats de fon père ; mais if
netoit pas Souverain encore.
A vingt ans il le fut: 8; c'eft à commencer de cette époque que l'Univers
étonné vit en lui le Héros, le Guerrier intrépide & le plus redoutable conqué-
rant. Philippe avoit conquis des Nations barbares qu'il avoir unies à fa Cou-
ronne ; mais elles le regardoient comme Ufurpateur, La Grèce avoit été foumife
elle-même; mais elfe n'étoit point encore accoutumée à la fervitude. L'arrivée
d'un jeune Roi au Trône paroît à tous une époque favorable pour reprendre
leur liberté : tous fe trompent. Alexandre fe met en marche, les Triballiens
font défaits, les Gêtes mis en fuite , les Thébains égorgés, leur Ville renverfée;
le nom feul du Héros, le bruit de fes triomphes, ou, s'il le faut, fes armes
Subjuguent ou font rentrer dans le devoir les rebelles, & Démofihène efi forcé
de reconnoître que YEnfant qu'il méprifoit dans fes difeours eft le maître de fa
Patrie. Alexandre étoit jeune,; comme un lion qui court au carnage, le fang qu'il
fit coller l'altéra, & les premières palmes que lui fournit la victoire furent plus
d'une fois cueillies par la barbarie qui, pourtant, au faccage de Thèbes refpeéla
la liberté des Prêtres , ceux qui avoient droit d'hofpitalité chez les Macédoniens ,
ainfi que les defeendans du Poëte Pindare : &, du moins cette fois, dans Alexandre
le guerrier feul fut coupable. On vit alors à Corinthe une de ces aflèmblées
formidables où le fort de l'Univers eft mis dans la balance : on vit l'Occi-
dent délibérer fur la ruine de l'Orient, Alexandre par fon éloquence réveiller
des haines endormies contre les Perfes, & fe faire nommer Commandant-
Général d'une Confédération qu'il fufcitoit. Avec ce titre & fon ambition , que ne
va pas faire un Prince qui ne trouve pas de milieu entre le dénument de
d'orgueilleux Diogène & la poffeffion de la terre qu'il defire ?