DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.75293#0166
,56 LE MUSEUM:
un fouffîet, il eft fâcheux de ne pas fçavoir quand il faut fe munir d'un cafaue.
Dans l'intérieur de la maifon , où fi fouvent le Philofophe ceffe de l'être ,
jamais il ne fe démentit; jamais fa patience n'échoua contre les rudes épreuves
que lui fit fubir l'humeur bifarre , capricieufe & violente de Xantippe fort
époufe , que fon caractère affreux, ne lui avoit pas fait choifir ^ comme le
difent quelques Écrivains ; mais qu'il eut le talent & le mérite de fupporter ,.
parce qu'il lui étoit uni; modèle admirable trop1 peu fuivi de nos jours.
On conçoit d'après notre ébauche du portrait de Socrate ,. que fa morale
n'étoit point farouche; naturellement gai, il aimoit la joie douce d'un repas
frugal , affaifonné par Pefprit & offert par l'amitié. Un bon ami étoit à fes
yeux le plus précieux héritage : & il ne reconnoiffoit pas d'autres fources du
bonheur que la juflice , la bienfaifance & la pureté de l'ame. Sans celle il recoin -
mandoit à fes difciples la fageffe, 'a pudeur ést. le filence, ^. fa modeffie lui
ouvroit la route de la gloire. La gloire attire les yeux de l'envie : l'envie
n'épargne pas le& vertus dont la vue la tourmente , & , des armes qu'elle
emploie contre elles, la plus puifiante , affurément, eft le ridicule; Ariffo-
phane lui fournit cette arme terrible : on ne trouve que trop facilement de
ces hommes toujours prêts à féconder les méchans. Il prit la plume & fon
ouvrage, rempli de pfaifanteries auffi mordantes que fines, diminua de beau-
coup l'eftime que l'on avoit de Socrate. Un premier, pas fait , le fécond ne
coûte guères, &, toujours, pour l'ordinaire, il eft plus criminel; la mort
du Philosophe eft méditée : l'infâme Mélitus l'accule d'athéifme : un difcours
fimple, éloquent, comme l'infpire l'innocence, alloit le faire abfoudre ; mais
Anitus Si Lycon s'uniffent au calomniateur, entraînent les fuffrages &,.à la
honte d'Athènes, le fage Socrate , fur cinq cent Juges, voit s'élever deux cent
quatre-vingt-une voix contre lui. Le moment d'un jugement de cette nature
altère le plus fouvent dans l'homme la tranquillité de l'ame : c'eft dans ces
inftans critiques que l'on voit. la. foibleffe l'emporter fur la force ; mais il
n'en fera pas ainfide Socrate : lui laide - t - on le choix de fon fupplice ?
Certain de l'injuftice de fa condamnation, de l'ingratitude de fes concitoyens,
& foutenu par le témoignage de fa confcience : Qu'on me conduife, dit-il,
au Pritanée , pour y être nourri le refte de mes jours , au dépens de la
République : fi cette fine réponfe , qui auroit dû faire reflbuvenir fes Juges
des fervices rendus à la Patrie par fes leçons, ne fait que les aigrir : s'ils
ordonnent que ce Sage boive la cigde , il la boira en fage : envain fes amis
siattrilte.it : toujours grand, toujours paifible, au-deffus de fa nature par la.
un fouffîet, il eft fâcheux de ne pas fçavoir quand il faut fe munir d'un cafaue.
Dans l'intérieur de la maifon , où fi fouvent le Philofophe ceffe de l'être ,
jamais il ne fe démentit; jamais fa patience n'échoua contre les rudes épreuves
que lui fit fubir l'humeur bifarre , capricieufe & violente de Xantippe fort
époufe , que fon caractère affreux, ne lui avoit pas fait choifir ^ comme le
difent quelques Écrivains ; mais qu'il eut le talent & le mérite de fupporter ,.
parce qu'il lui étoit uni; modèle admirable trop1 peu fuivi de nos jours.
On conçoit d'après notre ébauche du portrait de Socrate ,. que fa morale
n'étoit point farouche; naturellement gai, il aimoit la joie douce d'un repas
frugal , affaifonné par Pefprit & offert par l'amitié. Un bon ami étoit à fes
yeux le plus précieux héritage : & il ne reconnoiffoit pas d'autres fources du
bonheur que la juflice , la bienfaifance & la pureté de l'ame. Sans celle il recoin -
mandoit à fes difciples la fageffe, 'a pudeur ést. le filence, ^. fa modeffie lui
ouvroit la route de la gloire. La gloire attire les yeux de l'envie : l'envie
n'épargne pas le& vertus dont la vue la tourmente , & , des armes qu'elle
emploie contre elles, la plus puifiante , affurément, eft le ridicule; Ariffo-
phane lui fournit cette arme terrible : on ne trouve que trop facilement de
ces hommes toujours prêts à féconder les méchans. Il prit la plume & fon
ouvrage, rempli de pfaifanteries auffi mordantes que fines, diminua de beau-
coup l'eftime que l'on avoit de Socrate. Un premier, pas fait , le fécond ne
coûte guères, &, toujours, pour l'ordinaire, il eft plus criminel; la mort
du Philosophe eft méditée : l'infâme Mélitus l'accule d'athéifme : un difcours
fimple, éloquent, comme l'infpire l'innocence, alloit le faire abfoudre ; mais
Anitus Si Lycon s'uniffent au calomniateur, entraînent les fuffrages &,.à la
honte d'Athènes, le fage Socrate , fur cinq cent Juges, voit s'élever deux cent
quatre-vingt-une voix contre lui. Le moment d'un jugement de cette nature
altère le plus fouvent dans l'homme la tranquillité de l'ame : c'eft dans ces
inftans critiques que l'on voit. la. foibleffe l'emporter fur la force ; mais il
n'en fera pas ainfide Socrate : lui laide - t - on le choix de fon fupplice ?
Certain de l'injuftice de fa condamnation, de l'ingratitude de fes concitoyens,
& foutenu par le témoignage de fa confcience : Qu'on me conduife, dit-il,
au Pritanée , pour y être nourri le refte de mes jours , au dépens de la
République : fi cette fine réponfe , qui auroit dû faire reflbuvenir fes Juges
des fervices rendus à la Patrie par fes leçons, ne fait que les aigrir : s'ils
ordonnent que ce Sage boive la cigde , il la boira en fage : envain fes amis
siattrilte.it : toujours grand, toujours paifible, au-deffus de fa nature par la.