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LE MUSEUM
Son Confulat lui a valu fa plus noble célébrité par la découverte de Ta conju-
ration de Catilina, & ce fut dans cette place & à cette occafion que cet homme
de deux jours obtint, par acclamation , le furnom glorieux de Père de la Patrie.
Gouverneur de la Silicie, il fe diftingua dans cette Province par fon équité, fon
défintéreffement & fon affabilité qu'une activité rare accompagnoit. Les Parthes
vaincus, lorsqu'au mépris de la paix ils osèrent attaquer Antioche, & la prife de
Pindenifle, l'une de leurs plus fortes Places , que Cicéron emporta à la tête des
Légions, font honneur à fes talens guerriers, qui lui firent donner par fes foldats
le titre d'Imperator: qui lui euffent fait décerner le triomphe dans des tems plus
paifibles: & qui enfin, couronnés par de pareils fuecès, doivent balancer les
jugemens portés peut-être trop légèrement fur le courage de ce grand homme.
Le caractère de Cicéron offre un mélange bifarre, dont il nous refte à tracer le
tableau. Plein d'orgueil & de bàflèflè; harangueur hardi, homme timide: fen-
tant vivement & cependant flottant & irréfolu , on l'a vu fe reprocher de ne
pas fuivre Pompée, & n'ofer fe déclarer pour Céfar : plaindre la mort du pre-
mier & chercher l'amitié du fécond Vainqueur de fon rival, par les adulations
les plus viles. Il fe vantoit d'avoir fauve la liberté de la République, &, pour fe
faire un protecteur, il fecondoit Octave qui en étoit le plus dangereux ennemi.
Enflé dans la profpérité, il s'abattoit trop dans la difgrace, &., quoique formé
à l'école de la Phdofophie, dans les circonftances où elle eft le plus néceflaire,
il en oublioit les leçons : fon cœur nourriffoit une paffion infaturable de la
gloire, & fans celle il careffoit avec indulgence cette paffion qui faifoit fon
tourment Utile quand elle eft modérée & qu'elle n'eft, pour ainfi dire, que
le germe de l'émulation ; elle devient importune quand on l'écoute trop, &
ridicule quand on la montre: auffi reproche-t-on fouvent à Cicéron l'oftenta-
tion afie&ée avec laquelle perpétuellement, dans fes difcours, dans fes traités,
dans tous fes écrits , il célébré fon mérite & fes fervices. Terminons ce portrait
par les traits que nous offrent fa conduite privée. Dans fes habits & fa parure
il obfervoit ce qu'il a prefcrit dans fa Offices. Modefte & décent, il conformoit
fes vêtemens à fon rang & à fon caractère. Rien n'étoit extraordinaire &
fingulier dans fes habitudes. Les manières les plus aimables donnoient des
charmes à fa vie domeftique , &, fi quelquefois fes plaifanteries & fes bons
mots lui faifoient des ennemis, c'eft qu'ils ne fçavoient pas affez approfondir la
tournure de fon efprit, & , l'on pourroit dire qu'ils fe bleffoient plutôt eux-
mêmes aux traits de fa langue, que Cicéron ne les lançoit contre eux. Avouons,
néanmoins qu'il eut été plus agréable de ne point craindre de piquûre en
LE MUSEUM
Son Confulat lui a valu fa plus noble célébrité par la découverte de Ta conju-
ration de Catilina, & ce fut dans cette place & à cette occafion que cet homme
de deux jours obtint, par acclamation , le furnom glorieux de Père de la Patrie.
Gouverneur de la Silicie, il fe diftingua dans cette Province par fon équité, fon
défintéreffement & fon affabilité qu'une activité rare accompagnoit. Les Parthes
vaincus, lorsqu'au mépris de la paix ils osèrent attaquer Antioche, & la prife de
Pindenifle, l'une de leurs plus fortes Places , que Cicéron emporta à la tête des
Légions, font honneur à fes talens guerriers, qui lui firent donner par fes foldats
le titre d'Imperator: qui lui euffent fait décerner le triomphe dans des tems plus
paifibles: & qui enfin, couronnés par de pareils fuecès, doivent balancer les
jugemens portés peut-être trop légèrement fur le courage de ce grand homme.
Le caractère de Cicéron offre un mélange bifarre, dont il nous refte à tracer le
tableau. Plein d'orgueil & de bàflèflè; harangueur hardi, homme timide: fen-
tant vivement & cependant flottant & irréfolu , on l'a vu fe reprocher de ne
pas fuivre Pompée, & n'ofer fe déclarer pour Céfar : plaindre la mort du pre-
mier & chercher l'amitié du fécond Vainqueur de fon rival, par les adulations
les plus viles. Il fe vantoit d'avoir fauve la liberté de la République, &, pour fe
faire un protecteur, il fecondoit Octave qui en étoit le plus dangereux ennemi.
Enflé dans la profpérité, il s'abattoit trop dans la difgrace, &., quoique formé
à l'école de la Phdofophie, dans les circonftances où elle eft le plus néceflaire,
il en oublioit les leçons : fon cœur nourriffoit une paffion infaturable de la
gloire, & fans celle il careffoit avec indulgence cette paffion qui faifoit fon
tourment Utile quand elle eft modérée & qu'elle n'eft, pour ainfi dire, que
le germe de l'émulation ; elle devient importune quand on l'écoute trop, &
ridicule quand on la montre: auffi reproche-t-on fouvent à Cicéron l'oftenta-
tion afie&ée avec laquelle perpétuellement, dans fes difcours, dans fes traités,
dans tous fes écrits , il célébré fon mérite & fes fervices. Terminons ce portrait
par les traits que nous offrent fa conduite privée. Dans fes habits & fa parure
il obfervoit ce qu'il a prefcrit dans fa Offices. Modefte & décent, il conformoit
fes vêtemens à fon rang & à fon caractère. Rien n'étoit extraordinaire &
fingulier dans fes habitudes. Les manières les plus aimables donnoient des
charmes à fa vie domeftique , &, fi quelquefois fes plaifanteries & fes bons
mots lui faifoient des ennemis, c'eft qu'ils ne fçavoient pas affez approfondir la
tournure de fon efprit, & , l'on pourroit dire qu'ils fe bleffoient plutôt eux-
mêmes aux traits de fa langue, que Cicéron ne les lançoit contre eux. Avouons,
néanmoins qu'il eut été plus agréable de ne point craindre de piquûre en