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— i63 —

de l'imagination de nos architectes archéologues. Et le bon public
qui paye n'y verra que du feu, en applaudissant des deux mains.

Que de ruines barbares accumulées en quelques années ! Il serait
trop long de les énumérer toutes. Espérons qu'il se trouvera quelque
historien bien informé pour raconter la lamentable aventure de l'an-
cienne chapelle du collège de Lisieux, que quelqu'un aura le cou-
rage de dire la vérité, toute la vérité sur la restauration de la tour du
Vert-Bois. Nous nous contenterons, afin de donner en terminant une
idée du respect des architectes pour le caractère et le style des monu-
ments dont la garde et la conservation leur sont confiées, de citer une
anecdote que nous n'avons encore vu raconter nulle part.

En 1870, comme on sait, toutes les parties délicates des monuments
publics de Paris furent garnies d'une couche de plâtre, de crainte
du bombardement. On dissimula par le même procédé certains
emblèmes monarchiques qui s'étalaient sur la façade des édifices
publics. Ainsi, on cacha sous un enduit d'une certaine épaisseur les
fleurs de lis garnissant les charmants écusson s ovales du style Louis XVI
placés entre les arcades du pavillon central de l'Hôtel des Monnaies.
Les choses restèrent en cet état jusqu'en 1878 et 1879. On pouvait
s'étonner que les scrupules de l'architecte, au sujet des trois fleurs de
lis de l'écusson de France, persistassent aussi longtemps, alors que le
conseil municipal de Paris avait voté la conservation des anciennes
armes de la ville et de leur chef fleurdelisé. On se creuserait vaine-
ment la tête pour imaginer le parti baroque auquel s'arrêta l'architecte,
quand il dut enlever la couche de plâtre recouvrant les écussons
armoriés. Gratter les fleurs de lis, c'était trop simple; leur enlèvement
eût laissé, d'ailleurs, un vide d'un effet fâcheux. Que faire ? Notre
homme n'eut-il pas l'ingénieuse idée de substituer aux fleurs de lis
royales les initiales R. F., en s'efforçant de donner à ces lettres un
caractère fleuri, se rapprochant le plus possible du style Louis XVI.
Ainsi, voilà un des monuments les plus vantés de Paris, un des plus
caractéristiques de l'époque à laquelle il a été construit, affublé, par
le plus grossier des anachronismes, des initiales de la République
de 1870. A quand l'enlèvement des initiales de Louis XIV si profon-
dément gravées dans les frises du Louvre ?

Pour conclure et tirer la moralité des faits qui précèdent, nous
dirons : Respectez, conservez les derniers vestiges de l'époque romaine,
nous applaudirons à vos efforts ; mais sachez en même temps honorer
comme ils le méritent, et défendre contre tous les vandalismes, sur-
tout contre le vandalisme des architectes, les monuments glorieux
de l'histoire.

Jules Guiffrey.
 
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