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HISTOIRE DE LA DENTELLE.
Lille et de Saxe; il y a aussi des imitations du point de Malte.
Les dentelles du Slesvig sont remarquables par leur belle qualité
et leur excellente exécution. On y fabriquait aussi des points genre
de Venise; un beau spécimen de cette dentelle orne la robe de ve-
lours noir de la jeune sille de Jean, duc de Holstein, qu’on peut voir
couchée dans son cercueil ainsi parée, selon la coutume des siècles
passés, dans la chapelle mortuaire du château de Sonderborg. On
faisait un grand usage de dentelles aux funérailles, dans les dix-
septième et dix-huitième siècles; il semble qu’alors les morts portas-
sent des vêtements plus riches que pendant leur vie. L’auteur du
Voyage en Jutland et dans les îles danoises a souvent vu dans les
églises du Danemark des momies exposées aux regards couvertes de
point de la plus grande richesse.
L’industrie de la dentelle continua à croître jusqu’au siècle ac-
tuel; 1801 peut être considéré comme son point culminant. A cette
époque, le nombre des habitants de la campagne occupés à.Tondern
et dans les environs était de 20,000. On apprenait à faire de la
dentelle aux petits garçons trop jeunes encore pour travailler aux
champs, et à peine y avait-il une habitation où l’on ne vît au moins
une dentellière assise à la porte de sa chaumière et travaillant
du lever du soleil à son coucher en chantant des ballades. Ces
anciennes dentellières avaient des modèles peu variés, et les plus
habiles étaient celles qui persévéraient à faire continuellement le
même dessin, qui y vouaient leur vie, pour ainsi dire; mais bien
peu pouvaient s’y décider. On cite une veuve qui a vécu quatre-
vingts ans et a élevé sept enfants avec le seul produit d’une étroite
petite dentelle qu’elle vendait 60 centimes l’aune. Chaque dessin
avait son nom : YOEil de coq, l’Araignée, la Lyre, la Plume, le
Pot-au-feu. Les femmes des riches fermiers travaillaient à leurs
fuseaux toute la journée, sans pouvoir les quitter; elles faisaient
faire leur besogne de ménage par des servantes qu’elles tiraient du
Nord-Jutland. Les bourgeoises aussi aimaient à faire de la dentelle.
On nous a raconté qu’une d’elles fit en cachette dans la cuisine, tout
en s’y occupant de soins domestiques, une robe de baptême pour son
magne et de la Baltiquè des quantités dont le prix dépasse 100,000 risdales (près de
280,000 fr.) ; le fil fin dont on fait usage vient des Pays-Bas et coûte quelquefois 100 ris-
dales la livre. (Pontoppidan, Economical Balance, 1759.)
HISTOIRE DE LA DENTELLE.
Lille et de Saxe; il y a aussi des imitations du point de Malte.
Les dentelles du Slesvig sont remarquables par leur belle qualité
et leur excellente exécution. On y fabriquait aussi des points genre
de Venise; un beau spécimen de cette dentelle orne la robe de ve-
lours noir de la jeune sille de Jean, duc de Holstein, qu’on peut voir
couchée dans son cercueil ainsi parée, selon la coutume des siècles
passés, dans la chapelle mortuaire du château de Sonderborg. On
faisait un grand usage de dentelles aux funérailles, dans les dix-
septième et dix-huitième siècles; il semble qu’alors les morts portas-
sent des vêtements plus riches que pendant leur vie. L’auteur du
Voyage en Jutland et dans les îles danoises a souvent vu dans les
églises du Danemark des momies exposées aux regards couvertes de
point de la plus grande richesse.
L’industrie de la dentelle continua à croître jusqu’au siècle ac-
tuel; 1801 peut être considéré comme son point culminant. A cette
époque, le nombre des habitants de la campagne occupés à.Tondern
et dans les environs était de 20,000. On apprenait à faire de la
dentelle aux petits garçons trop jeunes encore pour travailler aux
champs, et à peine y avait-il une habitation où l’on ne vît au moins
une dentellière assise à la porte de sa chaumière et travaillant
du lever du soleil à son coucher en chantant des ballades. Ces
anciennes dentellières avaient des modèles peu variés, et les plus
habiles étaient celles qui persévéraient à faire continuellement le
même dessin, qui y vouaient leur vie, pour ainsi dire; mais bien
peu pouvaient s’y décider. On cite une veuve qui a vécu quatre-
vingts ans et a élevé sept enfants avec le seul produit d’une étroite
petite dentelle qu’elle vendait 60 centimes l’aune. Chaque dessin
avait son nom : YOEil de coq, l’Araignée, la Lyre, la Plume, le
Pot-au-feu. Les femmes des riches fermiers travaillaient à leurs
fuseaux toute la journée, sans pouvoir les quitter; elles faisaient
faire leur besogne de ménage par des servantes qu’elles tiraient du
Nord-Jutland. Les bourgeoises aussi aimaient à faire de la dentelle.
On nous a raconté qu’une d’elles fit en cachette dans la cuisine, tout
en s’y occupant de soins domestiques, une robe de baptême pour son
magne et de la Baltiquè des quantités dont le prix dépasse 100,000 risdales (près de
280,000 fr.) ; le fil fin dont on fait usage vient des Pays-Bas et coûte quelquefois 100 ris-
dales la livre. (Pontoppidan, Economical Balance, 1759.)