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LES TRIBUS ET LEURS DIEUX
part, les quatre tribus formant la cité n’apparaissent que tardivement : elles sont men-
tionnées comme telles en 171 et leur existence est implicitement attestée vers 150 par
l’inscription qui fait état de quatre statues dans le tétradéion. La bilingue du sanctuaire
de Ba'alsamên énumérant les quatre sanctuaires date de 132 ; elle ne prouve pas par elle-
même que les tribus correspondantes formaient déjà à elles quatre la cité. Elles se font
connaître à nous, en effet, au moment où les anciennes divisions tribales perdent de valeur
et les Palmyréniens s’y réfèrent de plus en plus rarement. La dernière mention des benê
Ma'zîn date de 98, des benê Mîtâ de 84, des benê 'Agrûd de 81, des benê Gaddîbôl de
108 ; en revanche, les Komarê (Χωνεΐτοα) sont encore mentionnés seuls en 182 et en 198
en tant que l’une des quatre tribus. Les benê Zabdibôl sont actifs en 179, les Mattabôl
en 159 117. Ces dates relèvent, bien entendu, du hasard de la conservation des monuments.
Il est clair que les tribus subsistent en plein IIe siècle, sans que l’appartenance à l’une
d’elles soit toujours jugée digne de rappel. Les textes de l’époque citent, en plus de celles
déjà nommées, les benê Hatrai (en 128) et les benê 'tr (en 179)11S, tribus attestées chacune
une seule fois, sans doute peu nombreuses. Les quatre tribus n’ont pas remplacé toutes
les autres ; celles-ci existent parallèlement, comme par la passé.
Il y avait donc côte à côte deux systèmes différents dans l’organisation du corps civique :
d’une part le quattuor, attesté au IIes. seulement, qui apparaît exécutant toujours ensemble
les décrets du Sénat, d’autre part les quelques dix-sept tribus, certaines attestées déjà au Ier
siècle a.C., qui agissent toujours seules (sinon en tant qu’assemblée dans la première moitié
du Ier siècle), ou qui ne sont connues que par leurs membres 119. Dans les deux cas, c’est le
terme phd. qui les définit. Le terme grec est rare, parce que les bilingues ne traduisent
pas toujours cette précision intéressant surtout le lecteur indigène. Il me semble risqué
de tirer des conséquences de son emploi, et encore plus d’attribuer à l’expression grecque
une valeur dont l’original serait dépourvu.
On trouve en palmyrénien phd bny h.mr' ou simplement bny kmr (et ainsi pour d’autres
noms), tandis que le correspondant grec, quelquefois présent, donne φυλή Χομαρηνών
(Χωνεΐτων) ou Χομαρήνοι; de même, on a dans quelques textes φυλή ΜαίΜΙαβωλείων, Μι-
■9-ηνών et Γαδδεφωλίοι, Αγρουδήνοι, οί έγ γένους Ζαβδιβωλείων, correspondant indifférem-
ment à l’une ou l’autre forme palmyrénienne 12°. L’emploi de γένος pour les benê Zabdibôl
ne me semble pas traduire une notion différente de φυλή. Ainsi, la tentative d’identifier
les quatre tribus à celles qui sont désignées par φυλή me paraît sujette à caution.
Les autres propositions (H. Ingholt, J. Cantineau) ne reposent que sur la fréquence
relative des textes qui seraient plus nombreux pour les tribus « aristocratiques » ; elles
n’ont pas donné de résultats concluants 121. Positivement, nous savons seulement que
les Komaréniens en faisaient partie, alors que les liens des benê Ma'zîn avec le sanctuaire
de Ba'alsamên rendent vraisemblable leur appartenance à ce groupe 122. Avant d’aller
plus loin, essayons de définir en quoi consistait leur position particulière.
117 Dunant, Baalshamin, n° 41 (pour m żyn, mais ydy'bl encore en 130/1, Inv. I, 2 = n° 44) ; Syria 19,
1938, p. 76, n° 29 (Mîtâ) ; Inv. X, 131 ('Agrûd), IX, 15 (Gaddîbôl) ; H. Ingholt, Berytus 3, 1936, p. 109
et Syria 13, 1932, p. 279 (Komarê); Inv. V, 4 = CIS II 3953 (Zabdibôl), Inv. VII, 5 (Mattabôl).
118 Inv. IV, 19 et IV, 14.
119 Seule exception Inv. IX, 13 (= CIS II 3915) : médiation entre les benê Komarê et benê Mattabôl.
120 D. Schlumberger, Syria 48, 1971, p. 123.
121 H. Ingholt, Syria 13, 1932, p. 289; J. Cantineau, Syria 17, 1936, p. 279 et Inv. IX, p. 27.
122 Pour J. T. Milik, les bny 'tr et les benê Mattabôl en faisaient partie, mais ces arguments ne sont pas
suffisants (M i 1 i k, p. 29).
LES TRIBUS ET LEURS DIEUX
part, les quatre tribus formant la cité n’apparaissent que tardivement : elles sont men-
tionnées comme telles en 171 et leur existence est implicitement attestée vers 150 par
l’inscription qui fait état de quatre statues dans le tétradéion. La bilingue du sanctuaire
de Ba'alsamên énumérant les quatre sanctuaires date de 132 ; elle ne prouve pas par elle-
même que les tribus correspondantes formaient déjà à elles quatre la cité. Elles se font
connaître à nous, en effet, au moment où les anciennes divisions tribales perdent de valeur
et les Palmyréniens s’y réfèrent de plus en plus rarement. La dernière mention des benê
Ma'zîn date de 98, des benê Mîtâ de 84, des benê 'Agrûd de 81, des benê Gaddîbôl de
108 ; en revanche, les Komarê (Χωνεΐτοα) sont encore mentionnés seuls en 182 et en 198
en tant que l’une des quatre tribus. Les benê Zabdibôl sont actifs en 179, les Mattabôl
en 159 117. Ces dates relèvent, bien entendu, du hasard de la conservation des monuments.
Il est clair que les tribus subsistent en plein IIe siècle, sans que l’appartenance à l’une
d’elles soit toujours jugée digne de rappel. Les textes de l’époque citent, en plus de celles
déjà nommées, les benê Hatrai (en 128) et les benê 'tr (en 179)11S, tribus attestées chacune
une seule fois, sans doute peu nombreuses. Les quatre tribus n’ont pas remplacé toutes
les autres ; celles-ci existent parallèlement, comme par la passé.
Il y avait donc côte à côte deux systèmes différents dans l’organisation du corps civique :
d’une part le quattuor, attesté au IIes. seulement, qui apparaît exécutant toujours ensemble
les décrets du Sénat, d’autre part les quelques dix-sept tribus, certaines attestées déjà au Ier
siècle a.C., qui agissent toujours seules (sinon en tant qu’assemblée dans la première moitié
du Ier siècle), ou qui ne sont connues que par leurs membres 119. Dans les deux cas, c’est le
terme phd. qui les définit. Le terme grec est rare, parce que les bilingues ne traduisent
pas toujours cette précision intéressant surtout le lecteur indigène. Il me semble risqué
de tirer des conséquences de son emploi, et encore plus d’attribuer à l’expression grecque
une valeur dont l’original serait dépourvu.
On trouve en palmyrénien phd bny h.mr' ou simplement bny kmr (et ainsi pour d’autres
noms), tandis que le correspondant grec, quelquefois présent, donne φυλή Χομαρηνών
(Χωνεΐτων) ou Χομαρήνοι; de même, on a dans quelques textes φυλή ΜαίΜΙαβωλείων, Μι-
■9-ηνών et Γαδδεφωλίοι, Αγρουδήνοι, οί έγ γένους Ζαβδιβωλείων, correspondant indifférem-
ment à l’une ou l’autre forme palmyrénienne 12°. L’emploi de γένος pour les benê Zabdibôl
ne me semble pas traduire une notion différente de φυλή. Ainsi, la tentative d’identifier
les quatre tribus à celles qui sont désignées par φυλή me paraît sujette à caution.
Les autres propositions (H. Ingholt, J. Cantineau) ne reposent que sur la fréquence
relative des textes qui seraient plus nombreux pour les tribus « aristocratiques » ; elles
n’ont pas donné de résultats concluants 121. Positivement, nous savons seulement que
les Komaréniens en faisaient partie, alors que les liens des benê Ma'zîn avec le sanctuaire
de Ba'alsamên rendent vraisemblable leur appartenance à ce groupe 122. Avant d’aller
plus loin, essayons de définir en quoi consistait leur position particulière.
117 Dunant, Baalshamin, n° 41 (pour m żyn, mais ydy'bl encore en 130/1, Inv. I, 2 = n° 44) ; Syria 19,
1938, p. 76, n° 29 (Mîtâ) ; Inv. X, 131 ('Agrûd), IX, 15 (Gaddîbôl) ; H. Ingholt, Berytus 3, 1936, p. 109
et Syria 13, 1932, p. 279 (Komarê); Inv. V, 4 = CIS II 3953 (Zabdibôl), Inv. VII, 5 (Mattabôl).
118 Inv. IV, 19 et IV, 14.
119 Seule exception Inv. IX, 13 (= CIS II 3915) : médiation entre les benê Komarê et benê Mattabôl.
120 D. Schlumberger, Syria 48, 1971, p. 123.
121 H. Ingholt, Syria 13, 1932, p. 289; J. Cantineau, Syria 17, 1936, p. 279 et Inv. IX, p. 27.
122 Pour J. T. Milik, les bny 'tr et les benê Mattabôl en faisaient partie, mais ces arguments ne sont pas
suffisants (M i 1 i k, p. 29).